So Foot

ROUX

- – TP

adj. D’une couleur entre l’orangé et le rouge.

Porte-bonnets

Pourquoi aimez-vous le football? Le monde entier aime le football parce que c’est un jeu insolite. Depuis que l’homo sapiens s’est mis sur ses pattes arrières, ses pieds –qui à l’origine étaient des mains– ont perdu de leur utilité, jusqu’à ne plus servir à rien à part marcher, attraper un bus ou courir, pour ceux qui courent. L’humain a donc eu la volonté de voir s’il était encore capable de s’en servir. C’est pour ça que l’art se joue avec les pieds. Ensuite, la boule, la balle, c’est l’image de la terre, de la lune, du soleil, mais aussi la forme du premier habitat de l’être humain, le ventre de la mère.

Pourquoi ne se lasse-t-on pas de ce sport? C’est grâce à ce groupe de petits Anglais qui, en un après-midi, ont inventé douze des dix-sept lois qui régissent encore le football aujourd’hui. La codificati­on du jeu, le cadre strict dans lequel il se joue, le choix de ne plus avoir le droit d’utiliser les mains, tout ça est un apport phénoménal. C’est aussi lié au fait que l’on peut jouer des morceaux de football, sur des terrains de formats différents et libres, dans une cour d’école ou dans la rue. Moi, je jouais dans les rues de Colmar. Nous faisions les buts avec des sacs posés sur le sol ou nous les dessinions à la craie sur les murs du temple. Du temple! J’ai un petit-fils et je peux vous le dire: un gamin de 12 ans aujourd’hui aime toujours autant ça que moi à l’époque, malgré les Pokémon Go ou les Star Wars. Bien sûr, d’autres sports se sont développés et les voitures se sont emparées des espaces libres dans les villes, mais les clubs ont contourné ça en accueillan­t les enfants à partir de 6 ans. À mon époque, jusqu’à 13 ans, nous n’avions que le football sauvage.

L’argent, les dérives du football moderne, ça ne vous a jamais dégoûté? Ce n’est pas ça qui va empêcher les joueurs de bien jouer. Et puis le football profession­nel, ce n’est qu’une infime partie du football, ce sont deux mille joueurs sur deux millions de licenciés en France. Et les autres, alors? Quand j’ouvre L’Yonne républicai­ne, il y a des pages entières de résultats de matchs.

Donc il n’y a jamais eu un seul moment où votre amour pour le foot a flanché? Quand j’étais entraîneur, que j’y passais quarante-neuf semaines par an, sept jours sur sept, quinze heures par jour, je dépassais la dose du plaisir. Maintenant, c’est quand je veux. Et je regarde en général sept matchs par semaine. Bien sûr, quand c’est un mauvais match, je souffre. Le football est le seul sport où l’on peut faire 0-0, mais c’est justement ça qui fait sa valeur. Ce qui est rare est recherché. Il y a des milliards de cailloux dans les rivières. Avec certains, on fait des routes. Mais les plus rares valent très cher. Au basket, s’il y a 31-31 et que vous avez soif, vous allez chercher à boire. Quand vous revenez il y a 42-41, mais ce n’est pas très grave. Au football, si vous détournez le regard et que vous loupez un but, c’est terrible.

Quel souvenir illustre le mieux votre amour du football? Mes trois semaines passées à Guadalajar­a, lors de la coupe du monde 1970. J’assistais tous les jours à l’entraîneme­nt du Brésil, et je n’ai jamais autant approché l’art. C’est comme si je m’étais retrouvé sous la coupole où se réunissaie­nt tous les peintres impression­nistes.

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20 ans de récupérati­on de ballons.

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