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Interview Djibril Sidibé

Le latéral des Bleus et de Monaco nous parle de son poste, de son évolution, et, évidemment, de l’équipe de France.

- PROPOS RECUEILLIS PAR NICOLAS JUCHA, À MONACO.O. PHOTOS: PANORAMIC

Jean-Marc Furlan a dit un jour que c'est lui qui t'avait installé au poste de latéral... Je ne me souviens pas forcément d’une discussion sur ce changement de poste, mais plus sur mon intégratio­n au groupe pro de Troyes. Il m’avait expliqué que, comme il disposait d’un joueur avec de grosses capacités athlétique­s, qu’il avait déjà trois centraux expériment­és comme Gaël Sanz ou Stéphane Drouin, c’était plus judicieux de me décaler à droite. À droite, il manquait vraiment de joueurs, donc j’ai partagé le poste avec Éric Marester. En jeunes, j’avais déjà joué quelques matchs à droite, mais j’avais même commencé milieu de terrain. J’ai basculé dans les postes défensifs à 13 ans. Le coach Patrick Rémy sollicitai­t son collègue de la réserve pour que j’y ai du temps de jeu. À n’importe quel poste derrière: droite, gauche, centre. Jean-Marc Furlan, c’est l’entraîneur qui m’a dit qu’au vu de mes qualités, il valait mieux que je me fixe à droite.

La polyvalenc­e, c'est l'histoire de ta vie?

En quelque sorte. À Lille, j’ai connu plusieurs étapes importante­s. La première saison, avec Rudi Garcia, j’ai eu du temps de jeu en championna­t et en Ligue des champions. Quand il est parti, c’est devenu un peu plus compliqué avec René Girard qui préférait une équipe plus équilibrée et expériment­ée. J’ai donc moins joué, surtout la troisième année très compliquée, je jouais peu, et quand je jouais, le poste était aléatoire. Corchia et Béria étaient installésl­és à droite. Tout a changé à l’arrivée d’Hervévé Renard. Déjà concernant les relationso­ns humaines, avec lui, c’était le top. Il m’a mis à l’aise et fait jouer à mon poste, à ddroite.i Quandd Antonettii est arrivé,ié comme il ne disposait de personne à gauche, j’y suis retourné. Cela m’a permis de faire une saison plus que bonne. Avec Sofiane Boufal, on arrivait à combiner, à faire des choses intéressan­tes. C’est pour ça que j’ai été pré-sélectionn­é pour l’Euro. C’était enrichissa­nt, j’ai amélioré mon pied gauche. Mais en signant à Monaco, mon objectif, c’était vraiment de me fixer arrière droit. Être polyvalent, c’est bien, mais l’idée, c’est d’être une référence à mon poste. Me stabiliser à un poste pour m’imposer en équipe de France.

Le fait d'avoir été latéral gauche avec Lille, c'est peut-être ce qui t'amène à une place de réserviste pour l'Euro. Donc finalement, cela a été un mal pour un bien? Déjà à l’époque, je relativisa­is. Ce n’était pas le même contexte que maintenant: je devais jouer, garder le rythme, faire mes preuves. J’avais du potentiel, mais je devais le développer. Je suis droitier de base, mais performant des deux pieds depuis tout petit. Jouer à gauche, cela me permettait de repiquer dans l’axe et de marquer des buts. La case de réserviste avec les Bleus, cela m’a amené à me poser avec mon agent et ma famille, et à réfléchir par rapport aux sollicitat­ions que j’avais, trouver le bon projet pour moi.

Quand j’ai signé à Monaco, c’était pour évoluer latéral droit, on l’avait demandé clairement aux dirigeants. Fabinho était là, mais en instance de départ pour Naples. Finalement, Fabinho est resté, mais le coach l’a basculé dans l’axe pour faire la paire avec Baka. (Tiémoué Bakayoko, ndlr.)

Le portrait-robot du latéral parfait, ce serait quoi?

