So Foot

Aimé Dagorn

Accompagna­teur, en couple avec l’En Avant Guingamp depuis 1980

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“Pour un gars comme vous, c’est l’histoire d’un quart

d’heure par jour.” Aimé Dagorn n’a jamais oublié ce 10 mars 1980, et pas seulement à cause du gâteau pour ses 34 ans. Ce jour-là, Noël Le Graët débarque dans son bureau de la sous-préfecture des Côtes-d’Armor avec une propositio­n: s’occuper en urgence du pôle administra­tif de l’En Avant Guingamp, dont il est déjà un président ambitieux. “Il s’était brouillé avec la personne en place, et mon dentiste, qui était le président de l’associatio­n de l’En Avant, avait dû lui parler de moi”, croit savoir le fonctionna­ire. Dagorn hésite dans un premier temps, lui, le fidèle supporter depuis la fameuse épopée en coupe de France de 1973. Il connaît seulement de réputation le jeune industriel. “À l’époque, on pouvait payer sa place pour les matchs à l’extérieur et voler dans l’avion des joueurs. C’était un déplacemen­t à Gueugnon et j’avais serré la main de Noël Le Graët pour la première fois. J’ai accepté sa propositio­n juste pour la fin de saison et parce que c’était mon club.” Trente-sept ans plus tard, il est l’ami et le confident du président de la FFF, qu’il continue à vouvoyer: “Ça ne me viendrait pas à l’idée de lui dire ‘tu’, mais ça ne

m’empêche de lui dire ce que je pense”, précise celui qui est très vite devenu –et toujours à titre bénévole– le “monsieur voyages” du club. Comme celui qu’il organise à Montréal à l’été 80, où le club est invité à participer à un tournoi face aux sélections du Québec, d’Haïti et du Maroc. Faute de passeport, Aimé retire son nom de la liste des voyageurs. Mais son président a réponse à tout. “Il m’a dit la veille du départ: ‘Vous travaillez à la sous-préfecture? Alors vous n’avez qu’à vous fabriquer un passeport.’ Et je me suis fait un

passeport.” Et il lui a été bien utile depuis, pour les périples européens de l’EAG. À la terrasse du Grand Café, où Nicolas Laspalles passe le saluer entre deux averses, le retraité de la fonction territoria­le raconte ce déplacemen­t à l’été 1996, dans la regrettée coupe Intertoto, du côté de Poti, en Géorgie. “Je suis parti avant, pour les repérages. J’ai atterri à Tbilissi à bord d’un avion soviétique tout rouillé et j’ai mis plus de huit heures à rejoindre Poti, au bord la mer Noire. Le pays sortait de la guerre civile et les routes étaient défoncées. J’ai demandé à l’interprète s’il n’y avait pas un aéroport plus près. Il m’a dit qu’il y en avait un qui servait encore un peu aux militaires. Quand on est allés le voir, il y avait surtout des vaches sur une ridicule bande de bitume. J’ai appelé l’entraîneur, Francis Smerecki, pour lui dire que ça s’annonçait très compliqué.” Quelques jours plus tard, les Guingampai­s débarquent avec un pilote russe (“juste pour l’atterrissa­ge”) et ramènent une victoire qui ouvre les portes de la coupe UEFA et d’un 32e de finale contre l’Inter Milan. À 71 ans, Aimé Dagorn n’a pas l’intention de se ranger, même s’il avoue que cela a pu provoquer quelques frictions avec sa femme.

J’aime trop “Tant ces que moments,je le pourrai,les repasje continuera­i.avec le parler staff, des les rencontres,blagues, les comme voyages.” celle Sans avec cet avocat grec, recruté comme interprète pour un déplacemen­t à Salonique: “Il s’est pris de passion pour le club. Il regarde tous les matchs et m’appelle après pour les commenter.” La constructi­on du Roudourou en 1990, le duo Malouda-Drogba, les entraîneme­nts du fantasque Raymond Keruzoré (“Il terminait toujours par une opposition Sud-Finistère contre NordFinist­ère et il mettait ses joueurs préférés avec le Sud”), les deux victoires en coupe de France contre Rennes, l’accompagna­teur a

tout connu à son échelle: “Je ne suis qu’un maillon dans une bande de copains, et tout

ce qu’on a vécu, on le doit à Noël.” Ce dernier l’appelle d’ailleurs pour savoir s’il est libre le lundi suivant pour déjeuner. “Je ne prends aucun rendez-vous dans l’après-midi. Avec lui, ça s’éternise toujours.” À force, Aimé a appris à se méfier des quarts d’heure de son ami.

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Attention Aimé, un train peut en cacher un autre.

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