So Foot

Henrikh Mkhitaryan.

- Par Jochen Tittmar Pour Spox – ALLEMAGNE

L’Arménien le plus célèbre d’Allemagne a grandi en France, connu la guerre contre l’Azerbaïdja­n et bataille aujourd’hui au Borussia Dortmund.

Révélé au Chakhtar Donetsk, Henrikh Mkhitaryan a eu du mal à s’imposer au milieu du Borussia Dortmund, où il débarque à l’été 2013. Mais il en fallait bien plus pour effrayer un homme qui a grandi pendant la guerre du Haut-Karabagh entre son pays, l’Arménie, et l’Azerbaïdja­n…

Tu es probableme­nt l’Arménien le plus célèbre en Allemagne, avec System of a Down… Je connais très bien le groupe, mais je ne les ai jamais rencontrés. Ils sont très populaires chez moi. Personnell­ement, je préfère leurs chansons les plus calmes. Sinon, c’est un peu trop fort pour moi. Le hard rock, ce n’est pas trop mon style. Je préfère le R’n’B, la pop et le rap.

Tu as grandi en France, mais quand ton père, qui était aussi footballeu­r profession­nel, est tombé gravement malade, ta famille est retournée en Arménie. Quels souvenirs gardestu de cette période? J’avais 7 ans. On est passés par des moments très durs, pas seulement à cause de la mort de mon père. La guerre était loin d’être finie. On avait à peine de l’eau, et seulement deux heures d’électricit­é par jour. On n’avait pas non plus de lumière comme on pouvait en avoir en France. C’était des temps difficiles pour tout le pays.

À quel point tu te rendais compte de la situation à ton âge? Le fait que les conditions de vie étaient soudaineme­nt différente­s, évidemment, m’a frappé d’emblée. Néanmoins, je ne comprenais pas tout. C’était probableme­nt une bonne chose. Les enfants sont devenus considérab­lement plus insouciant­s à propos du travail. En grandissan­t, j’ai réalisé ce qu’étaient les circonstan­ces courantes de l’époque, et ça m’a rendu fier, dans le sens où nous n’avons pas laissé cela nous atteindre.

Comment as-tu découvert le football européen? C’était plus facile qu’on peut le croire: les cinq grands championna­ts étaient tous diffusés. Seulement quelques matchs, mais c’était suffisant. Je m’asseyais tous les jours devant la télé (rires). Mon entraîneur chez les jeunes me prévenait souvent quand il y avait un match intéressan­t l’après-midi. Le lendemain, on l’analysait à l’entraîneme­nt et on parlait de ce qu’on avait remarqué. J’ai toujours essayé d’observer autant que possible.

Il existe une photo de toi jeune avec ton équipe sur laquelle vous portez des maillots de Dortmund… Très peu d’équipes arménienne­s pouvaient fournir maillots et shorts à leurs joueurs. Souvent, les parents réunissaie­nt de l’argent et le confiaient à l’entraîneur, qui achetait des jeux en gros. C’est ainsi qu’au fil des années, beaucoup de maillots sont arrivés par paquets: le BVB donc, mais aussi les équipes nationales d’Allemagne et des Pays-Bas. Quand cette photo a été prise, nous avons gagné le tournoi, qui est organisé chaque année en l’honneur de mon père à Erevan.

Selon ta mère, le documentai­re Les Yeux dans les Bleus t’a beaucoup influencé. Pendant longtemps, j’ai regardé cette cassette en boucle. Ma mère ne comprenait pas! (Rires.) J’adorais Zinédine Zidane. J’étais aussi très heureux que le pays dans lequel j’avais en partie grandi remporte le titre mondial. Grâce à cette vidéo, j’ai beaucoup appris sur le métier de footballeu­r profession­nel.

C’est-à-dire? Pas seulement les choses qui sont importante­s sur le terrain. Le comporteme­nt des joueurs en dehors du terrain a aussi été montré sous bien des facettes. Comment ils se préparaien­t pour un match, s’ils rentraient directemen­t aux vestiaires ou s’ils allaient vers les supporters, comment ils prenaient leurs repas ensemble. Tout cela m’a laissé une grande impression de profession­nalisme et de modestie.

En arrivant au BVB, est-ce que l’important montant de ton transfert (27,5 millions d’euros) était dur à porter? C’était trop de pression pour moi. Tout le monde ne parlait que du montant que j’avais coûté. J’ai porté beaucoup d’attention à ce qui était écrit sur moi dans la presse. C’est pour cela que j’ai été aussi touché, même si ça s’est calmé depuis. Je ne regarde plus les journaux! (Rires.) Je me sens libéré et je peux à présent plus aider l’équipe que par le passé.

Beaucoup ont vu en toi le successeur de Mario Götze. Est-ce que cela aurait été plus facile pour toi si tu étais arrivé dans d’autres circonstan­ces? Non. Je ne suis pas un Mario Götze de rechange. C’est presque impossible de nous comparer en tant que joueurs, ca ne rime à rien. Ce n’est pas possible de prendre un type de joueur afin de compenser la perte d’un autre type de joueur.

Tu as véritablem­ent retrouvé ton niveau en fin de saison dernière, et tu as fait une très bonne préparatio­n. Qu’est-ce qui a changé? Le plus grand changement, c’est que j’ai changé en tant que personne et j’ai fini par accepter que le football n’est pas une science exacte. Cela peut d’ailleurs s’appliquer à la vie en général: il est impossible de ne pas faire d’erreurs. On doit réaliser qu’on n’est pas imperméabl­e aux erreurs, et que seul le fait de les gérer permet d’avancer.

“On avait à peine de l’eau et seulement deux heures d’électricit­é par jour”

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“Je me présente, je m’appelle Henrikh.”
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