Més que une otarie.
À Barcelone, Ronaldinho a récupéré le casier de Philippe Christanval, repris le numéro 10 de Riquelme, parlé moto avec Rijkaard, nettoyé des lucarnes, soulevé des trophées et fait la fête plus que de raison. Mais surtout, le Brésilien a posé les fondation
Il a sorti le Camp Nou de son coma, redonné des couleurs aux Blaugranas et mis fin à l’ère des Galacticos. Merci qui? Merci Ronnie.
En 2003, les socios du Barça dépriment. La faute à Joan Gaspart, le président le plus néfaste de l’histoire blaugrana. Pendant que son homologue madrilène Florentino Pérez remplit la Maison blanche de joueurs galactiques, le Catalan s’entête à prendre ses socios pour des imbéciles. Pour désamorcer le départ traumatique du traître Luis Figo chez l’éternel ennemi, il se résout à faire de Marc Overmars le joueur le plus cher de l’histoire du club. Un flop. L’année suivante, pour répondre à l’arrivée de Zidane au Real, Javier Saviola est recruté dare-dare et présenté comme le “nouveau Maradona”. Là encore un échec. Tout comme le transfert de Juan Roman Riquelme en 2002, annoncé comme le successeur de Rivaldo par Gaspart. Une annonce que le coach Louis van Gaal se charge de désamorcer lors de sa présentation officielle: “Je n’ai jamais demandé à
ce qu’il vienne. Je ne sais même pas qui c’est.” C’en est trop pour Joan Laporta. Lassé de voir les siens se saborder pendant que le Real se goinfre de titres, le jeune avocat barcelonais dépose une motion de censure contre Gaspart, puis assure sa victoire aux élections présidentielles en annonçant aux socios qu’il a un accord de principe avec David Beckham. Le souci, c’est que le Barça n’a ni les reins ni le projet sportif capable d’attirer le Spice Boy: en bon père de famille, l’Anglais suit la voie lactée madrilène plutôt que la voie de garage blaugrana. Une décision sans laquelle le Barça ne serait sans doute pas celui qu’il est aujourd’hui. Putain d’effet papillon.
La plage de Manchester
À défaut de premier choix, le Barça ratisse le marché pour trouver la perle rare capable d’ambiancer à nouveau le Camp Nou. Ça tombe bien, Sandro Rosell, bras droit de Laporta et ancien directeur de Nike au Brésil, en connaît une. Il est le premier à poser le nom de Ronaldinho sur la table. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que son idée est loin de faire l’unanimité. Laporta ne considère pas le Brésilien comme un joueur médiatique capable de faire rentrer des millions dans les caisses du club quand Frank Rijkaard, qui a remplacé Louis van Gaal, ne semble pas emballé à l’idée d’avoir une otarie dans son groupe. Rosell: “Lors
d’une réunion, Rijkaard m’a dit: ‘Je sais que techniquement, c’est le meilleur, mais je n’en ai pas besoin. Qu’est-ce que je vais faire de lui s’il vient? Il ne va pas améliorer l’équipe: il ne défend pas et garde beaucoup trop la balle…’” Sauf qu’à force de tergiverser, les Catalans se font doubler par les Merengues. Ces derniers proposent à Ronaldinho de le signer tout en le laissant une saison de plus à la disposition du PSG, le temps qu’une place de joueur extracommunautaire se libère. Une perspective qui n’emballe pas le Gaucho. Le Real n’insiste pas et le fait savoir, prétextant que le joueur est tout prêt de signer à Manchester United. Ce communiqué sonne le réveil des dirigeants culés, qui proposent au PSG d’échanger Ronaldinho contre Riquelme plus Christanval. Refus. Les Parisiens préfèrent l’offre de Manchester United, plus alléchante. Mais alors qu’il est sur le point de dire oui à sir Alex Ferguson, Ronaldinho prend soudainement conscience que le climat anglais est incompatible avec le Brésilien qu’il est. “Il a vraiment été à deux doigts de signer là-bas, mais il avait des doutes, confirme son ami Tiago. Il me demandait sans cesse: ‘Qu’est-ce que je dois faire?’ À l’époque, Manchester proposait plus d’argent et était une équipe bien plus forte que le Barça, mais par rapport à sa manière de vivre et son style de jeu, je lui ai conseillé d’aller à Barcelone. Il voulait habiter à côté de la plage
