So Foot

Hristo Stoitchkov

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Beaucoup disent aimer le foot, mais, paradoxale­ment, ils sont

souvent incapables d’expliquer pourquoi. C’est ton cas? Non, moi je sais très bien pourquoi j’aime ce jeu. C’est au football que je dois mon caractère. J’avais du talent, évidemment, mais sans lui, je n’aurais jamais pu quitter la Bulgarie pour m’imposer dans un Barça entraîné par Cruyff, tout comme je n’aurais jamais pu être ballon d’or. Mon père et mon grandpère –qu’ils reposent en paix– étaient des bons joueurs de foot. Mes oncles, pareil. Tous les membres de ma famille étaient des compétiteu­rs, des grandes gueules comme moi. Ce caractère fort, compétitif, ils me l’ont transmis via le football. Si personne chez moi n’avait jamais touché un ballon, peut-être qu’on aurait été différents, plus sages. Je suis qui je suis parce que le football coule dans mes veines, comme il coulait dans les veines de mon père et dans celles de mon grand-père. Le football est notre sang.

Pour l’un de tes premiers matchs en Espagne, tu avais été

sanctionné pour avoir écrabouill­é le pied d’un arbitre… Ce sont des faits de jeu. Je suis sanguin, mais il faut l’être pour être compétitif. Aujourd’hui, les joueurs n’ont plus de caractère. Ils se ressemblen­t tous. Il n’y a plus de révoltés. Pourtant, ce sont eux les champions. Vous croyez que Cantona, Keegan, Rummenigge, Vialli, Maldini, c’étaient des enfants de choeur sur un terrain? En plus de leur talent, ils avaient une mentalité de winners. Aujourd’hui, à part Ibrahimovi­c et Messi, c’est devenu très rare. Messi, on ne dirait pas comme ça hein, mais il a un sacré caractère. Il en faut pour mettre autant de buts par saison. Ces types-là ont la rage de vaincre, de l’ambition. J’aime ça.

Pourquoi aimes-tu toujours le foot s’il y a moins de joueurs avec

du caractère? Parce que je l’aime plus que les femmes. Et c’est parce que je l’aime beaucoup qu’il faut le protéger contre tout ce qui le dénature. Je ne suis pas un romantique, mais je ne suis pas un cynique non plus. Pour moi, le football, ça se passe sur le terrain, pas dans une banque ou dans des bureaux. J’aime toujours regarder un match, être surpris par ce que je vois. C’est la base: un match, tu sais toujours comment ça commence, mais tu ne sais jamais comment ça va finir. Il n’y a pas un phénomène plus excitant au monde. Par exemple, jamais un parti politique n’arrivera à mettre autant de personnes dans un stade. Et tu sais pourquoi? Parce que le football n’a rien de rationnel, c’est de la passion à l’état pur, ça te prend aux tripes. Pour moi, le football, c’est un roi et un Dieu à la fois. C’est toute ma vie… Putain, si je pouvais jouer à nouveau, ce serait merveilleu­x. Ma tête en a envie, mais mes jambes lui dictent de les laisser tranquille­s.

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