So Foot

“Je vendais des cartes téléphoniq­ues pour me payer le bus”

- Par Joan Josep Pallas et Juan Bautista Martinez pour La Vanguardia – ESPAGNE

Avec sa tronche à respirer de la colle dans un sac plastique et son sens du but sans égal, Luis Suarez semble, à 28 ans, à l’apogée de sa carrière. L’occasion de revenir sur son enfance, disserter sur son job de buteur et donner sa vision du trio MSN.

Tu penses pouvoir encore améliorer ton jeu? Je suis très autocritiq­ue. Parfois je m’emporte un peu, alors je vais trop vite dans mes choix. Il me manque quelques secondes de réflexion dans mon jeu, pour moins me précipiter.

Cette vitesse, c’est plutôt une qualité chez les finisseurs, non? L’instinct, pour un joueur comme moi, c’est primordial, mais je parlais plus d’une pause dont peut avoir besoin l’équipe quand on est en phase d’attaque. Dans ces moments-là, un attaquant doit laisser respirer les milieux de terrain.

On est en train de voir un nouveau Luis Suarez sur les terrains? Non. J’ai toujours dit que si j’en suis arrivé là, c’est grâce à mon énergie, ma volonté de ne jamais baisser les bras, de tout donner tout le temps, d’être instinctif. Ça, je ne le perdrai jamais. Je veux juste gagner quelques secondes pour soulager l’équipe.

D’où vient ton instinct? C’est typique du football sud-américain. J’ai fait tellement d’efforts quand j’étais gamin… Je devais marcher pendant plus d’une heure pour aller m’entraîner. Je récupérais plein de cartes téléphoniq­ues pour les vendre et me payer mes tickets de bus. Parfois, je partais trois heures avant le début de l’entraîneme­nt pour ne pas avoir à payer le billet...

Tu as le même caractère en dehors des terrains? À la maison, j’oublie tout. Je redeviens un mari, un papa. Je suis quelqu’un de normal et ma femme ne se gêne pas pour me le faire remarquer.

Comment tu expliques ton entente avec Neymar et Messi: un Uruguayen, un Brésilien et un Argentin… Quand on est en sélection, on est prêts à mourir pour notre maillot. Mais ici, c’est différent, on a le même objectif: remporter des titres avec Barcelone. La relation entre nous trois est aussi bonne sur que hors des terrains. On sait que Leo est le meilleur: ni Neymar ni moi n’essayons de le dépasser ou de l’égaler. Il n’y a pas de jalousie.

Ceux qui t’ont précédé au poste de numéro 9 aux côtés de Messi ont tous échoué. Toi, tu t’es préparé pour jouer à ses côtés? Je connais ma fonction. Je ne vais pas me mettre à dribbler des joueurs parce que ce n’est pas ce qu’on me demande. Pour ça, il y a Leo, il y a “Ney”, il y a Andres. Quand je dois tirer au but, je le fais, sinon, je fais la passe. Je suis là pour aider. Je ne suis pas envieux.

Quel bilan tires-tu après un an au Barça? Ici, je ne ressens pas la pression que je pouvais ressentir avant. Il y a d’autres joueurs qui me sont supérieurs. Tout ne dépend pas d’un seul coéquipier. Du coup, je suis plus tranquille. À Liverpool, même si personne ne me le demandait, j’exigeais de moi-même de tout faire pour que l’équipe soit bien. Quand on faisait un mauvais match, c’est toujours moi qui prenais. J’assumais ça en silence, mais ça me blessait.

Le groupe a compris le système de rotation mis en place par Luis Enrique? Un joueur veut tout le temps jouer. Parfois on se fâche, et puis on réfléchit. On sait que l’entraîneur a raison. Je ne dis pas ça que pour Luis Enrique, j’ai aussi connu ça avec d’autres entraîneur­s. Lors du mondial au Brésil, j’étais un peu juste pour le premier match, à cause d’une blessure, et le sélectionn­eur ne m’a pas fait jouer. Je me suis fâché, et après j’ai compris qu’il avait eu raison. En jouant, je me serais blessé à nouveau.

Tu es superstiti­eux? Oui, un peu, mais je ne vais pas dire en quoi sinon ça va me porter malchance. Le footballeu­r cherche toujours des excuses quand quelque chose va mal.

Ma fille s’en rend plus ou moins compte. Quand on sort dans la rue elle me dit “Papa, cache-toi” parce qu’elle sait qu’à un moment ou à un autre, on va me demander un autographe ou une photo. Quant à mon garçon qui va avoir deux ans, il commence lui tout juste à comprendre que son père joue au football.

Je suis parti à 19 ans. Ma famille me manque, je suis le genre de mec qui compte ses amis sur les doigts d’une main, donc dès que je peux, on se voit. Mais en Uruguay, c’est compliqué pour moi de sortir. Ici, je peux faire plus de choses. L’Uruguay est un tout petit pays, et le fanatisme pour la sélection n’a jamais été aussi important. Et puis je crois que je suis un peu connu maintenant…

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La tête sous les étoiles.
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