“Avant lui, ce n’est pas qu’on ne gagnait plus rien, c’était plus grave que ça: on ne luttait même plus pour remporter quelque chose. Ronaldinho est le premier à nous avoir arraché un sourire”
Carles Puyol, son capitaine au Barça
et à Manchester, il n’y en a pas: c’est une ville moche où il pleut tout le temps…”
Le 21 juillet 2003, Ronnie fait donc le choix de jouer la coupe de l’UEFA avec le Barça plutôt que la ligue des champions avec les Red Devils. Une décision incompréhensible pour un Irlandais comme Roy Keane: “À part un problème au cerveau, je ne vois pas
bien ce qui l’a motivé à signer là-bas.” Si l’intéressé assure qu’il a plutôt été séduit par l’idée de suivre les traces de ses illustres compatriotes Romario, Ronaldo et Rivaldo, beaucoup estiment à l’époque que Ronaldinho a choisi un club en reconstruction pour s’assurer d’être au centre de toutes les attentions. Une chose est sûre: dans l’histoire centenaire du Barça, aucun joueur avant lui n’avait improvisé, le jour de la signature de son contrat, une partie de foot dans le bureau du président... Aucune présentation
officielle n’avait jamais réuni, non plus, autant de socios: 25 000! L’impact médiatique dépasse d’ailleurs largement le cadre du foot. En ville, les maillots du
freestyler s’arrachent et Ronnie a même droit à son sosie sur les Ramblas. Cette Ronaldinhomania inonde évidemment le vestiaire. “Quand il est arrivé, notre jeu et nos sourires sont réapparus comme par magie, jure son ex-coéquipier Gerard Lopez. Par son football, son comportement très joyeux et sa façon d’être très
extravertie, il nous a complètement déridés.” Un clown au chevet d’un malade? Il y a un peu de ça. Pour son premier match avec le Barça, à Washington, lors d’une tournée aux États-Unis, Ronaldinho entretient d’ailleurs l’euphorie estivale avec une passe décisive pour Quaresma et un but qui ouvre une nouvelle ère: celle de l’espoir. Carles Puyol, dont le palmarès était désespérément vierge avant l’arrivée de son ami, parle en connaissance de cause: “Avant lui, ce n’est pas qu’on
“Tout le monde me dit que je vais finir au Real Madrid, mais non! Jamais! J’ai la mer, je peux aller au restaurant en débardeur et claquettes… Je suis le plus heureux des hommes” Ronaldinho
ne gagnait plus rien, c’était plus grave que ça: on ne luttait même plus pour remporter quelque chose. Nous étions défaitistes, déprimés. Ronaldinho est le premier à nous avoir arraché un sourire. Il nous a débarrassés de cette chape de plomb qui pesait sur nos têtes et plus rien n’a été pareil.”
Un golazo ressenti par les sismologues
La remuntada animique débute le 3 septembre 2003 contre le FC Séville. Ce soir-là, le Barça décide et obtient le droit de jouer son deuxième match de Liga de la saison à minuit pétante. Un créneau horaire inhabituel qui permet au club d’aligner ses internationaux avant que ces derniers ne rejoignent leurs sélections respectives. Afin de maintenir tout le monde éveillé pour le premier match officiel de Ronnie au Camp Nou, le club propose un pique-nique géant avec gaspacho à volonté dans les tribunes du stade. R10, lui, se charge du dessert: une chevauchée folle ponctuée d’un missile des 35 mètres qui finit dans la lucarne du portier andalou. Il est 1 h 26 du matin et le Camp Nou sort enfin du coma. Sur le coup, le râle de plaisir est tel que les sismologues de l’observatoire Fabra de Barcelone croient même à un tremblement de terre. “C’est sur cette action qu’on s’est vraiment rendu compte de son énorme supériorité par rapport au reste du collectif, affirme le défenseur Oscar Lopez Hernandez, sur la pelouse ce soir-là. Ce golazo, c’était sa carte de présentation à l’Espagne
