Ronaldinho a joué dans le film Trois zéros.
Du passage en France de Ronaldinho, le grand public retiendra son but contre Guingamp, son statut de remplaçant, ses frasques en boîte de nuit, ses matchs contre l’OM et une scène de jongles sur grand écran. C’était dans le film TroisZéros, comédie frança
Il existe deux types de clowns. Il y a ceux qui enfilent chaque matin un gros nez rouge et des pantoufles taille 58 pour rentrer dans leur personnage, et puis, on l’apprend en école de théâtre, il y a les autres, pour qui c’est un état. Stomy Bugsy 1 se rappelle parfaitement en avoir fait l’expérience,
un après-midi d’août 2001: “On tournait au Camp des Loges, il faisait beau, on était tous au milieu du terrain. La caméra se baladait entre les joueurs avec qui on s’entraînait, et le ballon a roulé jusqu’à Ronaldinho. Naturellement, on s’est tous regroupés autour, et Ronnie a commencé à jongler. Ce type fait des trucs avec ses pieds qu’un clown ne ferait pas avec des balles entre ses mains.” La séquence survient pile à la moitié
du film Trois Zéros, comme un point de bascule. Elle dure trente secondes, entrecoupées de trois plans de coupe. Le ballon rebondit vingt-huit fois sur les pieds de Ronaldinho, il lui fait faire trois tours du monde, pied droit, pied gauche, le fait rouler deux fois sur la nuque, et l’attrape pour conclure entre ses deux rotules. “C’est comme si tu avais un extraterrestre devant toi,
explique Stomy, pastiche d’Anelka dans le film.
Il rattrapait le ballon du mollet, de la fesse, de l’orteil, de la colonne vertébrale, il le bloquait avec le coude, l’épaule… Le ballon n’a jamais touché terre, jamais. On se regardait tous: ‘Mais c’est pas possible, d’où il sort?’”
“Ilacommencéàmeregarderbizarre”
L’idée du film Trois Zéros est née juste après la coupe du monde 1998. Sorti de Jet Set, son quatrième film, qui a réuni deux millions de spectateurs, Fabien Onteniente imagine l’histoire de Tibor Kovacs, jeune Hongrois
surdoué balle au pied qui rêve du PSG, et de Manu, son compagnon de cellule à la prison de Fleury-Mérogis, qui lui propose de devenir son agent à leur sortie de prison. Pour jouer les deux personnages, le réalisateur a respectivement pensé à Lorànt Deutsch et Samuel Le Bihan. Pour les scènes au Camp des Loges, Onteniente avait aussi quelques noms en tête. “Fabien avait spécifiquement demandé à avoir Ronaldinho, il en était un
peu amoureux”, se souvient Charles Biétry, ancien président du club, qui a fait le lien avec la direction de l’époque pour obtenir les autorisations de tournage et autres demandes. Car, de fait, Deutsch doit suivre un mois de préparation physique intensive. Il la fait au sein du groupe pro et se retrouve rapidement aux côtés de Ronnie, débarqué juste un mois plus tôt du Grêmio. Le Gaucho et l’auteur du
Métronome se découvrent à l’occasion d’une séance de transversales: “Il y avait cinquante mètres d’espacement. Lui me les mettait dans les pieds, et moi, j’arrosais de tous les côtés. En plus, j’étais gaulé comme une allumette. Déjà là, il a commencé à me regarder bizarre.” Les deux hommes enchaînent avec des ateliers techniques devant le but, où l’acteur vendange comme un ado saisonnier: “À la fin
de l’entraînement, il est venu me voir et il m’a dit en anglais: ‘Excuse-moi, mais tu joues à
quel poste?’ (Rires) Je ne me suis pas démonté: ‘T’en fais pas, je joue derrière toi et je te passe la
balle.’ Là, j’ai vu un nuage passer dans ses yeux. Heureusement, il a su après que j’étais comédien, donc ça l’a fait marrer.”
Un général de Napoléon
Pour sa deuxième scène, par ailleurs la première dans l’ordre du film, le Brésilien doit simuler un contrôle, puis une accélération de vingt mètres sur la ligne de touche contre le FC Barcelone. Le tout suivi par un travelling de profil. Onteniente abandonne sa caméra fixe posée sur des rails, trop lente, et lui préfère une
“Excuse-moi, mais tu joues à quel poste?” Ronaldinho au comédien Lorànt Deutsch, lors du tournage de Trois Zéros
Steadicam, caméra mobile portée à l’épaule par
un technicien. “Oh, le mec était dans les choux, tout allait trop vite, se marre le réalisateur. Je me souviens qu’il était assez gros, on a dû refaire la séquence une vingtaine de fois, et je crois qu’il a perdu pas mal de kilos ce jour-là. À un moment, je suis allé voir Ronnie et je lui ai dit: ‘Il faut faire un tout petit peu moins vite, parce que le gros, là, il est aux fraises.’ Lui, il se marrait. Il se
marrait toujours.” De quoi attirer la sympathie de l’équipe technique du tournage. Stomy Bugsy en tête, alors même qu’ils ne pouvaient communiquer que dans un espagnol basique: “Dès que Ronnie est dans le coin, plus personne ne se prend au sérieux, c’est marrant à voir. Il adoucit l’atmosphère, il amène tout le monde dans son show, même ceux qui ont la grosse tête.”
Lorànt Deutsch, entre deux tentatives pour faire regarder le mythique PSG-Real Madrid à son nouvel ami, évoque lui “un type très altruiste, toujours prêt à refaire des prises”, qu’il n’hésite pas à comparer à Joachim Murat, le lieutenant
général de Napoléon: “Sa célèbre virgule, c’est comme une dérobade à cheval du général. En plus, il a les cuissots de la bête.”
1,3 million d’entrées
Problème de taille cependant, après trois mois de tournage et 14 millions d’euros dépensés, le film sort en salles trois jours après le dimanche 21 avril 2002, jour où Jean-Marie Le Pen accède au second tour de l’élection présidentielle. “Tout
le monde était dans la rue, regrette aujourd’hui
le réal’. Le film a quand même fait 1,3 million d’entrées, ce qui est pas mal, mais il aurait pu
faire plus.” Ronnie, lui, aurait difficilement pu faire plus, allant même jusqu’à se pointer, à la surprise générale, à la soirée de fin de tournage. La scène se passe au Barrio Latino, bar restaurant branché du XIIe arrondissement de Paris où le milieu de terrain avait ses habitudes. Cette soirée-là, selon Onteniente, il commande brésilien, caïpirinhas et mojitos, puis trinque, avant de se mettre à danser. L’alcool montant, le clown aurait alors retrouvé son nez rouge.