Islande in the sun.
Longtemps synonyme de trois points faciles pour l’adversaire, l’Islande s’est réveillée brusquement ces dernières années, à la faveur d’un programme de développement, d’infrastructures et de formation ambitieux. Au point de faire figure d’équipe à battre à quelques mois de l’Euro…
Longtemps, l’Islande n’a pas existé sur la carte du football, tout juste réduite à un rôle de faire-valoir lors des phases de qualifications aux grands tournois internationaux. Pourtant, les Strákarnir okkar, emmenés par la prometteuse génération 1989-90 et un visionnaire suédois, pourraient bien être l’équipe surprise de l’Euro 2016. Une sélection qui opère sa mue depuis quinze ans, mène discrètement sa révolution dans les gymnases et les terrains couverts du pays, et peut remercier le krach financier de 2008…
Douze degrés, un petit vent mais un soleil franc. La météo est exceptionnelle en ce mois de juillet à Reykjavik. Un été d’autant plus agréable sous ces latitudes que, pour la première fois de l’histoire, l’Islande est sur le point de se qualifier pour une compétition internationale, l’Euro 2016. Une prouesse rendue possible par un sans-faute dans l’antre du stade Laugardalsvöllur, qui abrite par ailleurs les bureaux de la Fédération au deuxième étage. Ici, tous les visiteurs –les Hollandais, les Tchèques et les Turcs– se sont cassé les dents. Mieux, les Strákarnir okkar pointent désormais au 24e rang du classement Fifa. Devant les autres pays nordiques. Une nouveauté dans un pays qui ne comptait jusque-là que sur Björk, ses auteurs policiers, ses paysages lunaires et son volcan Eyjafjallajökull pour faire l’actualité. “Nous sommes une île de 300 000 habitants, la taille d’une petit ville française et nous sommes qualifiés pour l’Euro de hand, de basket et presque qualifiés pour l’Euro 2016 de football. Quand on y réfléchit, c’est fou!”, s’esclaffe Vidir Sigurdsson, rédacteur en chef des sports de Morgunbladid, attablé au Café Paris, une institution branchée du centre-ville. D’autant plus fou que, pendant des décennies, le football islandais ne se contente que de minces exploits dans de longues séries de défaites. Et d’un kick-and-rush appliqué par des joueurs au physique de pêcheurs de baleines. “Quand on a joué contre la France, ici en 1998 (1-1, au mois de septembre, juste après le titre de champion du monde, ndlr), on avait cinq défenseurs centraux derrière, et trois gars devant sur qui on balançait. Le milieu était presque inexistant. On n’avait personne capable de garder le ballon, s’amuse Hermann Hreidarsson, ancien capitaine de la sélection. Avant, l’équipe nationale, c’était les six ou sept mecs qui jouaient à l’étranger, assurés d’être titulaires, et trois ou quatre autres du championnat local qui s’estimaient heureux d’avoir été choisis! Ce n’était pas assez pour affronter les grosses équipes européennes et faire des matchs corrects.” Arnór Gudjohnsen, pionnier du foot islandais passé par Bordeaux au début des années 90, père et agent d’Eidur Gudjohnsen, précise: “Aujourd’hui, ils sont peut-être vingt à pouvoir jouer à l’étranger et être dans le onze de départ.” Et les quinze mille places (un vingtième de la population du pays) du Laugardalsvöllur de se vendre désormais en quelques minutes, quelle que soit l’équipe en face…
“Avant, l’équipe nationale c’était les six ou sept mecs qui jouaient à l’étranger, assurés d’être titulaires. Et trois ou quatre autres du championnat local qui s’estimaient heureux d’avoir été choisis!” Hermann Hreidarsson, ancien capitaine de la sélection
Alcoolisme, tabagisme et “nouveaux vikings”