(Il réfléchit longtemps.) Maicon, je l’aimais pour sa qualité athlétique, son profil de contre-attaquant... Il était capable de centrer intérieur et extérieur du pied. Daniel Alves aussi, il est très performant offensivem­ent. Défensivem­ent c’est plus compliqué, même s’il arrive à gérer ses face-à-face. Sergio Ramos, c’est le caractère, le jeu de tête. L’idéal, ce serait un mix de tout cela avec surtout la qualité tactique de Philipp Lahm, que j’admire. C’est un joueur qui me fascine dans le sens où il a ce que je n’ai pas, ce que je travaille depuis des années: trouver le bon tempo entre le fait d’attaquer et de défendre, de monter ou de reculer. Sinon, aujourd’hui, Marcelo, c’est ce qui se fait de mieux à gauche. Défensivem­ent c’est un peu limite, mais il régale tellement ses partenaire­s offensivem­ent qu’on est amené à se dire: “Tant pis, cela en vaut la peine.” C'est pour cela que Pep Guardiola l'avait placé dans le coeur du jeu... Exactement, il comprenait tout au jeu. C’est la référence pour moi.

Tu as mentionné les “lacunes” défensives de Dani Alves. En 2017, le latéral est presque un attaquant et on a tendance à privilégie­r un latéral qui prend des risques, se troue parfois, mais surtout peut créer des différence­s offensives... L’avis est partagé. Certains technicien­s privilégie­nt toujours le latéral à l’ancienne, plus défensif. Moi, je suis de ceux qui préfèrent les profils offensifs, car si le joueur apporte beaucoup offensivem­ent, des différence­s, des décalages, des surnombres, et que cela fait gagner des points à son équipe... Il faut qu’il y ait un bon milieu défensif qui compense, qui comble ses lacunes. Individuel­lement, il faut essayer d’être le plus complet possible, mais ce n’est pas simple, car il faut réussir à rester lucide, à avoir de la fraîcheur physique pour enchaîner les montées, redescendr­e. Trouver le juste milieu, pour un latéral, c’est la chose la plus compliquée.

En début de saison 2016-2017, tu es passé du statut de réserviste à celui de titulaire à droite en Bleu. Didier Deschamps t'a-t-il

parlé en amont pour te prévenir d'un nouveau cycle? Non. L’idée de départ, je pense, était de m’intégrer petit à petit. La situation de Bacary (Sagna, ndlr) s’est peut- être compliquée à City. Je pense que le coach voulait me préparer petit à petit. Le discours, c’était certes de passer à une nouvelle aventure pour la qualificat­ion au Mondial. Il nous a prévenus qu’il était attentif au temps de jeu, mais surtout à l’état d’esprit des joueurs. Pour moi, c’était simple: je devais m’intégrer petit à petit et faire mes preuves.

Qui sont aujourd'hui les tauliers du vestiaire des Bleus? Lloris. Il a sa personnali­té, il ne parle pas beaucoup, et une autre manière de faire. Pat Évra, il était assez tranchant, Hugo c’est différent. Varane parle aussi, il n’hésite pas, tout comme Matuidi. Mais après, c’est surtout le coach qui parle beaucoup, tous les autres sont assez discrets. On est tous plus ou moins au même niveau.

Quand on pense à latéral en équipe de France, les noms qui s'imposent sont Lilian Thuram, Willy Sagnol, encore plus tôt Manuel Amoros... Tu t'imagines pouvoir prendre la même envergure en sélection? C’est l’objectif pour chaque joueur d’aller voir plus haut. Ces joueurs étaient des références, une carrière à ce niveau-là, elle ne se construit pas en cinq ou dix matchs, il faut enchaîner. Enchaîner et être performant en club comme en sélection. Ce qui est compliqué en sélection, c’est que l’on a peu de temps pour travailler ensemble. C’est plus difficile de développer notre culture tactique commune.

Dans le cas de Lilian Thuram, l'image marquante, c'est son doublé en demi-finale du Mondial contre la Croatie. Sortir du bois et faire basculer un match important, tu t'en sens capable? Pourquoi pas? C’est sûr que marquer ou faire gagner ton équipe dans un match important en mondovisio­n, cela change ton image. Faire ça une fois, c’est bien, mais il faut répéter pour prendre une autre ampleur. Mais c’est sûr que si l’on me dit: “Tu mettras un doublé en demi-finale de . la Coupe du monde 2018 et tu feras gagner l’équipe de France”, je signe tout de suite. Ce

serait un rêve.

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Avec un maillot bleu.
 ??  ?? Avec un autre maillot bleu, celui de Troyes.
Avec un autre maillot bleu, celui de Troyes.
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 ??  ?? Avec son pote Kylian Mbappé, la saison dernière, à Monaco.
Avec son pote Kylian Mbappé, la saison dernière, à Monaco.
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