Centre de formation Empoli
Modeste club italien, Empoli mise essentiellement sur ses jeunes du centre de formation pour fournir en talent l'équipe première. Montella, Di Natale et Rugani sont notamment passés par là.
Si l'Empoli fréquente régulièrement la Serie A (malgré une relégation en Serie B à la fin de cette saison 2016-2017), c'est avant tout grâce à son centre de formation très performant qui lui permet de réaliser de belles plus-values et de pérenniser le cercle vertueux. Ne manque plus qu'à mettre fin à la malédiction des finales…
La route de campagne se fraye un chemin au milieu des vignes et des oliviers et il faut parfois patienter derrière un tracteur parti rejoindre ses champs. C’est l’occasion de profiter du décor de la splendide Toscane, puisqu’on croirait presque prendre le chemin d’un gîte rural, mais les projecteurs sont là pour rappeler la nature de l’établissement perché au sommet d’une petite colline. L’environnement est paisible, détendu, nature, on perçoit de suite que l’esprit de famille n’est pas un terme galvaudé au centre d’entraînement de Monteboro, à quelques encablures d’Empoli. “J’habite à un kilomètre d’ici, j’y passe quasiment tout mon temps libre. Le samedi et le dimanche, je viens voir jouer nos
jeunes”, annonce Fabrizio Corsi. Président du club depuis 1991, il mène cette politique sans y déroger d’un iota: “Il y avait déjà une certaine tradition, l’Empoli a toujours été un club qui s’est autofinancé, car c’est tout simplement le seul moyen de perdurer au haut niveau. Je n’ai fait que la développer en ouvrant ce centre, et encore, il n’est pas fini, on doit construire un ou deux terrains
supplémentaires.” Ce qui permettrait d’accueillir enfin l’intégralité des équipes. Paradoxe, mais pas tant que ça, le centre de formation possède sa maison, tandis que les pros s’entraînent au stade CarloCastellani en ville. Le confort, c’est avant tout pour les jeunes pousses, c’est aussi de cette façon que l’Empoli a construit sa réputation. “Avant, les gamins qui venaient de loin étaient hébergés chez des veuves qui avaient une ou deux chambres à coucher, maintenant, ils sont tous regroupés ici”, poursuit le boss. Un bâtiment à deux étages avec vue sur les terrains où les étrangers et non-toscans mangent et dorment. C’est Edwin et Florecita, un couple philippin, qui leur font office de papa et maman: “Ils ont le droit de sortir en ville quatre fois par semaine pour avoir une vie sociale, mais il faut qu’ils soient rentrés avant dîner”,
précise le cuistot moustachu. Il y a pire comme cadre de vie.
Balades sur le littoral
Parmi les dix-neuf pensionnaires, pas mal de Napolitains, cibles privilégiées de l’Empoli depuis des décennies. Ancien joueur du club reconverti entraîneur
“Je trouve ça étrange que le Napoli ne soigne pas sa formation, car il a un bassin énorme à disposition. Mais ça ne s'apprend pas du jour au lendemain.” Antonio Buscè, entraineur des U15
des U15, Antonio Buscè élucide cette particularité avant d’avaler les 400 bornes au volant de son minibus pour rejoindre Pordenone où il a
un tournoi le lendemain: “Il y a cette affiliation avec l’école de foot de Castello di Cisterna, c’est de là-bas que sont venus Di Natale et Montella. Je suis moi-même napolitain, et je trouve ça étrange que le Napoli ne soigne pas sa formation, car il a un bassin énorme à disposition. Mais ça ne s’apprend pas du jour au lendemain. Alors on en profite, et tant mieux parce que le Napolitain apporte une touche de malice, il fait partie de ces joueurs apprenant encore le football dans la rue et qui sont donc techniquement plus à l’aise.” Un aspect qui caractérise énormément le prototype de l’Empoli, comme le développe Marco Bertelli, directeur du “Settore Giovanile”: “On a toujours été une équipe produisant du jeu. On cherche d’abord la technique plutôt que le physique, les joueurs bons en un contre un et sachant prendre les bonnes décisions, ce qui tend à se raréfier.” Pour les dénicher, vingt bonhommes sillonnent la Toscane avec une préférence pour le littoral afin de ne pas trop se marcher sur les pieds avec la Fiorentina: “On a investi dans les clubs affiliés pour accroître le sens d’appartenance dès le plus jeune âge, cela permet de rivaliser avec les top clubs. On nous compare souvent à l’Atalanta, mais elle représente une ville et une zone géographique d’un
million de personnes, alors qu’Empoli, c’est 45 000 habitants.” Dans l’optique de renforcer cette cohésion, les joueurs de l’effectif pro sont amenés à s’intéresser à
leurs successeurs. “Le mec de 30 ans doit comprendre où il travaille et savoir donner un coup de main aux plus jeunes. C’est ce que j’avais fait avec Saponara dont le papa était venu me remercier en personne pour les conseils que je donnais à son fiston”,
révèle Buscè, qui enchaîne: “Après, certains y tiennent moins, mais pour moi, c’est fondamental de comprendre comment ces gamins grandissent et arrivent en équipe une. Et puis ici, on forme des bons joueurs, mais aussi des bons entraîneurs.” Double preuve: Alessandro Birindelli, onze ans de boîte à la Juve, est revenu là où tout avait commencé et a pris le commandement des U17. Quant au coach de la Primavera, Alessandro Dal Canto, il est arrivé directement des U17 italiens.