Alors, comment un pays perdu au nord de l’océan Atlantique, condamné à essayer de perdre sur le plus petit score possible, a-t-il pu produire une centaine de footballeurs professionnels et devenir une terre hostile pour les équipes adverses en à peine cinq ans? Une question qui agace presque Heimir Hallgrimsson, cosélectionneur national: “Pourquoi le football islandais connaît un succès soudain? On nous le demande tout le temps. Si la réponse était simple, je la donnerais!” Pourtant, les éléments de réponses existent. Oskar Thor Armansson, en charge des sports dans un ministère qui regroupe sans discrimination la culture, la jeunesse, la science et l’éducation, remonte le temps et revient aux origines de la transformation: “Dans les années 90, la consommation d’alcool et le tabagisme chez les jeunes étaient un problème. Le ministère a alors commandé des études qui ont montré que l’inscription dans un club de sport, quand elle était bien organisée, permettait de réduire l’alcoolisme chez les mineurs. Les politiques ont pris le sujet en main, en premier lieu les municipalités.” Quand les villes prennent le relais, au début des années 2000, l’Islande est en plein boom économique. Outre les businessmen islandais, alors surnommés “les nouveaux vikings”, qui investissent massivement au Danemark et en Angleterre, où ils s’offrent West Ham et Stoke City, les retombées profitent aussi au niveau local, comme l’explique Siggi Eyjolfsson, responsable du développement et directeur technique national du foot islandais de 2002 à 2014: “À partir de 2002, les municipalités ont commencé à construire des terrains couverts, avec l’argent des impôts locaux. Les gens étaient d’accords pour que leurs sous soient utilisés à ça, car ils voulaient que leurs enfants s’entraînent.” Si l’Islande ne dispose alors que d’un seul terrain en intérieur, treize ans plus tard, le pays en compte onze, auxquels
s’ajoutent une vingtaine de synthétiques extérieurs et cent trente miniterrains aux quatre coins de l’île. Un changement significatif et déterminant pour l’évolution du football, dans un pays où le championnat ne se dispute que de mi-mai à fin septembre, conditions météo obligent. “Avant, les gens jouaient au basket et au hand l’hiver et le foot était un sport d’été. L’herbe, ici, d’octobre à fin avril, ça n’est même pas la peine d’y penser! Entre le vent, la pluie, la neige et le gel, impossible! Maintenant ça n’est plus le cas. Avec les indoor halls, ou même les terrains synthétiques extérieurs, on peut s’entraîner au foot toute l’année”, martèle Hallgrimsson. En banlieue de la capitale, le club de première division de Breidablik Kopavogur possède une halle gigantesque où l’odeur du gazon synthétique tout juste posé saute immédiatement aux narines. De belles pelouses artificielles qui en font l’un des meilleurs centres de formation d’Islande –Gylfi Sigurdsson, le milieu de Swansea, est notamment passé par là– et permettent aux adolescents de s’entraîner après les cours jusqu’à cinq fois par semaine. Le reste du temps, ils disputent des matchs. Et ont même l’occasion de partir dès leurs quatorze ans à l’étranger pour des tournois, appuie Dadi Rafnsson, responsable de la formation: “Ils sont allés en Angleterre jouer contre Chelsea, ou West Ham, et ils se sont rendu compte qu’ils étaient aussi bons qu’eux et qu’ils pouvaient les battre.” Une prise de conscience importante, même si le complexe d’infériorité n’a jamais fait partie de la mentalité islandaise. “On a conscience d’être une petite nation mais on a tendance à l’oublier. Je dirais que c’est de la mégalomanie mélangée à un complexe d’infériorité, mais c’est très marrant d’être islandais. Il se passe toujours quelque chose. Si ça n’est pas le krach financier ou l’éruption d’un volcan, c’est la météo ou le dernier tsunami touristique. L’Islande n’est jamais calme”, explique l’écrivain Hallgrimur Helgason, auteur de 101 Reykjavik. “Les Islandais ont beaucoup de confiance, ils ont une personnalité forte, sont très sûrs d’eux. D’ailleurs quand ils partent à l’étranger, beaucoup deviennent capitaine de leur équipe, c’est très intéressant. Quand tu vis dans un petit pays, tout le monde a la sensation d’être quelqu’un d’important, d’avoir un rôle à jouer. Chacun pense qu’il est plus important qu’il ne l’est réellement”, poursuit Dadi Rafnsson.