toute entière.” Ronnie ne s’arrête pas à ce coup d’éclat. Pour sa première saison, il maquille les carences de son équipe en arrosant la Liga de crème chantilly. À tel point que certains se demandent ce qu’un joueur de ce calibre fait dans une équipe éliminée piteusement par le Celtic Glasgow en huitièmes de finale de la coupe de l’UEFA. En fin de saison, la presse espagnole ravive d’ailleurs le spectre de Luis Figo, évoquant des tentatives d’approche du Real Madrid. Mais Ronaldinho, bien dans son pantacourt, dissipe rapidement tous les doutes: “Depuis que je suis ici, tout le monde me dit que je vais finir au Real Madrid comme Figo ou Ronaldo, mais non! Jamais! J’ai la mer, je peux aller au restaurant en débardeur et claquettes… Je suis le plus heureux des hommes.” Juanjo Castillo, employé du club à l’époque et meilleur ami du Brésilien en Catalogne, confirme: “Ronnie était un amoureux de la ville, de la Méditerranée et de sa cuisine, mais son truc, c’était la plage. Ronnie sans plage, c’est comme Ronnie sans un ballon de foot aux pieds. Ça ne colle pas.” S’il rassure tous les socios du Barça en jurant allégeance à la ville et à ses nouvelles couleurs, Ronaldinho est aussi et surtout un VRP de luxe inattendu pour Txiki Begiristain, le directeur sportif du Barça. “Certains joueurs ont quasiment signé à Barcelone juste pour jouer avec lui”, assure ainsi son ami et ex-coéquipier Thiago Motta. Deco fait notamment partie de ces aventuriers séduits à l’idée d’écrire une page d’histoire avec pour seul horizon le sourire proéminent de Ronnie. “Son enthousiasme et son talent étaient tels qu’il a donné envie aux gens de revenir au Camp Nou à une époque où il n’était pas aussi attirant qu’aujourd’hui, apprend l’ancien international
portugais. Grâce à lui, les gens sont redevenus fiers d’être du Barça.”
Sacchi, Cruyff et “Luis le vaniteux”
D’autant plus fiers que pour sa deuxième saison au club, Ronnie est désormais entouré de joueurs de la taille de Deco, donc, mais aussi de Samuel Eto’o ou
encore d’Edmilson. Des forces vives auxquelles se greffent des jeunes pousses de la maison comme Xavi, Iniesta ou encore Messi. Biberonné aux préceptes de Johan Cruyff, dont il fut l’un des fils préférés à l’Ajax, Rijkaard parvient à faire monter la mayonnaise du beau jeu cher au Camp Nou, tout en lui appliquant des notions de pressing apprises au côté de Sacchi. Le résultat est une sorte de football total dans lequel Ronaldinho, débarrassé des tâches défensives, jouit d’une totale liberté pour la première et, peut-être, seule fois de sa carrière. “Au niveau des efforts, Ronaldinho était loin d’être égoïste, il pensait toujours au bien du collectif, précise Thiago Motta. Le truc, c’est que les joueurs comme lui ne doivent pas défendre. Quand tu as un talent comme Ronnie, c’est à l’équipe de s’adapter, pas le contraire. On préférait qu’il fasse la différence en attaque, du coup, on multipliait les compensations dans cette optique-là.” Ce passedroit accordé, parfois interprété comme un aveu de faiblesse de la part de Rijkaard, permet au Brésilien d’atteindre un niveau qu’il n’a plus jamais retrouvé par la suite. Et c’est tout sauf un hasard, selon
Tiago: “Rijkaard était une personne incroyable qui parlait la langue des footballeurs. Contrairement à Luis Fernandez, il n’était pas vaniteux, il savait qu’il avait besoin de Ronaldinho et vice versa. Ils étaient sur la même longueur d’ondes, quand ils mangeaient ensemble, ils parlaient de motos, de musique… De tout, sauf
de ballon.” Si le Batave libère Ronnie de tous les diktats tactiques, il lui impose une idée de Cruyff: celle de placer Stoitchkov le long de la ligne. Ronaldinho le droitier qui joue sur l’aile gauche? C’est tout simplement la clé du succès du Barça de l’époque selon Raynald Denoueix. “À ce poste, il était dangereux car imprévisible,
explique l’ancien entraîneur du
FC Nantes et de la Real Sociedad. Il pouvait rentrer, enchaîner plein axe, déborder, décaler le latéral qui prenait le couloir, ou bien carrément jouer la profondeur sur Eto’o. Si Ronaldinho avait joué dans l’axe, il aurait été plus facile à maîtriser. Là sur son côté, il était impossible de le prendre en individuel. Aucune équipe ne l’a jamais fait d’ailleurs, parce que la difficulté, c’est le latéral qui suivait… C’est ce qu’il ne fallait absolument pas faire parce que c’est comme quand Zizou jouait à gauche au Real, dès qu’il rentrait, tu prenais Roberto Carlos dans la gueule et ce n’était pas mieux.”
