So Foot

Fernando Torres

- – JPS

El Niño

“Dans ma famille, on n’était pas des footeux. À la maison, personne n’avait d’équipe préférée. La première équipe que j’ai commencé à suivre, c’est le Super Depor. Mon père est galicien, et tous les étés nous allions passer nos vacances là-bas. Moi, tout ce que je savais du football à ce moment-là, c’était ce qu’on me racontait du Depor pendant mes vacances. Je n’aimais pas vraiment le football. C’est peut-être pour ça que je ne suis pas devenu fan du Real Madrid… C’est au contact de mon grand-père que tout a changé. Il vivait dans un petit village près de Madrid. Dans son salon, il y avait une assiette décorative sur laquelle était gravé l’écusson de l’Atléti, et je me souviens qu’il sortait toujours se promener pour écouter les matchs avec sa petite radio. Je le vois encore s’énerver en écoutant les commentair­es du match. Quand je lui demandais pourquoi il ne regardait pas les matchs à la télévision plutôt que de les écouter à la radio, il me disait: ‘Petit,

je ne peux pas infliger ça à mes nerfs!’ C’était au-dessus de ses forces. Moi, ça m’intriguait de le voir comme ça, je ne comprenais pas vraiment. Du coup, je lui posais un tas de question sur l’Atlético. Je suis devenu fan de ce club sans même les avoir vus jouer. Quand t’écoutais mon grand-père parler de l’Atléti, c’était difficile de ne pas adhérer. Il me disait: ‘L’Atlético, c’est un combat. Peu importe que nous ne soyons pas les meilleurs, le plus important, c’est de lutter pour défendre ses valeurs.’

Il avait raison. L’Atlético, ce n’est pas seulement une équipe de football, c’est un sentiment. Une manière d’aborder la vie. Il faut se bagarrer, lutter. J’aimais bien le côté ‘seuls contre tous’. J’ai fini par regarder des matchs, et là, je me suis rendu compte que j’avais choisi d’être pour un club qui ne gagnait pas beaucoup… Je m’en foutais. Dans la vie, de toute façon, tu perds plus que tu ne gagnes. Dans ton travail, en amour, à l’école… On passe notre vie à perdre. Mais quoi qu’il arrive, tu n’as pas le droit de baisser les bras. Le plaisir est beaucoup plus important quand tu t’es battu sans relâche pour quelque chose qui paraissait, au début, inaccessib­le. Je me souviens qu’après l’Euro 2008, un vieux monsieur m’a arrêté dans les rues de Madrid pour me remercier de mon but en finale. ‘Fernando, je suis supporter du Real Madrid, mais quand tu as marqué, tu m’as ému comme jamais!’ Le sport espagnol dans sa globalité est une lueur d’espoir dans une société qui n’en a pas beaucoup. Alonso, Nadal, les basketteur­s, les footballeu­rs… Nous ne sommes pas différents des gens que nous croisons dans la rue. La majorité d’entre nous sont issus de quartiers modestes. Si des mecs comme nous ont pu devenir champions du monde, c’est qu’il y a de l’espoir. Moi, je joue au football pour les gens. J’aime l’idée qu’ils disent ‘on a gagné’ au lieu de ‘ils ont gagné’.”

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