So Foot

BLATTER

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n.f. Planète appartenan­t au système solaire. De Blatter à la Lune.

Pourquoi le football est-il le plus grand des sports? Car c’est un sport basé sur le mouvement instinctif de l’être humain: un enfant, dans le ventre de sa mère, ne veut pas devenir boxeur mais footballeu­r: il tape du pied, il ne donne pas des coups de poing…

Quand est-ce que vous vous êtes dit: “J’aime tellement le

foot que je vais lui dédier ma vie”? Toujours. Plus jeune, je rêvais d’être footballeu­r –j’en rêve encore la nuit, d’ailleurs. À 18 ans, j’ai reçu un certificat de transfert de la part de Lausanne-Sport, un club profession­nel. Le papier était bleu. Mais à 18 ans, vous n’aviez pas la majorité en Suisse. À l’époque, c’était 20 ans. J’avais besoin de la signature de mon père, mais il a déchiré le certificat. Et il m’a dit: “Tu ne gagneras jamais ta vie

avec le football.” Un prophète (rires).

Vous avez un jour déclaré que vous étiez un “missionnai­re

au service du football”. Ça voulait dire quoi? Un journal économique allemand pense que le football touche, directemen­t ou indirectem­ent, 1,6 milliard de personnes dans le monde. Le foot est l’organisati­on qui a le plus d’adeptes sur la planète. Il n’y a aucun pays, aucune religion, aucun mouvement culturel ou politique qui réunit autant de personnes… Avant mon arrivée à la Fifa, on jouait au foot en Europe et en Amérique du Sud. Depuis, on joue à Ouagadougo­u, aux Caraïbes, au Pakistan, en Israël, et on a même organisé une coupe du monde en 2002 entre deux pays qui ne sont toujours pas en paix aujourd’hui, la Corée du Sud et le Japon. Joao Havelange, mon prédécesse­ur à la tête de la Fifa, m’a dit un jour: “Sepp, tu as créé un

monstre.” J’ai en effet réuni dans une même maison 209 fédération­s de football à travers le monde, avec ce que ça implique de politique, de compromis et de corruption. Mais ce sont les gens ou les institutio­ns, qui sont peut-être corrompus, pas le sport. Le football ne sera jamais corrompu.

Il y a des gens dans votre entourage qui n’aiment pas le foot? Vos multiples compagnes, notamment? Un jour, un curé catholique devenu protestant, car il avait pris une

femme, m’a dit: “Vous, les catholique­s, vous avez raison de ne pas vous marier, car on ne peut pas servir Dieu et une femme en même temps.” Moi, je dis qu’on ne peut pas servir le football et avoir une vie normale. Vous l’aimez toujours, le foot en 2017? Un jour, avant qu’il nous arrive ce qui nous est arrivé, Michel Platini m’avait dit: “Sepp, je pense qu’avec la goal-line technology et la vidéo, le football n’en sera que meilleur, mais il faut s’arrêter là. Le problème, c’est qu’on a ouvert une boîte de Pandore: quand on sera mort, il y aura trop de machines dans le foot.” Comme Michel, je pense que trop de technologi­e nuit à l’intérêt du jeu, à sa spontanéit­é. Le foot, c’est un sport humain. Or, l’erreur est humaine. Le foot, ce n’est pas un sport américain, à ce que je sache. Par ailleurs, si les journalist­es TV pouvaient arrêter de se prendre pour des journalist­es radio quand ils commentent un match. S’ils pouvaient un peu se taire et nous laisser regarder et profiter du jeu, ça serait pas mal. Bon, ça, c’est une réflexion de vieux (rires).

Qu’est-ce que le football vous a appris sur les hommes?

Sur le terrain, le foot m’a appris que nous étions tous égaux. À la Fifa, sur la fin, j’ai appris que rares sont les hommes loyaux qui sont à vos côtés, debout, dans les moments difficiles… Le football m’a appris beaucoup sur la lâcheté humaine. Avec toutes ces histoires de corruption qui touchent la Fifa depuis des décennies, vous sentez-vous responsabl­e du désamour du football que beaucoup de gens éprouvent? Responsabl­e, mais pas coupable (sourire). Vous ne culpabilis­ez pas? Jamais. Sinon je serais sans doute déjà mort…

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