Rien à cacher
Comme en pleine saison des vendanges, les camionnettes enchaînent les allersretours et déposent les gamins qui sortent du collège et du lycée. Certains parents les accompagnent eux-mêmes et s’installent en bord de terrain. Tout est ouvert au public, il n’y a rien à cacher, pas même la méthodologie d’entraînement: “On mise beaucoup sur le mental, les coachs induisent les solutions et ne sont pas les protagonistes absolus, explique Bertelli. On enseigne à nos joueurs à prendre des initiatives à travers un cheminement didactique qui les met en condition de résoudre seuls un problème. Ils doivent le faire eux. L’entraîneur fait faire
“L'entraîneur ne traite pas ses élèves comme des soldats. Le foot est un sport de situations et il ne faut pas se retrouver le dimanche face à des situations qu'on ne maîtrise pas.” Marco Bertelli, directeur du “Settore Giovanile”
“Je ne crois pas à la malchance, il manque forcément un petit truc pour perdre autant de fois en finale.” Marco Bertelli
un exercice, mais il ne traite pas ses élèves comme des soldats. Le foot est un sport de situations et il ne faut pas se retrouver le dimanche face à des situations qu’on ne maîtrise pas.” Arrivé directement du football amateur en 2014, il prend immédiatement deux initiatives importantes. La première
concerne les effectifs: “Je me suis séparé de 10 à 15 joueurs par catégorie afin de gagner en qualité. Dès les U11, il n’y a qu’une équipe. Et puis ça évite le traumatisme de l’exclusion. Pourquoi faire entreprendre un certain parcours à un jeune sachant très bien qu’il n’arrivera pas en Primavera (les U19, ndlr)? Ça épargne les sacrifices inutiles.”
Le second vise le temps de jeu: “J’ai rajouté un entraînement hebdomadaire et je dis bien aux parents de laisser leurs gamins jouer avec leurs potes dans la cour de l’immeuble, même avec les plus grands.” Si le joueur de l’Empoli a du ballon et sent le jeu, il pêche un peu physiquement: “C’est
quelque chose qu’on doit améliorer, on rencontre des difficultés de ce point de vue à partir des U16, car on a trop pensé au talent et non à la structure, il faut un bon mélange des deux”, admet Bertelli.
Malédiction, relégation et prochain prodige
Cela n’empêche pas d’obtenir d’excellents résultats même si les épilogues sont douloureux. Les U19 n’ont plus remporté de trophée depuis 2000, c’était le prestigieux Tournoi de Viareggio. Depuis, ils ont perdu quatre finales, en 2004, 2008, 2010 et cette année. Leur dernier titre de champion remonte à 1999 avec une finale en 2010. Les U15 se sont également inclinés à ce stade de la compétition en 2008 et 2009, tandis que les U17 font bien pire avec des finales perdues en 2008, 2011, 2012, 2013 et 2015. Une véritable malédiction, comme le reconnaît Bertelli: “La victoire
est importante, je n’aime pas ceux qui disent le contraire, mais on doit y parvenir d’une certaine façon, pas en étant des bourrins ou parce qu’on a les joueurs les plus costauds. Maintenant, je ne crois pas à la malchance, il manque forcément un petit truc pour perdre autant de fois en finale.” Effectivement, la qualité du travail ne peut être remise en question, d’ailleurs, l’inattendue relégation de l’équipe une en
Serie B a même un côté positif: “Je ne dirais pas qu’on la digère plus facilement, mais on va pouvoir se reconcentrer sur la formation dont nos pros dépendent clairement. Il y aura huit joueurs du centre dans l’effectif, ça couvre pas mal de postes. Par exemple, on aura un joueur né en 1996 et un autre en 1998 devant, et je ne recruterai personne d’autre en attaque afin de pouvoir les faire progresser”, raconte le président Corsi, pas fan des compliments. “Inutile de se regarder dans le miroir et se dire qu’on est les meilleurs dans ce qu’on fait, on doit sans cesse s’améliorer. Il y a du pain . sur la planche”, conclut-il. Et deux derniers terrains à réaliser grâce aux revenus de la vente du prochain prodige.