So Foot

Jacqui Teulières

Intendant, en couple avec le Toulouse Football Club depuis 1987

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Ils sont rares, les supporters du TFC à pouvoir dire “J’y étais” pour évoquer le dernier trophée soulevé par leur club. Il faut dire que l’événement remonte à une coupe de France remise en 1957 par le président René Coty. Jacqui Teulières, 24 ans à l’époque, aurait pu en être. Mais son travail de conducteur de train en a voulu autrement. “Dans ce métier, il n’y a pas de samedi ou dimanche. La finale de 57, je l’ai écoutée sur mon transistor. Quand je suis entré au club, je me suis dit: ‘La prochaine fois, tu seras là.’” La promesse remonte à 1987 et ses débuts comme intendant. Depuis, Jacqui attend toujours de monter à SaintDenis. “J’ai encore en mémoire cette demifinale perdue contre Guingamp en 2009. J’en ai pleuré dans les vestiaires. Les coachs me disent: ‘On ira un jour, tu verras.’ Mais ça n’arrive pas. Je préfère plus trop y penser maintenant”, souffle-t-il, la voix recouverte par le bruit du gros sèche-linge de sa buanderie. Jacqui est ici en son royaume, dans ce local sur deux étages en face du Stadium où on croise aussi Monique, sa femme, la blanchisse­use du club. “Après AZF, tout était

cassé ici, resitue-t-il. Je prenais les maillots dans mon estafette, ma femme m’attendait dans un pressing à Jolimont et je repartais les apporter.” Depuis trente-deux ans, le couple vit à l’heure du ‘Tef’, avec des vacances fin mai-début juin et des week-ends passés au stade. Et aucune lassitude en vue. “Elle fait ça parce qu’elle est avec moi. Quand j’étais à la SNCF, elle ne me voyait pas beaucoup, la pauvre.” C’était avant la retraite de son mari à 50 ans, au début des années 80. Jacqui Teulières profite alors des avantages accordés par son ancienne maison pour suivre le TFC dans tous ses déplacemen­ts. En 1984, le directeur général, Francis Andreu, lui propose de fédérer le premier groupe de supporters du club. Le président des Violets n’hésite pas une seconde et recrute “des gars au bord des balustrade­s pendant les entraîneme­nts”,

puis donne un coup de main au colonel à la retraite qui officie comme intendant. “Quand il s’est arrêté, on m’a demandé de reprendre la suite. Ils ont embauché ma femme, moi je suis resté libre, sans salaire, bénévole quoi”, souligne celui qui, pour ses 80 ans, en 2013, a donné le coup d’envoi du match contre Troyes. À sa façon. “J’ai prévenu l’arbitre: ‘Je vais traverser le terrain pour marquer.’ Je suis parti avec le ballon et j’ai dribblé le gardien de Troyes. On a fait match nul ce jour-là. Dommage qu’ils n’aient pas validé mon but…”

Jacqui le sait, les footballeu­rs vont et viennent, les

entraîneur­s aussi. “On s’attache, mais on sait qu’ils s’en vont alors que le club, lui, reste.” Et lui aussi, même dans les pires moments. À l’été 2001, le TFC est au bord du dépôt de bilan, Jacqui n’en dort plus, en “tombe même malade”. Mais pas question d’abandonner son club: “Si on était repartis avec des amateurs, on aurait continué

à venir, avec ma femme.” Quand Olivier Sadran reprend un club criblé de dettes où tout a disparu –à commencer par les ballons, vendus par la direction précédente–, Jacqui est présent au tribunal administra­tif. Aujourd’hui encore, il garde une reconnaiss­ance éternelle à ce “Monsieur Olivier Sadran qui m’a permis de continuer à vivre ma passion”. Et les émotions qui vont avec, à défaut de trophées, entre la montée en ligue 2 en 2002 et cet improbable maintien quatorze ans plus tard, les deux fois à Angers. “J’étais des déplacemen­ts à Naples, à Moscou en coupe d’Europe, mais le maintien à Angers… C’était exceptionn­el! Moi, je suis là pour le club, quand j’embrasse l’écusson, je peux le faire, parce que je l’aime, ce club!” Il a juste accepté d’écouter le médecin de l’équipe qui lui conseillai­t de lever le pied. “J’ai arrêté les déplacemen­ts, ça devenait trop fatigant de revenir au milieu de la nuit.” Jacqui fera juste une exception si Pascal Dupraz emmène ses hommes en finale au Stade de France.

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Salle des trophées.

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