Pêche au haddock et David James
“Petit pays”, par sa population certes, mais pas par sa superficie. L’Islande est plus grande que le Portugal par exemple, ou le Luxembourg et les Pays-Bas réunis. Et si les Islandais sont répartis aux deux tiers entre Reykjavik et ses alentours, le reste se dessine entre glaciers, champs de lave et troupeaux de moutons. De vastes étendues sauvages et un combat permanent contre les éléments qui forgent aussi cette fameuse âme islandaise, selon Heimir Hallgrimson: “L’Islandais aime croire qu’il est plus dur au mal que les autres, qu’il a quelque chose de spécial qui le rend plus fort. La première raison à cela et c’est un fait, c’est la météo. Il peut faire beau comme aujourd’hui, et dix minutes plus tard, il peut y avoir une tempête, de la pluie, de la neige. Il faut faire avec. C’est dur d’être ici parfois, surtout quand tu vis hors de Reykjavik, les conditions météo bloquent pas mal de choses.” Parfois même les équipes de foot. Comme celle d’IBV, institution présente au plus haut niveau national en football féminin et masculin, plusieurs fois championne d’Islande et à deux heures de route plus une heure de ferry et de houle de Reykjavik. Loin de l’effervescence des bars de la rue Laugavegur, le club se situe sur l’île volcanique de Vestmannaeyjar. 4 200 habitants, qui vivent majoritairement de la pêche au cabillaud et à l’aiglefin, peuplent ce gros morceau de caillou encadré par des falaises gigantesques où se nichent des macareux, oiseaux dont les peluches sont très appréciées par les touristes et que les îliens “chassent au filet, en grimpant à cran de falaise”, renseigne Hreidarsson, qui fut élevé au grand air des îles Westmann. Un endroit qui a vu naître d’autres gloires du foot, comme Asgeir Sigurvinsson, passé par le Bayern dans les années 80, considéré comme le meilleur joueur de l’histoire du pays, ou Heimir Hallgrimsson, le sélectionneur actuel, qui a toujours son cabinet de dentiste dans le village. Et qui a connu David James. En 2013, la formation d’IBV l’accueille dans son stade coincé entre d’immenses falaises. Pendant une vingtaine de matchs, le gardien anglais se confronte à une nature capricieuse et exigeante. “Mère nature est très dure ici pendant l’hiver. Pour aller sur terre et disputer des matchs à Reykjavik, on en a pour trois heures de ferry. Quand la mer est déchaînée, on ne peut pas prendre le bateau. En avion, ce n’est pas la peine, c’est plus cher de voler d’ici à Reykjavik que de Reykjavik à Londres. Si tu fais tous ces efforts pour jouer, ça te crée une mentalité spéciale”, loue Ingi Sigurdsson, champion d’Islande en 98 avec l’IBV. Un état d’esprit auquel l’ancien portier des Three Lions a tout de suite adhéré. “Il a tout fait comme un local, se souvient Hallgrimsson. L’IBV est un petit club familial où les joueurs mettent la main à la pâte, installent les panneaux publicitaires. David ne rechignait pas, avant les matchs, il venait un marteau à la main pour clouer les panneaux Coca-Cola au bord du terrain! Il a même déchargé des caisses de poissons pour aider les pêcheurs.” Le sport comme ciment de la communauté.
Les joueurs, les installations et la mentalité sont là. Il faut maintenant des hommes pour exploiter le tout. En 2002, Siggi Eyjolfsson, ancien international, diplômé en psychologie du sport de l’université de Caroline du Nord, prend les rênes de la direction technique nationale. Sa mission: former des coachs. Il décide, avec l’appui de la fédération, de conditionner l’embauche d’un entraîneur à l’obtention de ses diplômes. Heimir Hallgrimsson entre dans le détail: “Tous les clubs doivent avoir des coachs qui ont au moins la licence UEFA B, et sinon la licence A. Quand tu commences à coacher, peu importe que tu entraînes des gamins, tu dois avoir la licence B, c’est obligatoire.” Aussi bien dans un village perdu des fjords de l’Ouest qu’à Reykjavik, le pays se dote d’éducateurs performants. “Le coach de ma fille de six ans a la licence A de l’UEFA. La fédération est très stricte là-dessus! C’est impossible que ce soit le papa ou la maman qui entraîne. Tous les coachs sont diplômés et payés, même dans les villages de 500 habitants”, abonde Iris Robertsdottir, présidente de l’IBV. Depuis, Eyjolfsson a quitté son poste et officie comme adjoint à Lillestrom, en Norvège. Ce qui ne l’empêche pas de vanter le modèle islandais lors de conférences qu’il donne: “En Islande, il y a environ 700
“Il se passe toujours quelque chose. Si ça n’est pas le krach financier ou l’éruption d’un volcan, c’est la météo ou le dernier tsunami touristique. L’Islande n’est jamais calme”
Hallgrimur Helgason, écrivain
“Les Islandais sont très sûrs d’eux. Quand tu vis dans un petit pays, tout le monde a la sensation d’avoir un rôle à jouer. Chacun pense qu’il est plus important qu’il ne l’est réellement” Dadi Rafnsson, responsable de la formation du club de Breidablik Kopavogur
coachs diplômés, dans 90 clubs. Plus de 200 ont la licence A et le reste la licence B.” Puis, patatra, la crise surgit en 2008.
