La question qui démange.
Mais bordel, pourquoi le Brésilien pose comme un surfeur?
Le sourire est là, les dents de cheval aussi. Capitaine en train de coller une gifle à l’Argentine en finale de la coupe des confédérations 2005, Ronaldinho célèbre le troisième but de sa Seleção. L’esthète court vers Cicinho, son passeur décisif, avant de placer sa signature face au public allemand: il écarte les deux bras, mains à mi-hauteur, pouces et auriculaires levés, index, annulaires et majeurs repliés dans la paume. Ce geste popularisé par les surfeurs a un nom: le “shaka”. “Ronaldinho renvoyait une image de lui très atypique, analyse Arlei Sander Damo, professeur en anthropologie du sport à l’UFRGS de Porto Alegre.
Au-delà de ses incisives proéminentes, il possédait ce fameux geste pour célébrer ses buts. C’était un joueur qui communiquait beaucoup avec son corps, et le shaka faisait partie intégrante de lui et de sa
gestuelle.” Si Ronaldinho a imposé le gimmick à la planète football, le shaka constitue pourtant un signe bien plus universel. Insulaire à Hawaï pendant son enfance, Robin Bouvier, longtemps bénévole pour Surfrider, une ONG à but non lucratif, se souvient de son initiation: “Le premier à m’avoir montré ce geste était Jessy, un pote hawaïen avec qui j’allais à l’école
primaire de Waimea, sur Big Island. Il y a un rapport avec l’aloha, une notion culturelle fondatrice de la société hawaïenne, basée sur la quiétude et le respect d’autrui. D’ailleurs, les habitants font souvent ce signe en disant ‘Aloha’ pour se dire bonjour.” Derrière ce geste, une certaine idée de la philosophie du bien-être propre à cette île aux plages de cartes postales. “C’est
le Hakuna Matata hawaïen, synthétise Robin. Ça veut un peu tout dire. De ‘Salut, ça va être une bonne journée’ à ‘Détends-toi et profite de la vie’. En fait, la
meilleure signification du shaka, ce serait: ‘J’ai passé une super journée dans l’eau au lieu d’aller au bureau: on va se faire un barbecue sur la plage?’” S’il est fan des asados, Ronaldinho, qui n’est sans doute jamais monté sur une planche de surf, est addict à un autre art: la danse. “Ronaldinho aime la fête et possède donc de nombreux amis dans le milieu de la samba. C’est d’ailleurs à la fin des années 90 qu’il a repris ce geste à un groupe de pagode brésilien qui s’appelait Molejo”, croit savoir Paulo César Teixeira, écrivain implanté à Porto Alegre. Une théorie qui ne convainc pas vraiment le Ballon d’or 2005: “C’est devenu tellement naturel que je ne me souviens même plus la première fois que je l’ai fait.” Reste que le premier shaka de l’histoire est l’oeuvre du pêcheur hawaïen originaire de Laie, Hamana Kalili (1882-1958). Ce dernier aurait popularisé le geste après un accident du travail qui lui avait fait perdre les trois doigts du milieu de sa main dans un moulin à vent. Handicapé, l’homme s’était ensuite reconverti dans la circulation des trains. Pour autoriser la sortie des locomotives, il lançait ce salut spécial. Ce qui impose une reformulation de la question: mais pourquoi donc Ronnie pose comme un chef de gare?