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KYLIAN A LES YEUX BLEUS

Depuis le début de l’ère Didier Deschamps, jamais l’équipe de France n’avait été aussi jeune que lors du dernier rassemblem­ent de mars 2017 où Kylian Mbappé a été appelé pour la première fois chez les grands, et ce, sans passer par la case Espoirs. Sous d

- PAR MAXIME BRIGAND. PHOTOS: PANORAMIC

Casquette vissée sur la tête, style sobre, une main timidement tendue et, de l’autre côté de la barrière, des dizaines de caméras qui tentent de gratter un sourire ou quelques mots. Comment faut-il se comporter lors d’un premier rassemblem­ent? Certains optent pour l’extravagan­ce, d’autres pour la sobriété.

Kylian Mbappé, lui, a choisi son école: “Je viens pour voir comment cela se passe. Je vais avoir les yeux grands ouverts. Pareil pour les oreilles, pour écouter et apprendre. Avec tous les grands joueurs qui vont m’entourer, je ne vais pouvoir qu’apprendre. Je viens sur la

pointe des pieds.” Revenir à Clairefont­aine, le gosse de Bondy en rêvait, mais, au fond, lui-même sait que tout a été très vite. Quelques semaines plus tôt encore, Didier Deschamps affirmait suivre le buteur monégasque sans savoir quand il l’appellerai­t. Puis, le sélectionn­eur national a foncé dans la même direction que Leonardo Jardim: “Le talent n’a pas d’âge.” Alors, celui qui est devenu champion du monde à une époque où Kylian Mbappé n’était même pas de ce monde a fait venir la petite promesse, histoire de voir ce qu’elle avait dans le ventre. Mieux, il lui a même filé un quart d’heure de jeu face au Luxembourg. À quoi a-t-il pensé lorsqu’il s’est levé du banc pour remplacer Dimitri Payet? “Je me suis dit: ‘Ça y est, c’est le moment. Il faut tout lâcher, joue ton jeu. De toute façon, c’est pour ça que tu es là.’” Entre humilité et revanche personnell­e.

Bombe, traumatism­e et bascule

Ce maillot bleu a toujours eu une place particuliè­re dans la tête de Kylian Mbappé. Pour comprendre, il faut déjà revenir à l’été 2011, où le jeune Monégasque est entré à l’INF Clairefont­aine. La période est tendue, importante pour la FFF qui doit gérer la bombe de l’affaire des quotas qui vise directemen­t sa politique en matière de sélection des jeunes. La génération 98 devient alors un symbole, une vitrine et l’ensemble de la presse sportive est conviée au domaine de Montjoye pour juger sur pièce. Interrogé à l’époque par Libération, Wilfried Mbappé parle d’une “bombe, pour nous, les entraîneur­s de banlieue. C’est choquant, car les gamins se sentent français, et presque tous rêvent de jouer en équipe de France.” C’est avant tout le cas de son second fils, Kylian, mais c’était aussi celui du premier, Jirès Kembo-Ekoko, ancien internatio­nal espoir. À Clairefont­aine, Kylian Mbappé a l’habitude de voir défiler les grands, ceux à qui il gratte parfois des maillots ou des chaussures. Mais voilà, son histoire avec le maillot bleu reste complexe, car finalement assez maigre – deux sélections chez les U17, onze chez les U19 – et surtout marquée par un “traumatism­e” comme l’explique Souleymane Camara, l’ancien responsabl­e du recrutemen­t au centre de formation de l’AS Monaco. Ce traumatism­e, c’est le championna­t d’Europe des moins de dix-sept ans en Bulgarie remporté en 2015 par la bande de Jean-Claude Giuntini sans le jeune Mbappé. Personne ne connaît vraiment les raisons de son absence, mais cela a profondéme­nt marqué l’enfant de Bondy. Camara reprend: “Il a eu du mal à le digérer, ça a été un crèvecoeur. Son regard envers l’équipe nationale est extrêmemen­t fort. Quand il y allait, c’était pour retrouver les potes, les mecs de l’INF, il était heureux.”

Puis, il y a eu cette revanche, début 2016. Ludovic Batelli, alors sélectionn­eur des moins de 19 ans nationaux, le suit depuis plusieurs années et a surtout un championna­t d’Europe qui se profile début juillet. “Là, l’ascension vertigineu­se d’Ousmane Dembélé fait qu’on doit le laisser partir avec les Espoirs et les A, replace celui qui a depuis repris les U20. On avait un maillon manquant. Dans ma génération, je n’avais aucun joueur de ce profil-là, j’ai regardé en dessous et j’ai parié sur Kylian qui s’est tout de suite fondu dans le groupe, dans le projet de vie, dans l’état d’esprit et aussi dans notre plan de jeu.” Il y aura le Tour Élite en Serbie et finalement la victoire finale en Allemagne après un parcours magnifique où l’attaquant monégasque claque notamment un doublé contre le Portugal en demi-finale avant de régaler en finale contre l’Italie. Batelli: “Dans un groupe, quand on ne sait pas que c’est Kylian Mbappé, il se comporte comme tous les autres. Il fait les choses pour les autres et pour l’équipe, c’est lui dans le groupe et pas l’inverse, donc c’est un bonheur à gérer.” Ce tournoi restera à jamais une forme de bascule dans l’histoire de Kylian avec les Bleus, une compétitio­n où il “déglinguai­t tout le monde à FIFA, n’hésitait pas à chambrer avec gentilless­e” et a surtout porté le groupe par son talent. Pour finalement sauter les étapes et déjà se retrouver chez les grands. Précoce, toujours.

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Juste un câlin de la Desch'

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