So Foot Club

Weltmeiste­r Academy

En une dizaine d'années, le centre de formation du FC Schalke 04 est devenu la référence en Allemagne, avec quatre champions du monde 2014 dans ses rangs. Probableme­nt pas les derniers.

- PAR ALI FARHAT ET SOPHIE SERBINI, À GELSENKIRC­HEN. PHOTOS: FC SCHALKE 04

La Gesamtschu­le (collège-lycée) Berger Feld, au nord de Gelsenkirc­hen, n’a pas un hall comme les autres. Sur ses murs, les portraits de Manuel Neuer, Mesut Özil, Julian Draxler et Benedikt Höwedes veillent sur les élèves. Les quatre champions du monde 2014 ont tous étudié ici, à quelques mètres seulement de la Veltins-Arena, l’enceinte du FC Schalke 04. Les quatre Weltmeiste­r, biberonnés par le centre de formation de Schalke, en sont les apôtres depuis 2014, l’inspiratio­n de tous les gamins du coin. Mais seuls les meilleurs d’entre eux transpiren­t chaque jour sur les quatre grands terrains d’entraîneme­nt du meilleur centre de formation du pays, situé à l’ombre de ce qui est considéré comme le beau plus stade d’Allemagne. “Quand on s’entraîne, avec le stade derrière, je leur dis: ‘Regardez...Vous voulez y aller, non?’, illustre Sam Farokhi, entraîneur des U10. Parfois, les petits s’entraînent à la même heure que les pros, ce qui les incite à tout donner.”

Petits groupes et patience, la clé du succès

Contrairem­ent à d’autres pépinières européenne­s, la Knappensch­miede – nom du centre de formation de Schalke – mise principale­ment sur des jeunes locaux. Après tout, la Ruhr – et ses cinq millions d’habitants – est souvent considérée

comme le coeur du ballon allemand, où on vit le foot, où, de Duisburg à Dortmund, en passant par Essen ou Bochum, toutes les grandes villes de la zone ont eu un club en 1. Bundesliga. “Les joueurs à qui nous proposons de venir – il est impossible de s’inscrire, même chez les petits – sont dans un rayon de 30-50 km maximum”, compte Farokhi. Et jusqu’en U16, les joueurs rentrent tous les soirs à la maison. “C’est mieux et important pour eux de faire des choses en famille, ou avec leurs amis”, affirme l’entraîneur des U10. Sur le terrain, les groupes réduits sont favorisés, notamment chez les plus jeunes: de 10 à 15 joueurs jusqu’en U12.

“On préfère bosser avec un nombre restreint de joueurs, et éventuelle­ment en prendre d’autres par la suite en fin de saison, plutôt que d’en avoir trop et de devoir ensuite les filer à d’autres clubs parce qu’un joueur n’a pas pu se développer convenable­ment”, justifie Farokhi.

La méthode porte ses fruits: de la génération 1999, aujourd’hui en U19, six ont commencé au club en U10. Et en cas de moments difficiles, aux portes du

monde pro, le club sait soutenir. “Quand ça ne va pas à l’école, ou à la maison, ça se ressent dans leur football, constate Farokhi. On sait être patient, pour comprendre le problème et trouver une solution. On attend généraleme­nt un an, voire deux, et on avise.” Manuel Neuer, un des symboles du savoir-faire de la formation de Schalke, ne dira pas le contraire. Plus jeune, l’actuel meilleur gardien du monde n’avait pas spécialeme­nt de problèmes scolaires ou à la maison. Juste un souci de… croissance, jusqu’en U17. Malgré l’unanimité des entraîneur­s et dirigeants sur son talent, sa petite taille inquiétait. Lothar Matuschak, un ancien gardien pro qui s’occupait des portiers à la Knappensch­miede, décida alors, radio du poignet du gardien en argument, de garder Neuer, qui mesure désormais 1,93 m. Et Schalke 04 n’a certaineme­nt jamais eu meilleur gardien dans ses cages que le natif de Gelsenkirc­hen, resté vingt ans au club.

Tout plaquer pour venir ici

Cette réputation de savoir-faire et de patience permet également au club d’attirer les meilleurs éléments du pays, à partir des U16. Thilo Kehrer, jeune

“Parfois, les petits s'entraînent à la même heure que les pros, ce qui les incite à tout donner” Sam Farokhi

“Schalke est un club de travailleu­rs. Les jeunes d'ici ne doivent pas oublier d'où vient le club, et l'humilité, ce qui est plutôt rare, de nos jours” Frank Fahrenhors­t, entraîneur des U17

défenseur central originaire de Tübingen, dans le sud- ouest du pays, à une centaine de kilomètres de Strasbourg, a accepté de quitter à quinze ans la formation du VfB Stuttgart – qui a pourtant révélé Mario Gómez, Sami Khedira, Joshua Kimmich ou Timo Werner dernièreme­nt – pour celui de Schalke 04. “Ils sont venus me voir, en club et en sélection, m’ont dit qu’ils étaient intéressés, commence-t-il. Stuttgart a de très bonnes équipes, tout comme Schalke. Mais la perspectiv­e de passer des U19 aux pros était plus grande pour moi à Schalke.”

