Formation Gazélec Ajaccio
En attendant de se doter d’un vrai centre de formation, l’académie de football du Gazélec compense son manque d’infrastructures par la transmission des valeurs corses et l’art de la débrouille.
Non, le Gazélec d'Ajaccio n'a pas encore de centre de formation. Mais il devrait bientôt arriver. Et en attendant, l'académie de football rattachée au club compense son manque d'infrastructures et de moyens financiers par la transmission des valeurs corses, l'art de la débrouille, la fidélité des éducateurs à l'entité et une organisation à la bonne franquette. Objectifs: éduquer les jeunes, leur faire plaisir avec un ballon au pied, les amener si possible en Ligue 2 avec l'équipe première et rendre la formation attractive. Pour, à terme, ne plus se contenter des seconds rôles sur l'Île de Beauté.
Pour une fois, les gants sont de sortie, phénomène assez rare en Corse. Mais visiblement, les insulaires n’ont pas la même notion de la météo que les continentaux. Ici, quand la température monte à 13 °C alors qu’il neige à Paris, le temps est considéré comme froid. “Les gars, il ne fait vraiment pas chaud encore aujourd’hui, hurle Jérôme Poggiale, qui s’apprête à prendre en main la séance sous un soleil sincère malgré l’absence de quelques malades. C’est bien, personne n’est venu en tee-shirt cette fois…” Sur la pelouse, une quarantaine de gamins frappent anarchiquement la balle. S’ils s’affairent à différentes activités footballistiques – frappes, passes, courses, étirements… –, les petits semblent former un groupe uni. Et pour cause: tous portent le même survêtement tatoué du logo du club. Des couleurs identiques qui font écho aux banderoles cerclant l’enceinte. Ce qui donne une impression assez forte de l’ensemble. D’un côté, rien de plus normal: ces footballeurs en herbe font partie du Gazélec Football Club Ajaccio, une entité dont l’équipe première évolue en Ligue 2 depuis 2014 et qui a même accédé à l’élite durant la saison 2015-2016. “Petits ou grands, on essaie de renvoyer une image professionnelle à tous les étages. Être
vêtus des habits du club de la tête au pied quand on s’entraîne va dans ce sens, réagit le responsable de la section U11. Ça fait très longtemps que nous avons mis cela en place. Bien avant que le Gaz’ monte en Ligue 2.” D’un autre côté, cela peut paraître moins logique quand on rappelle que le GFCA ne dispose toujours pas… de centre de formation. Pas de centre, non, seulement une académie qui ne possède logiquement pas d’agrément.
Utiliser le moindre brin de verdure artificielle
D’ailleurs, à y regarder de plus près autour de ce stade de la Sposata, il n’existe pas d’autre terrain pouvant accueillir les jeunes à proximité. Il y a bien les pelouses du Centre du sport et de la jeunesse corse, mais l’institut reçoit déjà l’école de foot du Gaz’ (de U6 à U9), ainsi que les pépites du centre de formation de l’AC Ajaccio. Il y a également le stade Ange-Casanova, mais ce dernier est consacré à l’équipe première et à leurs prestigieux adversaires du week- end. Alors, l’académie fait avec les moyens du bord et partage le moindre brin de verdure artificielle dont dispose le stade de la Sposata. “Ça réclame une organisation hyper claire et super stricte, dévoile Anthony Colinet, responsable du
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TERRAIN EXTÉRIEUR SYNTHÉTIQUE. À PARTAGER ENTRE TOUTES LES CATÉGORIES D’ÂGE! 20 ÉDUCATEURS DIPLÔMÉS 350
JEUNES LICENCIÉS (ENVIRON) DE 6 À 19 ANS, RÉPARTIS DANS 20 ÉQUIPES (8 U6-U9, 3 U11, 3 U13,
1 U14, 2 U16, 1 U18, 1 U19 ET 1 FÉMININE) 5
LITS DISPONIBLES, RÉPARTIS DANS 3 CHAMBRES, POUR LES JEUNES VENANT DE L’EXTÉRIEUR DE LA RÉGION “Vraiment, il faut respecter les horaires. On est à la minute, et ce n’est pas qu’une expression!” Anthony Colinet, entraîneur des U19
secteur formation et entraîneur des U19. Vraiment, il faut respecter les horaires. On est à la minute, et ce n’est pas qu’une expression!”
Pour preuve, le mercredi voit le gazon de la Sposata être piétiné par cinq catégories d’âge différentes: les U11 à 12h30, les U19 à 14h15, les U16 à 16h15, les U13 à 17h45 et les U18 à 19h30. Sans compter les pros, qui utilisent parfois le lieu le matin. Un incroyable roulement se déroulant chaque semaine. La force de l’habitude.