À l’époque, le show proposé par Ronaldinho aux spectateurs du Camp Nou n’est pourtant que la partie immergée de l’iceberg. Selon Gerard Lopez, c’est en coulisses que le Brésilien repousse les limites du
funambulisme. “J’ai encore le souvenir de ses jongleries avec Deco, c’était n’importe quoi, s’émerveille l’actuel
entraîneur du Barça B. Il faisait des bisous au ballon sans le faire tomber, ensuite il le faisait passer sur son oreille droite, puis son oreille gauche… Quand il sortait de la douche, il se mettait à jongler nu avec un ballon mouillé. Il n’avait pas besoin de serviette ni de crampons. Même avec de l’eau, ce qui rend le contrôle plus difficile, c’était un jeu d’enfant pour lui.” Si Ronnie fait son cirque avec le ballon, le football reste à ses
“Quand il sortait de la douche, il se mettait à jongler nu avec un ballon mouillé. Il n’avait pas besoin de serviette ni de crampons”
Gerard Lopez, actuel coach du Barça B “Certains joueurs ont quasiment signé à Barcelone juste pour jouer avec lui”
Thiago Motta, ancien coéquipier en Catalogne
“Quand il a vu qu’on voulait contrôler son agenda et que sa vie ne lui appartenait plus, il est devenu taciturne. Plutôt que de se rebeller contre cette situation, il s’est laissé dériver” Juanjo Castillo, employé du club
yeux une affaire sérieuse. Sûr de sa force et compétiteur dans l’âme, le champion du monde 2002 décide de sonner la révolte face au palmarès vierge de son club depuis quatre ans. “Il nous a transmis la gagne, assure Thiago Motta. Il nous a convaincus que pour arriver à gagner quelque chose, il fallait avoir la même attitude positive que lui. Je me souviens d’une fois en Russie, où il faisait un froid de canard. Dans le couloir du stade, il criait: ‘Il fait bon là! Il ne fait pas froid!’ Qu’un Brésilien te sorte ça, c’est fort. Il avait un mental de champion: il n’aimait pas perdre, même à l’entraînement.” Et surtout pas le jour de son anniversaire. “On avait fêté ça chez lui, se rappelle l’Argentin Maxi Lopez, aussi surnommé le ‘Drogba
Blanc’. À un moment donné, l’un de ses amis a fait un truc exceptionnel avec le ballon. Ça l’a piqué au vif, et là, il s’est mis à faire des trucs incompréhensibles avec la balle. Il voulait montrer que c’était lui le patron. Au final, il nous a sorti un geste hallucinant que je n’ai jamais vu ni avant, ni après. Techniquement, c’était tellement fou que je ne saurais même pas l’expliquer aujourd’hui. Ronnie fonctionnait comme ça, aux défis.”
Il joue bourré contre l’Espanyol
Le problème avec les hommes de défis, c’est qu’ils préfèrent bien souvent la chasse à la prise. Après avoir déballé toute sa palette technique, humilié un à un les clubs de la Liga, remis le Barça sur les bons rails, placé Messi sur orbite, s’être fait applaudir par le Bernabéu et avoir remporté le Ballon d’or puis la Champions League, Ronaldinho est repu. Dès lors, il va chercher bonheur ailleurs. Loin du terrain mais près de chez lui. À Castelldefels se trouve ainsi la boîte Sandunguita. “Il venait ici très régulièrement, raconte le videur
argentin de l’époque. Il dansait, il parlait et il se faisait draguer. On avait d’ailleurs un local réservé aux boissons dans lequel il allait avec des filles. Pour leur parler et pour faire d’autres choses…” En avril 2008, c’est ici que Ronaldinho, officiellement blessé, se fait griller à 5 heures du matin par un paparazzi à la veille d’une demifinale retour de C1 contre Manchester United. Cet épisode sera la goutte d’eau qui aura fait déborder énormément de verres. “On a toujours fait la fête, mais à la base,
