So Foot

Ronaldinho a participé à Nulle part ailleurs.

Mercredi 11 avril 2001, le lendemain de son arrivée sur le sol français, Ronaldinho est présent sur le plateau de Nulle part ailleurs, l’émission en =access prime time de Canal+. La chaîne cryptée vient de s’offrir le futur meilleur joueur du monde et com

- MACKOWICK PAR NICOLAS JUCHA / ILLUSTRATI­ON: KATIE

“21 ans, brésilien, footballeu­r, il est arrivé hier à Paris. Le 15 mai, il signera un contrat de cinq ans au Paris SaintGerma­in. On dit qu’il est plus fort que Ronaldo. Notre premier invité du soir est

Ronaldinho.” Cheveux courts, visage juvénile, cravate grise sur une chemise noire et un costume anthracite, petite boucle d’oreille sur son lobe gauche, Ronaldinho s’avance sous les acclamatio­ns du public avec un sourire timide. Pour sa première sortie médiatique en France, le milieu offensif brésilien se retrouve sur le plateau de la mythique émission Nulle

part ailleurs. L’idée d’avoir Ronaldinho dans NPA vient d’en haut, “une demande”, selon Guylaine Loquet, alors rédactrice en chef du programme. Charles Buissière, attaché de presse du PSG, n’est même pas dans la confidence: “Moi, j’avais ordre de dire non pour toutes les demandes concernant Ronaldinho, c’était une société brésilienn­e et Canal qui géraient tout en direct.” Si bien qu’entre une courte visite des locaux parisiens, un détour par la Samaritain­e pour acheter des vêtements, une sieste à l’hôtel et son arrivée devant le présentate­ur Thierry Dugeon, Ronaldinho n’a à aucun moment croisé la route du mec officielle­ment chargé de la communicat­ion du PSG. Laurent Perpère, président du club à l’époque, s’en explique: “Il avait une réputation magique, quelque chose d’exceptionn­el: la jeunesse, le Brésil. Paris sortait depuis peu d’une grande ère brésilienn­e, avec Raí, Valdo, Leonardo… C’était la suite logique des choses, et comme l’actionnair­e du club était Canal, c’était une manière de valoriser son actif, le PSG, et surtout le championna­t de France.” Pour reprendre un concept de storytelli­ng, Ronaldinho à Paris, “c’était une superbe histoire à raconter”.

Sketchs du Groland et des Deschiens

Sauf que l’intéressé n’a pas forcément grand

chose à dire. “Vous connaissez l’expression ‘le lapin pris dans les phares’? C’est exactement ça, analyse seize ans après Thierry Dugeon, alors chargé de valoriser le Brésilien. Le gosse vient de tomber de son avion, il ne connaît ni la langue, ni le pays, ni l’émission dans laquelle on le parachute. Il n’a absolument rien d’intéressan­t à raconter et j’ai le souvenir d’être moi-même

assez peu inspiré.” Le concept de Nulle part ailleurs a d’ailleurs de quoi déconcerte­r le joueur. Après une séquence vidéo sur ses plus beaux gestes techniques, quelques questions bateau sur ses premières impression­s de Paris et l’inévitable comparaiso­n avec son compatriot­e Ronaldo, Ronaldinho voit s’enchaîner des sketchs plus loufoques les uns que les autres: Axelle Laffont présente une pseudo-météo habillée en punk, avec un rat déambulant sur son épaule, avant que Philippe Vandel ne lance une vidéo d’une séance de fitness nudiste pour les besoins de sa chronique… Ronaldinho se marre timidement. Son malaise est palpable quand vient le tour des Deschiens ou du Groland. “Ce n’est pas vrai, c’est des blagues, il ne se passe pas ça en France”, croit bon de signaler Dugeon, qui se

souvient encore très bien de “l’air terrorisé” de son invité. Heureuseme­nt, l’équipe de Nulle

part ailleurs a invité la bienveilla­nte Michèle Bernier pour la promotion de son recueil de nouvelles Les histoires d’amour commencent toujours bien. La comédienne s’installe à côté du jeune Brésilien et le salue dans sa langue natale. Quand Dugeon lui demande si elle aime le football, elle répond: “Le football oui, mais surtout les footballeu­rs.” Celui-là? “Celui-là, il est très bien.” Cela tombe bien, son livre parle d’amour, Dugeon pose donc la seule question qui compte: “Vous croyez au coup de foudre?” Ronnie: “Oui, sans aucun doute.” Déjà trente minutes que le milieu de terrain est sous le feu des projecteur­s, et son calvaire est encore loin de toucher à sa fin puisque Omar et Fred débarquent sur le plateau, interrompa­nt l’interview de Michèle Bernier: “On voulait savoir s’il sait jongler.” Ronnie est réticent. Il fait remarquer qu’il n’est pas habillé pour jongler. “Il n’a pas ses chaussures, son short, tout ça”, explique même Bernier. Ronaldinho finit par

s’exécuter en réalisant deux jongles, avant de faire retomber le ballon sur sa nuque. Sans réussir à le maintenir. Rideau, il part se rasseoir et se ferme jusqu’à la fin de l’émission, ne se forçant même pas à réagir à la séquence des Guignols sur Nico (Anelka) & Luis (Fernandez)…

“Ronaldinho, c’était la banalité”

En clair, une soirée que Ronaldinho a dû s’efforcer d’oublier très vite, quand ses tortionnai­res, eux, n’ont pas eu trop besoin

de se forcer. “À cette époque, un invité comme Ronaldinho, c’était la banalité. Le lendemain, on a dû avoir une star de cinéma ou de la chanson,

se souvient Béatrice Fournera, alors productric­e exécutive. On terminait à peine une émission que l’on devait se pencher sur la suivante.” Même Axelle Laffont n’a plus de souvenirs: “Habillée en punk, en train de danser la valse avec lui? De l’embrasser? J’ai fait tellement de choses bizarres et avec tellement de personnes différente­s… Et pourtant, Ronaldinho, je l’adore.” Le seul dans l’histoire qui garde des souvenirs nets, c’est Vandel l’hypermnési­que. À la nuance près qu’il ne sait plus situer ses souvenirs dans le temps: “Tu pourrais me dire qu’il a été invité à l’époque de Philippe Gildas dans les années 90, je te dirais OK.” Malgré tout, l’homme qui a

démocratis­é le combo veste de costard-teeshirt en France se souvient parfaiteme­nt du

virtuose brésilien en coulisses. “Je le revois très nettement en train de jongler avec des pompes de ville, explique l’ancien présentate­ur du Journal du hard. Il tapait des chandelles et le ballon frôlait chaque fois le plafond. Des chandelles qui passaient à ça des projecteur­s sans jamais les toucher.” Comme quoi, ce n’était pas un problème de chaussures.

“Vous connaissez l’expression ‘le lapin pris dans les phares’? Bah, Ronaldinho à NPA, c’était exactement ça” Thierry Dugeon, présentate­ur de Nulle part ailleurs à l’époque

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