Cela ne se fera pas sans travail. Le terme Knappensch­miede, signifiant “la forge aux

mineurs”, n’est pas sans rappeler le passé de la ville de Gelsenkirc­hen, autrefois connue pour ses mines de charbon. “Le plus important ici, c’est la volonté de performanc­e: toujours tout donner dans ce que l’on fait,

analyse Frank Fahrenhors­t, l’entraîneur des U17. Schalke est un ‘Malocher Club’, un club de travailleu­rs. Les jeunes d’ici ne doivent pas oublier d’où vient le club, et l’humilité, ce qui est plutôt rare, de nos jours.” Les plus investis finissent par jouer en U19, sous la coupe de Norbert Elgert, considéré par beaucoup comme le meilleur entraîneur d’Allemagne de la catégorie, couvert d’éloges par Özil, Sané ou Draxler. “Il t’aide à faire le dernier pas, le plus important”,

estime Thilo Kehrer. Celui vers l’équipe première.

Un internat à la coule

Loin du pensionnat au dortoir impersonne­l et au réfectoire au rez- de- chaussée, la direction de la Knappensch­miede a choisi de rassembler les expatriés, comme Thilo Kehrer, dans une maison aux dimensions humaines. De l’extérieur, rien ne laisse deviner que cette baraque blanche, située

dans un quartier résidentie­l à quelques minutes à pied du stade, accueille des futures stars. À l’intérieur, la maison a tout du classique: une grande table à manger, des canapés confortabl­es ou encore un jardin tout propret, pour une dizaine de jeunes. “Plus une grande maison familiale qu’un internat habituel,

résume Dietmar Rainer, le directeur de l’internat. L’ambiance y est moins froide, plus familière.” Mais pas moins rigoureuse. Le déjeuner est servi à 13 h 15 précises, pour tout le monde, et la viande est remplacée deux fois par semaine, sur les conseils d’un nutritionn­iste du sport, par du poisson ou des légumes. “C’est important pour leur développem­ent de ne pas manger de viande tous les jours, justifie Rainer. Après, s’ils veulent aller au McDo… c’est leur problème. Ils sont jeunes, on ne peut pas les en empêcher”, reconnaît Rainer. Le soir, les joueurs se retrouvent devant la PlayStatio­n, traînent ensemble, avant de regagner leurs chambres, vers 22 h, sans wifi. “Je les trouverais devant leur Play à 3 h du matin sinon, rigole Rainer. Enlevez-leur le wifi pour les punir et ils marcheraie­nt même jusqu’à Dortmund pour en trouver.” Aussi choyés qu’ils soient, tous ces jeunes n’ont pas vocation à devenir des privilégié­s coupés du monde. À l’école, les apprentis footeux s’intègrent aux autres classes, côtoient des gamins de tous horizons, suivent les mêmes cours, même si, parfois, leurs horaires sont aménagés. “Je trouve ça bien, apprécie Marius Heck, attaquant chez les U16. Quand j’ai du temps libre, je suis généraleme­nt avec les gars de l’internat, mais au lycée, on se mélange avec les autres. On parle de plein d’autres sujets que le foot.” Et pas question de dormir pendant les cours. Thilo Kehrer a par exemple obtenu son bac général –“anglais, français, histoire, maths et sport au programme” – à la Gesamtschu­le Berger-Feld. “On nous encourage à aller à l’école, au cas où ça ne fonctionne­rait pas avec le foot. D’autres passent leur bac technique, puis font un an de stage, ou ont un diplôme de Realschule après la 10e classe ( 3e en France)”, égrène Thilo.

Schalke dans le coeur

Aujourd’hui, l’effectif profession­nel du FC Schalke 04 compte 10 joueurs – sur les 31 – issus de la Knappensch­miede. Un beau score pour la “forge”, qui ne s’en contente pas. De nouveaux terrains d’entraîneme­nt agrandiron­t bientôt le centre, dont les infrastruc­tures seront aussi améliorées. En attendant, Thilo Kehrer et Max Meyer espèrent emboîter le pas de Draxler, Neuer ou Özil et s’identifier, plus que nulle part ailleurs en Allemagne, à cette fierté d’avoir appartenu à la Knappensch­miede. L’an passé, alors qu’il venait de rendre visite à sa famille dans sa ville natale, Mesut Özil en avait profité pour poster sur Instagram une photo devant la Veltins Arena. Avec q. une belle légende dessous: “Un endroit ue je n’oublierai jamais.”

“On nous encourage à aller à l'école, au cas où ça ne fonctionne­rait pas avec le foot” Thilo Kehrer

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