La revanche d’Adrien Rabiot
Élément indispensable de la Juventus depuis un an, Adrien Rabiot retrouve enfin le niveau qu’on attendait de lui depuis son départ du Paris Saint-Germain. Une belle revanche pour le milieu de terrain, qui semble aujourd’hui devenu indispensable en club, comme en équipe de France.
Il a fallu du temps à Adrien Rabiot pour regagner une belle réputation. Durant plusieurs années, le milieu de terrain français a en effet souffert d’une image de joueur nonchalant, démotivé, boudeur et pas vraiment concerné par les enjeux sportifs. Une image qui l’avait d’ailleurs poussé à quitter le PSG à l’été 2019, en raison des nombreuses critiques. Arrivé à la Juventus, Rabiot a alors pris son temps pour s’adapter au football italien, progresser et devenir aujourd’hui l’un des meilleurs joueurs de la Vieille Dame. Titulaire indiscutable et apprécié par les supporters: une revanche enfin prise.
L’homme de la Juve
Pour comprendre la place prise par Adrien Rabiot cette saison au sein de la Juventus, il faut d’abord regarder les chiffres. En effet, sur les 48 matchs disputés par les Bianconeri durant cette édition 2022-2023 (en Serie A, Ligue des champions, Ligue Europa et Coupe d’Italie), le Français a participé à 39 d’entre eux, devenant ainsi le cinquième joueur le plus utilisé par Massimiliano Allegri, son entraîneur (ex aequo avec Juan Cuadrado, derrière Filip Kostić et Danilo, 45 matchs, et Manuel Locatelli, 41). Une confiance pleine et entière de la part du coach italien, conscient d’avoir la meilleure version du joueur de 25 ans. “Adrien doit encore s’améliorer, car parfois, il hésite à frapper alors qu’il est proche du but, analysait Allegri après la qualification de la Juventus face au Sporting en quarts de finale de la Ligue Europa. Mais sa progression est assez impressionnante, il nous apporte beaucoup quand il accélère avec le ballon. C’est vraiment un joueur extraordinaire.” De jolis mot, pour illustrer la solide relation entre les deux hommes.
La saison dernière, déjà, Rabiot était le troisième joueur le plus utilisé par Allegri, derrière Wojciech Szczęsny et Cuadrado. Aujourd’hui, il est le véritable patron du milieu turinois. En l’absence de Paul Pogba, blessé, ou de Weston McKennie, parti à Leeds United, l’ancien du PSG est devenu le maître à jouer de son équipe, associé à Leandro Paredes et aux jeunes Nicolò Fagioli ou Fabio Miretti. Rabiot est ainsi celui qui prend les décisions et lance les attaques de son équipe, au point d’en devenir le plus décisif: c’est bien simple, le Tricolore est le meilleur buteur de la Juventus cette saison, aux côtés de Dušan Vlahović (onze réalisations). Une statistique énorme, pour un joueur surtout attendu dans les efforts défensifs, et à laquelle on peut ajouter quatre passes décisives. Tout cela, malgré la présence d’attaquants comme d’Ángel Di María, Arkadiusz Milik, Kostić et Vlahović donc.
Indiscutable chez les Bleus
En réalisant la saison la plus complète de sa carrière, Adrien Rabiot a appris à devenir un joueur capable de faire gagner ses équipes. Car si la Juventus compte aujourd’hui sur son homme fort, l’équipe de France commence à son tour à en profiter. En 2018, le cas Rabiot posait pourtant question. Alors que les Bleus devenaient champions du monde en Russie, le milieu de terrain, lui, entrait en conflit avec Didier Deschamps. À l’époque au PSG, l’intéressé avait refusé d’intégrer la liste des sept réservistes mise en place par le sélectionneur (les réservistes sont des joueurs remplaçants, prêts à venir en renfort durant un tournoi en cas de blessure ou d’absence d’un joueur déjà sélectionné). Il a finalement fallu plus d’un an pour que la situation entre les deux hommes ne s’arrange, et pour revoir Rabiot sous le maillot au coq: “Avec Didier Deschamps, on a toujours eu de bonnes relations, même avant ce qui s’était passé avant le Mondial 2018, détaillait récemment l’intéressé devant les médias. Après ça, il s’est passé deux ans où on n’a pas eu de contact, avant que je revienne en 2020. Quand je suis revenu, on a tout de suite discuté avec le sélectionneur, et cela s’est très bien passé.”
Auteur d’un championnat d’Europe remarquable en 2021, malgré l’élimination de la France en huitièmes de finale face à la Suisse, Adrien Rabiot est logiquement devenu titulaire dans le système de Deschamps. Depuis l’Euro, il n’aura ainsi été remplaçant qu’à trois reprises en dixhuit sélections (face à la Côte d’Ivoire en amical, au Danemark en Ligue des nations et à la Tunisie en Coupe du monde). Le Mondial, justement, a été le tournoi de la confirmation pour l’enfant de Créteil. Marqués par les forfaits de Pogba et N’Golo Kanté, les Bleus ont dû composer avec le duo Rabiot-Tchouaméni dans l’axe.
Une réussite collective, puisque les deux hommes sont parvenus à construire une entente sérieuse sur le terrain, en très peu de temps. Chargé d’encadrer le tout jeune Tchouaméni, le Juventino s’est transformé en organisateur de jeu, comme en club. Interrogé au Qatar, Deschamps a tenu à lui rendre hommage: “Aujourd’hui, Adrien est un milieu complet. Il se définit lui-même comme un joueur qui apporte l’équilibre à une équipe, en revenant défendre et en remontant le ballon vers l’attaque. Il est capable d’être aussi performant sur le plan défensif qu’offensivement. Il a cette intelligence. Sur le terrain, il sent toujours et sait toujours où il doit se placer.” De quoi expliquer le repositionnement d’Eduardo Camavinga en latéral droit, ou le statut de remplaçant de Matteo Guendouzi et Youssouf Fofana, qui n’ont jamais vraiment su saisir leur chance. Le mot de la fin pour Massimiliano Allegri, résumant idéalement la nouvelle vie de son protégé français: “Beaucoup le critiquent, mais il fait toujours une quinzaine de bonnes choses par match. Il pèse énormément dans le jeu, car il a la technique, mais aussi le physique.” Adrien Rabiot a bel et bien pris sa revanche.