So Foot

JOHNNY THE KID

- AXEL CADIEUX / PHOTO: DR

Actuel sélectionn­eur du Rwanda, Johnny McKinstry est passé par les New York Red Bulls, avant de signer un contrat pour l’académie Craig Bellamy et d’atterrir en Sierra Leone en plein Ebola. À seulement 30 ans.

“Mon rêve, c’est d’entraîner une équipe de top niveau en Europe. Je pense atteindre cet objectif d’ici dix ou quinze ans. À l’âge auquel on débute, normalemen­t, en tant qu’entraîneur.” Johnny McKinstry s’exprime depuis Kigali, capitale du Rwanda, dont il est sélectionn­eur national depuis mars 2015. À l’époque où la fédération lui propose le poste, le coach aux cheveux gominés n’a pas 30 ans, mais déjà de l’expérience à ce poste, puisqu’il débarque de Sierra Leone, où il a occupé la même fonction pendant plus d’un an. Comment devient-on l’un des plus jeunes entraîneur­s de l’histoire quand on vient d’un patelin d’Irlande du Nord et qu’on grandit dans une famille obsédée par le rugby? “Je jouais un peu au foot dans mon quartier, je voulais devenir pro, mais très rapidement j’ai su que je n’en avais pas les capacités, rembobine Johnny. À 15 ans, je me rendais compte que je comprenais bien le jeu quand j’étais sur le banc. À 16, je replaçais mes coéquipier­s et je disais au coach que ses choix n’avaient aucun sens.” Et à 17, il devient entraîneur d’une équipe de Lisburn, son bled de 70 000 âmes. “Ça a commencé comme ça, à l’instinct, sans connaissan­ce particuliè­re.” Même pas Football Manager, comme c’est souvent le cas dans ces profils très précoces? “Franchemen­t non. J’y ai joué, mais c’est pas aussi réaliste qu’on le dit. Est-ce qu’on vous apprend dans Football Manager à gérer votre meilleur joueur à deux jours d’un match capital, lorsque sa femme s’apprête à accoucher? Est-ce qu’on vous dit si on doit l’autoriser à la rejoindre, ou l’obliger à rester avec le groupe? Non, et pourtant, la gestion humaine est presque plus importante que la tactique.”

New York Red Bulls, Sierra Leone et Ginola

McKinstry, en réalité, se trouve souvent au bon endroit, au bon moment. Après avoir participé à des stages de foot l’été, coaché nombre de jeunes et remporté plusieurs trophées avec son équipe de l’université anglaise de Northumbri­a, à Newcastle, il répond en toute simplicité à une offre d’emploi des New York Red Bulls. La mission: entraîner les jeunes du club. Il obtient le job presque immédiatem­ent. À 22 ans… Rebelote deux années plus tard, lorsqu’il rejoint l’académie de Craig Bellamy en Sierra Leone, en tant que directeur technique, avant de prendre en charge l’équipe nationale. Progressiv­ement, l’homme se construit un CV, n’hésite plus à mettre les grandes gueules sur de l’épidémie du virus Ebola. “On a décidé de continuer à bosser normalemen­t avec les gamins de la fondation Craig Bellamy, on a gardé ceux qui le souhaitaie­nt, à huis clos, grilles fermées, se rappelle McKinstry. On était la seule école à fonctionne­r. C’est comme ça qu’ils étaient le mieux protégés. Une fois par semaine, on sortait avec mon chauffeur et on allait faire les courses…” Avec la sélection, la tâche est plus ardue: “On a dû jouer nos matchs à domicile dans d’autres pays, on ne pouvait plus utiliser les joueurs locaux, la logistique est devenue impossible, avec des jours de voyage… On a souffert.” Lui le premier. Après deux défaites, Johnny est viré. Pour la première fois de sa vie. Il ne tarde pas à rebondir, de l’autre côté de l’Afrique donc. Son bilan actuel à la tête du Rwanda: quatre défaites, un nul, trois victoires Mitigé, mais le coach reste optimiste: “En Sierra Leone, les gamins démoliraie­nt des murs pour jouer au foot et réussir. Il faut même leur dire de freiner leurs efforts. Alors qu’au Rwanda, si vous avez une approche agressive, c’est terminé. C’est dû au passé du pays, aux dictateurs, au génocide. Ça, vous l’apprenez en lisant des livres d’histoire, et c’est une grosse part de mon boulot, mais ça prend un peu de temps.” Ça tombe bien, il en a pas mal devant lui.

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Johnny a de l’idée.

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