DESPENTES
n.f. Surface inclinée. Dévaler despentes.
Écrivaine punk
Pourquoi aimes-tu le foot?
J’aime le foot parce que depuis la coupe du monde 1986, j’ai eu la chance de regarder des matchs avec des gens capables de me montrer ce qu’il a de magique. Par exemple, si tu me montres ce qu’une équipe comme Barcelone dessine dans l’espace, je vois. Mais si tu me laisses toute seule devant un match, je le regarde, je comprends un peu ce qui se passe, mais au bout de cinq minutes, je zappe. La vérité, c’est que ça m’intéresse pour des raisons tout à fait extra-footballistiques. Je peux me passionner pour Pogba ou Neymar sur toute une saison, pas de problème. Mais sans aide extérieure, à la fin d’un tournoi comme l’Euro, je n’ai pas grand-chose à dire. Je connais plein de gens qui voudraient ne plus aimer le foot, justement parce qu’il est pourri par le fric, le star-system, mais qui ne peuvent pas décrocher. Ils lisent la presse sportive, ils suivent les classements, ils regardent les matchs. Et quand le match commence, quel que soit leur désir d’arrêter d’aimer ça, ça devient contagieux. Et alors oui, l’émotion dans le bar ou dans le salon d’où tu suis la partie est comparable à celle que dégage un concert. Il reste une magie, c’est indéniable. Qu’elle soit pervertie n’empêche pas qu’elle opère. C’est comme la pornographie au final, même si t’as pas envie que ça marche sur toi, parce que tu déplores les conditions de production, il est possible que ça te fasse de l’effet, parce que c’est un outil super puissant… Existe-t-il encore une dimension subversive qui t’attire dans le foot?
Subversif? Ça doit être possible d’y trouver quelque chose de subversif en usant d’une dialectique bien tordue… Mais… Disons que le foot qui pourrait m’intéresser demain, c’est le foot féminin. Les équipes féminines, je n’irais pas jusqu’à dire qu’elles sont subversives en soit, mais elles gardent quelque chose d’il y a une trentaine d’années. Les joueuses ne sont pas sélectionnées uniquement sur leurs capacités physiques mais plutôt sur leur intelligence du jeu, leur vision dans l’espace ou leur sens du collectif. Et puis, une fille qui commence à jouer à huit ans, même si elle est super douée, elle joue parce qu’elle aime le jeu –elle sait qu’elle n’en tirera jamais ni argent ni gloire. Tout le monde s’en fout de son foot, et c’est ce qui le rend intéressant.
Quel est le genre d’équipe qui te ferait encore rêver?
J’aimerais bien te dire qu’en bas de chez moi, il y a des gosses qui jouent dans une impasse et que je les trouve géniaux, et que ça c’est une équipe qui me fait rêver –et j’ai l’impression que dans les années 80, les villes de province étaient remplies de ces gosses qui jouaient sans arrêt, sans adulte, sans enjeux–, mais je ne vois plus jamais de gosses jouer dans la rue. Alors du coup, parfois, je me demande à quoi ça sert tout ça? Bon, ça rassemble des gens qui ne partagent rien d’autre. Si tu fais l’analyse sociologique d’un stade, ça doit être l’endroit le plus mixte socialement qu’on puisse imaginer… Et sinon, ça fait toujours plaisir de voir de grosses sommes d’argent atterrir dans les poches d’individus qui ne sont pas nés riches. Ça change… Ou quand tu vois le bordel que sème un mec comme Benzema, c’est cool. D’habitude, ce sont toujours les riches qui font chier à faire des trucs chelous. Tu aurais envie d’écrire un jour sur le ballon rond?
Tu sais, je suis capable de tout. Écrire un livre théorique intéressant comme l’a fait –super bien– Olivier Guez, ça ne risque pas de m’arriver, je n’ai pas les connaissances requises. Écrire un livre sur la récupération politique du foot comme l’a fait –super bien, à mon sens– Owen Jones avec Chavs: The Demonization of the
Working Class, non plus, parce que là aussi je manque de culture footballistique. Donc sur le ballon rond, non, mais sur des joueurs, oui. Je dévore tout ce qui sort sur Maradona, par exemple –il me fascine. Ou, par exemple, demain je peux demander à Cantona s’il ne veut pas faire un livre avec moi sur son parcours de joueur, oui. Je suis capable de m’intéresser à ça.