Faute de moyens financiers, le Gazélec manque donc d’infrastructures pour proposer aux talents de demain des conditions optimales de développement. “Nous n’avons par exemple que cinq places d’hébergement. Certains doivent se débrouiller pour se loger, désespère Anthony
Colinet. C’est donc difficile de faire venir des joueurs, d’ici ou d’ailleurs. Pour le moment, nous restons le second choix en Corse après
l’ACA.” De plus, impossible de calquer le planning football avec celui des cours, les établissements scolaires refusant d’établir leur calendrier en fonction d’une académie qui n’est pas considérée comme un centre de formation et qui ne peut, par ricochet, fonctionner comme tel. “Du coup, je n’ai jamais mon groupe au complet”, reprend le responsable de la section jeune, juste avant de donner rendez-vous à ses joueurs le lendemain. “Moi, je ne peux pas, coach. J’ai cours!”, répond un de ses poulains, comme pour confirmer en temps réel les propos de son technicien. “Voilà, c’est toujours comme ça…”, souffle le boss.
Politesse et sueur
Attention, toutefois: même dans ces conditions, personne ne baisse les bras. Le Gaz compense les insuffisances de sa structure par d’autres choses tout aussi primordiales. À commencer par les valeurs corses, transmises par des amoureux du
GFCA qui savent de quoi ils parlent. “On a la chance de pouvoir compter sur d’excellents éducateurs, qui sont soit des anciens joueurs du club, soit des personnes complètement installées dans le moule ajaccien. On ne change pas d’éducateurs tous les six mois et on n’en fait pas venir du continent, voyez. Ça ne nous intéresse pas, note Stéphane Gori, l’un des dirigeants, lui-même ex- capitaine de l’équipe première. On cherche des hommes capables de délivrer un message d’amour du maillot.” Dès lors, l’exigence est avant tout
“Pour le moment, nous restons le second choix en Corse après l’ACA.” Anthony Colinet
“Un centre de formation reste indispensable à la bonne évolution du club, que ce soit d’un point de vue économique ou sportif pour enrichir notre équipe.” Stéphane Gori, ex-capitaine de l'équipe première
portée sur les notions de discipline et de sacrifice, plutôt que sur les résultats. En témoignent les mots- clés affichés dans le bureau d’Anthony Colinet – “Le jeu avant
l’enjeu”, “GFCA=Valeurs Passion/Combat/
Fierté/Respect”. Ainsi, tout le monde serre la main ici, et personne n’oublie de saluer un adulte. Une politesse omniprésente qui n’a d’égal que la sueur évacuée sur le terrain, où un pas est remis en place dès qu’il est effectué de travers. Un “Stop stop
STOP, c’est pas bien là!” peut donc retentir à tout moment, au milieu de nombreux “Appliquez-vous!” ou de plusieurs
“Pourquoi, mais POURQUOI on perd le fil?!”
Chacun est tenu de “conserver sa lucidité
dans la fatigue” et offrir “plus, encore plus de qualité”.
Pour espérer quoi, en fin de compte? “Audelà de leur apprendre à prendre du plaisir avec le ballon, l’un des objectifs reste tout de même de nourrir le groupe professionnel,
amorce Anthony Colinet. Donc oui, celui qui vient ici peut rêver de Ligue 2.” La deuxième division représente une belle vitrine pour tout jeune voulant accélérer les étapes et atteindre rapidement le monde pro. Sans féroce concurrence, les rares “recrues” de l’académie tentent l’aventure ajaccienne avec le but précis de saisir leur occasion dès qu’elle se présente. Et elle arrive en général assez tôt. C’est le cas pour Mohamed Medfai, passé des U19 à l’équipe première en l’espace de quelques semaines après avoir traversé la mer Méditerranée. “Mais un centre de formation reste indispensable à la bonne évolution du club, que ce soit d’un point de vue économique ou sportif pour enrichir notre équipe”, tempère Stéphane Gori. D’où le projet déjà bien avancé d’un réel centre de formation, qui pourrait voir le jour d’ici 2020 ou 2021. Seule condition pour le voir apparaître: que le Gazélec d’Ajaccio se maintienne au moins en Ligue 2 avant l’événement. Pour voir éclore ses jeunes de demain, le . Gaz aura donc peut- être besoin de ceux d’aujourd’hui. Afin de pouvoir s’éparpiller sur plusieurs terrains, au moins.