CAPPA
Inventeur de Javier Pastore
adj. Qui a le pouvoir de faire quelque chose. Cappa de tout, du pire.
Depuis quand aimez-vous le football? J’aime le football parce que je suis né dans un quartier argentin, à Villa Mitre. Cela veut dire naître
dans le football: dans mon quartier, on allait au stade à trois ans, on commençait à jouer à huit ans, c’était toute notre vie. Plus qu’un jeu, le football était ce qui nous définissait, c’était notre identité. Le football était à nous. Cela nous rendait fiers, et la fierté est la chose qui compte le plus au monde pour nous, les gens pauvres. Le football m’a aussi fait découvrir la beauté. Nous n’avions pas la possibilité d’aller au théâtre, d’écouter de la bonne musique, mais nous accédions à la beauté par le football. C’est pour cela que j’aime le football. Plus qu’un choix, cela fait partie de ma vie. C’est la même chose que si tu me demandes pourquoi j’aime ma tête, mes bras ou mes jambes. Cela fait partie de moi, voilà tout.
Dans votre quartier, il n’y avait pas le moindre
gamin qui n’aimait pas le foot? Il y avait un mec qui ne jouait pas. Il ne venait jamais sur le terrain vague. Pour nous, c’était un type bizarre, comme s’il avait trois oreilles. Dire “Moi, le
foot, ça ne m’intéresse pas”, c’était quelque chose d’impossible. Rien ne te donnait plus de prestige que de t’y connaître en foot. Avec un ami à moi, il y a quelques années, on se posait une grande question. Imagine que tu doives naître une seconde fois. Et dans le ciel, avant de te jeter dans la vie, on te demande: “Tu veux être qui, Borges ou Maradona?” Diego, sans aucun doute!
Vous n’avez jamais perdu votre passion pour
le football au fil de votre carrière? Jamais. J’ai cessé d’entraîner il y a quatre ans après avoir accepté le fait d’être trop vieux pour ce genre de choses. Mais la passion n’a pas disparu parce que je suis amoureux du jeu en lui-même plus que de tout le reste. Si tu es un passionné de cinéma, les mauvais films t’ennuient, mais pas le cinéma. Pour moi, c’est pareil: les mauvaises équipes m’ennuient, mais pas le football. Ce qui est vraiment dur, c’est de ne plus pouvoir jouer avec mes amis. J’ai dû arrêter parce que j’ai deux vertèbres écrasées et qu’on menaçait de m’opérer de la colonne. J’avais 53 ou 54 ans. Le ballon me manque.
Vous pensez que les joueurs d’aujourd’hui aiment
moins le foot que ceux de votre génération? Il n’y a pas très longtemps, Riquelme et Marcelo “Chelo” Delgado sont venus me voir à Madrid. On est allés déjeuner au restaurant. Ils nous ont jetés dehors à 19 h 30. On avait passé l’aprèsmidi à parler de football. Mais Riquelme disait que dans les dernières années de sa carrière, pendant les mises au vert, il était le seul joueur à regarder des matchs. Les autres jouaient à la PlayStation. Je crois que la majorité des joueurs actuels ne comprennent pas le jeu. Ils ne savent pas jouer au football. Au fil des années, on a mis l’accent sur l’effort physique, et le joueur sait que s’il répond à cette exigence sociale de mouiller le maillot, il est sauvé. Personne ne va exiger de lui d’être précis ou de respecter le ballon. Alors les joueurs respectent les consignes de l’entraîneur, la tactique, l’ordre… Ils respectent l’exigence de l’effort. Mais ils abandonnent l’éthique du jeu. Ils sont devenus des professionnels. Qui ne savent déjà plus s’ils jouent pour la gloire, pour l’argent ou parce qu’ils aiment ça. Moi, j’ai toujours dit la même chose: je préfère faire l’amour avec une fille du quartier, aussi moche soit-elle, plutôt qu’avec une professionnelle qui pousse des gémissements et dont tu sais que c’est simulé. En foot, c’est la même chose. Quand j’entends dire d’un footballeur que c’est “un grand
professionnel”, ça me rend triste. J’aimerais qu’on dise que c’est “un grand amateur”, qui joue comme on jouait dans mon quartier. Là où tu n’as pas le droit de manquer une passe simple, de balancer un ballon en touche ou de faire un centre n’importe où. Si tu faisais ça, on t’envoyait aux cages. Chaque fois que je vois un latéral qui monte et qui centre n’importe comment, même aujourd’hui, ça me rend malade. Tu cours quarante mètres pour balancer le ballon les yeux fermés? C’est inadmissible. Xavi, quand il était à Barcelone, a dit une phrase éternelle: “Ça me fait plus mal de louper une passe qu’un but.” Ça, c’est merveilleux.– PB