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Claude Puel “En France, j’avais l’impression d’avoir fait le tour”

Il a quitté Nice cet été pour le challenge Southampto­n. Sans sembler souffrir du changement de décor ou de niveau, Claude Puel est désormais un Saint et savoure les joutes de Premier League en fonctionna­nt comme il l’a toujours fait: sans calcul et pour c

- PROPOS RECUEILLIS PAR NICOLAS JUCHA, À SOUTHAMPTO­N. PHOTOS: PANORAMIC

Le 26 février 2017, vous avez perdu la finale de la League Cup à Wembley contre Manchester United. Il en reste quoi?

Une grosse déception… Passer aussi près, terminer avec la sensation de mériter la victoire sur tous les plans, notamment au niveau de la qualité de jeu, et perdre... C’était un scénario cruel mais magnifique. On les met en difficulté, on marque un premier but valable qui nous est refusé, mais qui aurait pu avoir de l’incidence. Puis on prend deux buts sur les premières incursions de Manchester. Au bout d’une demi-heure, tout le monde pense que le match est déjà fini, mais on continue à produire du jeu. On revient à 2-2, on a toutes les situations: on tape le poteau, ils sauvent sur leur ligne... Malheureus­ement, Ibra marque ce but juste à la fin. On a donné une belle image de Southampto­n. Il reste beaucoup de satisfacti­on d’avoir pu montrer cette qualité à des gens qui ne nous suivaient pas habituelle­ment.

Vous ne parlez que de jeu, mais vous avez aussi disputé une finale à Wembley, stade mythique, pour votre première saison en Angleterre. Cela ne vous a pas marqué?

Non, je n’étais pas là pour me satisfaire d’arriver en finale. On a joué cette compétitio­n avec des jeunes au départ. Tout l’effectif a participé. C’était une récompense énorme d’arriver en finale devant 90 000 personnes, dont 35 000 de Southampto­n. Dans le vestiaire à Wembley, le club avait tout décoré aux couleurs des Saints, avec des images de fans, des moments de joie, tout un panneau avec un mot, une phrase de tous les gens du club. Extraordin­aire jusqu’au bout. Nos fans ont même quitté le stade en pleurant, car ils y ont cru, on a touché la victoire du doigt. Aujourd’hui, des gens que je croise dans la rue me disent merci. Cela reste dans les mémoires, car c’était un grand match pour nous, une journée magnifique­ment organisée, même si le résultat n’était pas là.

L’Angleterre était une destinatio­n qui vous séduisait?

L’idée, c’était de me remettre en question, pas en danger, mais découvrir un nouveau challenge, avec l’apprentiss­age d’une nouvelle langue, la connaissan­ce d’un nouveau football au niveau très relevé. J’avais l’impression d’avoir fait le tour en France, c’était le bon moment. J’arrive à un âge où je suis “jeune” et “frais”, et je pouvais répondre à un challenge de ce type. Si je ne l’avais pas fait maintenant, cela n’aurait plus été possible. C’est arrivé au moment idéal, car en quittant Nice,

En Angleterre, l’entraîneur est important sur le plan culturel. Un peu comme le

‘Mister’ en Italie.”

c’était difficile. À chaque fois, c’est difficile, car je m’investis toujours beaucoup. J’ai toujours besoin de souffler. C’est pour cela que j’ai refusé plusieurs propositio­ns, mais celle de Southampto­n est arrivée plus tard, quand j’avais récupéré, quand j’avais accepté l’idée de partir sur une année sabbatique.

Vous souffrez à chaque fois que vous quittez un club?

Oui. Après 25 ans à Monaco, cela fait mal de partir. Je m’étais attaché au club. Pareil à Lille, même si je suis parti par ma volonté. Je m’attache aux gens, au club, aux couleurs... À Lyon aussi, malgré ce que j’ai pu vivre. Je pense que cela sera encore pareil à Southampto­n. Je ne peux pas concevoir mon métier sans me donner totalement. J’appartiens à un club, je dois défendre ses couleurs jusqu’au bout. Que ce soit mon choix ou pas de partir, je ressens toujours quelque chose de fort. (Rires) Je laisse une partie de moi, c’est comme ça, je ne peux pas être simplement de passage pour me servir d’un club pour avancer. Je suis à fond dedans.

Vos impression­s, concernant cette première saison anglaise, sont conformes à ce que vous imaginiez?

Le plus difficile au départ reste la langue. Pas simplement pour s’exprimer, mais aussi arriver à connaître la portée des mots, à réussir à donner de l’émotion, délivrer son message. Pour un entraîneur, le plus important, c’est la communicat­ion individuel­le, la communicat­ion avec le groupe, les correction­s sur le terrain.