Un gardien de but réalisateur de clips
Durement frappé, le pays, grisé par l’embellie économique des années 2000, revient à une réalité plus compliquée. “La crise a été très dure car il y avait énormément d’incertitudes, personne ne savait ce qui allait se passer. Pendant au moins deux ans, les gens ont perdu leur travail, l’immobilier était hors de prix”, affirme Dadi Rafnsson. En filigrane, l’Islande aurait surtout été victime de son excès de confiance. “La crise bancaire illustre notre mentalité conquérante à l’excès. En 2003, on n’avait aucune banque parmi les 800 plus importantes du monde, et en 2008, deux dans les 100 plus grosses du monde. Les quatre plus grosses banques ont fait faillite, tout le système bancaire s’est effondré et tout le département où je bossais a été supprimé. Et les gens ont dû trouver autre chose, monter un business, trouver un refuge dans le sport”, analyse rétrospectivement Dadi. Qui s’en est bien sorti: “Les choses se sont améliorées pour moi, je gagne correctement ma vie, qui est bien plus fun que la banque dans laquelle je travaillais. Dans un petit pays, chacun a un filet de sécurité, et les gens ont souvent deux rôles à jouer. Un avocat peut aussi être écrivain. Un taxi peut être batteur dans un groupe qui fait des tournées en Europe. D’ailleurs, le gardien de but de la sélection est aussi réalisateur de clips et de pubs.” Alors que le pays s’effondre, que des foules se rassemblent pour manifester à coups de casserole devant le parlement, certains voient donc dans la crise une aubaine, l’occasion de se remettre en question. Une introspection bénéfique pour le foot islandais. Depuis son bureau ministériel, Oskar Thor Armansson l’admet à demi- mots: “À cause de la crise financière, le gâteau est devenu plus petit. C’est devenu plus difficile pour les clubs d’avoir des sponsors, mais la crise n’a pas eu d’effet sur le développement du sport car en période de crise, il faut trouver de nouvelles ressources, en faire encore plus.” Breidablik, le club de Dadi Rafnsson, illustre parfaitement ce système D: “En 2006, on avait pas mal de footballeurs étrangers, les seuls professionnels du club, et on a fini dans le ventre mou du classement. En 2008, ils sont tous partis car on n’avait plus les moyens de les payer, et on a dû faire jouer des gamins formés au club. Certains avaient 16 ans et on a été champions! Aujourd’hui, neuf sont devenus pros en Europe.” Bingo!
Le beauf de Suarez et l’air de Yellow Submarine
Parallèlement, au sortir de la crise, la génération dorée du football islandais, celle élevée sur les terrains qui ont bourgeonné depuis le début du siècle, émerge. En 2011, l’Islande se hisse en phase finale de l’Euro des moins de 21 ans après avoir cogné l’Allemagne, 4- 1, en qualifications. Cette cuvée 1989- 90 est celle de Gylfi Sigurdsson, du néo- Nantais Kolbeinn Sigthorsson, d’Aron Gunnarsson, ou encore de Birkir Bjarnason. Partout, l’Islandais devient tendance: “Ces dernières années, nous avons trouvé notre amour- propre, spécialement la jeune génération. Le monde est leur scène. Of Monsters and Men sont numéro un sur iTunes, des jeunes musiciens obtiennent des BAFTA ( récompense britannique) et des Golden Globes, les réalisateurs sont primés à Cannes, et les écrivains publiés un peu partout dans le monde. Nos footballeurs se sont mis au diapason”, théorise Helgason. Les Islandais exportent aujourd’hui des milieux et des ailiers, alors qu’il y a encore quinze ans, le pays formait principalement des défenseurs. Des hommes adaptés aux joutes aériennes de la Premier League, une passion islandaise. Et ce, dès les années 60. Vidir Sigurdsson se souvient: “Quand j’étais jeune, la télé nationale diffusait un match de football anglais par semaine. Mais avec une semaine de retard! C’est comme ça que tous les Islandais sont devenus fous du foot anglais, avant d’être fan d’une équipe islandaise, chacun soutient une équipe de Premier League. Moi je suis devenu supporter de Derby County à l’adolescence!” Pas un hasard, dès lors, si le KR, le plus grand club du pays, joue en noir et blanc: en 1899, ses fondateurs étaient déjà fans de Newcastle. Dans la tribune désuète du KR- völlur, on déguste des hot- dogs en reprenant un chant incompréhensible sur l’air de Yellow Submarine. L’influence britannique, toujours. Le jeu long est de rigueur, et les tacles de Gonzalo Balbi, le beau- frère de Luis Suarez, sont longuement applaudis. La copie conforme d’une équipe de division inférieure anglaise. Pourtant, face au KR qu’il affronte ce jour- là, le Breidablik de Dadi Rafnsson propose un 4- 3- 3 plus léché. Un jeu d’inspiration batave, aux antipodes du jeu direct de l’institution de Reykjavik. Une guerre des styles qui accouche d’une souris, 0- 0, mais qui symbolise la mue du football national et le changement de profil dans les joueurs vendus à l’export. “En sélection, on a une tradition de long ball, mais c’était historiquement à cause des qualités naturelles de nos joueurs. Désormais, ils sont plus forts techniquement, plus rapides et plus vifs. On peut s’appuyer sur plusieurs systèmes de jeu”, synthétise Hallgrimson. “Pendant un moment, tout le monde voulait s’inspirer de l’Espagne, mais quel sens ça aurait pour l’Islande de jouer comme ça? Le foot, c’est aussi des identités de jeu propre. Notre jeu est toujours assez direct mais en revanche on sait conserver le ballon”, nuance Toddi Örlygsson.