c’était pour fêter des victoires, des titres. Comme il y avait toujours quelque chose à célébrer, on sortait énormément, sourit Maxi Lopez. Avec Ronnie, tu ne t’ennuyais jamais. Il était aussi bon en soirée qu’avec la balle aux pieds.” Les problèmes commencent en 2006, lorsque le Brésilien décide de lier l’utile à l’agréable en arrivant complètement torché lors d’un derby contre l’Espanyol. “Les joueurs étaient tous sortis la veille, explique Tiago. La journée d’avant, ils avaient assuré le titre de champion, donc ils étaient détendus. Certains n’avaient pas dormi de la nuit, d’autres avaient encore pas mal d’alcool dans le sang, mais même comme ça, ils ont gagné 2-0. Le pire, c’est que ça avait été l’un de leurs meilleurs matchs de la saison.” Sur le coup, les dirigeants ferment les yeux, mais Ronnie, lui, ne réduit pas la voilure. Au contraire: il multiplie les nuits blanches et s’affiche notamment sur la scène de la boîte barcelonaise le Bikini pour jouer des percussions avec ses amis du groupe Samba-Tri. Son énorme cote de popularité ne l’aide pas, Ronaldinho se fait inviter partout, tout le temps. Et évidemment, le jouisseur ne refuse jamais un dernier verre. “Bien souvent, j’étais
obligé de dire stop à sa place, glisse Tiago. Les gens de la nuit sont insouciants, surtout à Barcelone où ils se foutaient de savoir si Ronaldinho avait entraînement le lendemain.” Pire, Rijkaard, aussi fumeur et détendu que lui, ne fait rien pour inverser la situation. “Il a été trop laxiste avec Ronaldinho. Ce qui marchait au début
ne fonctionnait plus à la fin”, regrette Tiago. Dès lors, Ronnie part en roue libre. Pour cacher à la presse qu’il sèche les entraînements, le joueur demande à ses amis de prendre sa voiture et de bien la mettre en évidence dans le parking du club. Un leurre parmi tant d’autres qui ne passe pas chez certains de ses coéquipiers. Samuel Eto’o, notamment, fustige les passe-droits du Brésilien auprès de ses dirigeants. Qui finissent par réagir en instaurant un code interne dont Ronaldinho n’a que faire. “Quand il a vu qu’on voulait contrôler son agenda et que sa vie ne lui appartenait plus, il
est devenu taciturne, informe Juanjo Castillo. Plutôt que de se rebeller contre cette situation, il s’est laissé
dériver.” Fatigué par ses excès, le numéro 10 blaugrana devient fatalement un intermittent du spectacle sur le terrain et un clown triste en dehors. Les sourires du début laissent définitivement place à la saudade lorsque son frère, sa mère et sa soeur décident de quitter l’Espagne pour faire leurs vies ailleurs. Le coup de massue de trop pour un Ronnie qui ne reviendra jamais à son meilleur niveau. Le voulait-il vraiment de toute manière? Pas sûr, selon Thiago Motta: “Il aurait pu devenir le meilleur joueur de tous les temps, mais ses performances ne se sont pas inscrites dans la durée tout simplement parce qu’il ne le voulait pas. Ce n’était pas son rêve. Son rêve, c’était de prendre le maximum de plaisir sur un terrain, mais aussi de profiter de la vie.” Incompatible avec un club comme le Barça, ce qui
pousse Joan Laporta, en 2008, à transférer Ronaldinho
au Milan AC. “J’étais partisan de faire une purge du vestiaire pour démarrer un nouveau cycle, explique
l’ancien président. Pour moi, Ronaldinho est resté un an de trop. C’était un joueur extraordinaire, un crack, et il était difficile pour tout le monde de se séparer de lui. Mais j’étais plutôt de ceux qui voulaient faire table rase pour redonner un nouvel élan à l’équipe. Avec Frank, c’était le même dilemme… Il a réalisé des choses incroyables avec le club, mais je sentais qu’il n’était plus l’homme de la situation. Juste après avoir prévenu Frank, j’ai téléphoné à Pep Guardiola et je lui ai dit: ‘Commence à te préparer dès maintenant, parce que tu es le nouvel entraîneur du Barça.’” Un volcan s’éteint, un autre, tout aussi immense, s’éveille.
“Bien souvent, j’étais obligé de dire stop à sa place. Les gens de la nuit sont insouciants, surtout à Barcelone où ils se foutaient de savoir s’il avait entraînement le lendemain” Tiago, son ami