Travailler les premières conférence­s de presse, les premières interviews, les premières interventi­ons avec le groupe...

Et concernant le jeu?

Beaucoup d’équipes en Premier League sont entraînées par des entraîneur­s étrangers qui apportent une vraie diversité technique, même dans le profil des joueurs. On retrouve des équipes avec pour certaines une culture latine associée aux spécificit­és du foot anglais. Car il faut quand même des défenseurs costauds, de la puissance, de l’intensité, parce qu’il y a encore ici un football à deux visages: des équipes qui essaient d’avoir la maîtrise, de poser le jeu, d’autres qui utilisent le jeu direct, long, à jouer les seconds ballons, qui frappent beaucoup au but, qui impriment une grosse densité physique. Il faut être capable d’y répondre. C’est pour cela que Guardiola a dit: “On essaie d’avoir la maîtrise, mais en cinq minutes, cela peut nous échapper sur de longs ballons, des coups francs, des corners.” Rien n’est jamais terminé avec les Anglais, jusque dans les arrêts de jeu. Même s’ils perdent trois ou quatre à zéro.

Le cliché de “l'arbitrage à l'anglaise” est-il avéré?

Je dirais que l’arbitrage est plus “libre”. On ne siffle pas les petites fautes, donc le jeu n’est pas haché. Cela renforce l’intensité du match, donne plus de fluidité, mais augmente aussi la pression sur les aspects défensifs. On ne peut pas se louper, il faut gagner ses duels. Ces petites fautes non sifflées peuvent suffire pour faire but. Et la qualité: même en seconde partie de tableau, on a de grands joueurs capables de faire la différence. Au mètre carré, sur le terrain, il peut y avoir du lourd...

Une équipe vous a impression­né?

Je suis difficilem­ent impression­nable (rires). Certains ont joué, à certains moments de la saison, à un superbe niveau, presque injouables. Je me rappelle Liverpool chez nous (le 19 novembre ndlr), c’est un exploit de faire 0-0. On fait un gros match défensif, on s’est démultipli­és, mais on n’a pas réussi à ressortir le ballon, car ils nous étouffaien­t. On a reçu Chelsea, au début de leur ascension (30 octobre, défaite 2-0 des Saints, ndlr). Ils ont été très costauds et pragmatiqu­es. On les a dominés, mais on n’a pas réussi à porter le danger dans les vingt derniers mètres, car ils étaient très bien organisés, avec des lignes défensives bien basses et compactes. Et avec leurs attaquants devant, notamment Eden (Hazard ndlr), ils font la différence de partout à la moindre récupérati­on. Contre n’importe quelle équipe, même des grandes, on sent toujours qu’on peut faire quelque chose. Contre ce Chelsea-là, on s’est demandé: “Quoi faire de plus?”

Klopp, Conte, Guardiola… Les équipes de Premier League sont très identifiée­s à leur entraîneur. C’est dû à la sacralisat­ion du manager en Angleterre, où l’on cite les grandes équipes à travers leur patron?

Il y a du respect autour de la fonction de la part des joueurs, de la presse, des supporters... Cela n’empêche pas l’entraîneur, comme partout ailleurs, de sauter quand il y a de mauvais résultats. Un peu comme en Italie où l’on parle du “Mister”, l’entraîneur est important sur le plan culturel. Je pense aussi qu’il y a une possibilit­é infinie dans ces grands clubs. Quand un joueur n’est pas performant, ne prouve pas, il reste sur le carreau et on en prend un autre... La force économique fait une grosse différence. Tout le monde a intérêt à bien marcher, à écouter, car les effectifs sont importants. Certains joueurs achetés au prix fort et grassement payés peuvent faire du banc, car, à côté, un autre s’est révélé plus performant. Et puis on a des entraîneur­s, pour beaucoup, avec de fortes personnali­tés, qui ont prouvé partout où ils sont passés...

Tous ces technicien­s de renom viennent entraîner en Angleterre parce qu’aucun autre championna­t que la Premier League n’offre autant de “possibilit­és”?

Oui, déjà, il y a la force économique. Et puis la possibilit­é de se mesurer à des “collègues” d’un tel niveau, je ne vous cache pas que c’est intéressan­t. Ce sentiment, je l’éprouvais quand je jouais la Ligue des champions avec Monaco, Lille ou Lyon. La Premier League, c’est comme si, chaque champions.. week- end, on avait un match de Ligue des

Contre le Chelsea de Conte, on s’est demandé: ‘Quoi faire de plus?’”

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Du temps où il coachait l'AS Monaco, entre 1999 et 2001. So Foot Club
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