“Le coach de ma fille de six ans a la licence A de l’UEFA. La fédération est très stricte, c’est impossible que ce soit le papa ou la maman qui entraîne, même dans les villages de 500 habitants”
“Ici, tout le monde connaît un international”
L’homme du consensus tactique s’appelle Lars Lagerbäck. “Il a fait un travail formidable. Il a organisé l’équipe, il sait faire jouer les outsiders et comment faire déjouer l’adversaire. Il sait faire jouer les petites nations comme il avait fait avec la Suède, qui reste un petit pays à l’échelle du foot européen!”, explique son “adjoint” Hallgrimson, qui devrait prendre sa succession après l’Euro. Quand le Suédois arrive en 2011, il lance immédiatement les promesses Johann Gudmundsson, Aron Gunnarsson, Kolbeinn Sigthorsson mais surtout Gylfi Sigurdsson. “Ils ont joué ensemble avec les Espoirs donc ils se
connaissent très bien, à la fois sur et en dehors des terrains. Mais ils ont également acquis une bonne expérience sur la scène internationale en jeunes, ce qui est très bénéfique. Tous ces joueurs ont rejoint de bons clubs et jouent régulièrement, ce qui est très important pour moi”, détaille le technicien. Il met en place un 4-4-2, teinté d’efficacité et de pragmatisme, et profite de la qualité première des Islandais, ce peuple qui vit loin de tout, près des volcans: l’adaptabilité. “Nous sommes une équipe très bien organisée et tout le monde travaille très dur pour l’équipe. Cela, c’est la base. Gylfi Sigurdsson est un joueur de classe mondiale, mais si vous comparez avec les Pays-Bas ou la France, nous n’avons pas autant de talents individuels ni de joueurs du même calibre qu’eux. Lorsque vous rencontrez une équipe aussi forte que les Pays-Bas, il faut s’adapter. J’avais demandé à l’un de nos attaquants de redescendre en phase défensive, afin de gêner la relance de leur milieu. C’est quelque chose que vous n’êtes pas obligés de faire lorsque vous affrontez des équipes plus faibles.” Si, en 2014, l’Islande est passée tout près de se qualifier pour le mondial brésilien, Lagerbäck tient peut-être enfin son exploit avec une probable qualification pour le prochain championnat d’Europe, avec pour le moment cinq victoires en six matchs.
Mais la fédération voit plus loin et souhaite s’inscrire dans une logique de développement durable. Avec peu de matière, certes, mais beaucoup d’idées. Ainsi, contraints par un vivier restreint –par la force des choses– de joueurs, les centres de formations ne pratiquent quasiment pas d’écrémage. Ce qui permet l’éclosion parfois tardive de certains. “La mentalité, c’est de ne jamais virer quelqu’un avant ses 19 ans, il y aura toujours une équipe pour lui, assure Dadi Rafnsson. L’exemple, c’est Finnbogason, qui vient de signer à l’Olympiakos et a été meilleur buteur du championnat néerlandais. Jusqu’à 19 ans, il était en équipe B ici à Breidablik.” De plus, la pression populaire est quasiment inexistante, au même titre que le statut de star. Ainsi, il n’est pas rare de croiser Eidur Gudjohnsen se balader librement ou boire des verres en centre-ville lorsqu’il revient au pays, sans être sollicité pour un selfie ou un autographe. Dadi Rafnsson, encore: “Ici tout le monde connaît personnellement un joueur de l’équipe nationale. Ou en tout cas, tout le monde connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un. Tout le monde a un oncle ou un cousin qui a joué au foot à haut niveau.” Un petit pays, quoi.
“Avant les matchs, David James venait un marteau à la main pour clouer les panneaux Coca-Cola au bord du terrain! Il a même déchargé des caisses de poisson pour aider les pêcheurs”
Heimir Hallgrimsson, natif du village où David James a posé ses valises