So Foot

“Je suis passionné d’astrophysi­que”

Latéral gauche de l’Atlético de Madrid, Filipe Luis ne se contente pas d’être un disciple radical du cholismo. La science, la politique et les activités qu’il pratique lors de son temps libre sont des sujets que le Brésilien aborde avec la maîtrise du tac

- Par Inako Diaz-Guerra pour El Mundo – ESPAGNE

Il est une heure de l’après-midi et vous venez de terminer votre journée de travail. Que fait un footballeu­r profession­nel avec autant de temps libre?

Rien de fou. Une sieste, parce que je n’ai plus 20 ans, et récupérer les enfants à l’école. Je joue avec eux jusqu’à ce qu’ils se couchent à neuf heures du soir, et ensuite il me reste deux ou trois heures pour regarder un film ou une série. Parfois je quitte ce quotidien et sors dîner le soir, mais ce n’est pas la vie de rockstar…

Vous êtes une exception ou c’est la règle pour tous les joueurs?

C’est l’habitude à avoir si tu souhaites rester en haut de l’affiche à mon âge. Avant, tu peux te permettre plus de fêtes, mais aujourd’hui, tout est routinier. Il faut vivre et respirer football.

Et ça ne vous ennuie pas? Toute cette popularité et cet argent pour vivre à préparer des matchs…

J’ai lu la biographie d’Agassi, qui n’aimait pas le tennis, et je le comprends, parce que je sais combien il est difficile de pratiquer un sport aussi individuel. Mais le football est différent. J’aime venir m’entraîner, être sur le terrain avec tout le monde. J’ai beaucoup de chance parce que, d’une certaine manière, je travaille peu. Il y a beaucoup de pression, mais peu d’heures, et elles sont bien payées. Quand je regarde autour de moi, je vois les vies des gens. Donc le minimum, c’est de prendre mon travail au sérieux. Je ne changerais de profession pour rien au monde.

Les footballeu­rs vivent-ils dans une bulle?

Sans aucun doute. 80 % d’entre nous sont dans une bulle. Surtout les jeunes, qui souhaitent imiter leurs idoles. Ils croient que s’ils possèdent un baise-en-ville de marque sous le bras, des chaussures à 400 euros et huit tatouages, ils sont déjà des stars et que juste pour cela, les gens doivent les respecter. Ils oublient le monde réel. C’est la bulle classique du footballeu­r: arriver tout en haut et t’acheter une voiture de luxe avec ton premier salaire.

Qu’avez-vous fait avec votre premier salaire?

J’ai acheté une voiture (rires)! Elle coûtait plus cher que ce que je touchais et mon père a dû m’aider à la payer. Quand tu grandis, tu te rends à peine compte que tu peux être Maradona que tout s’arrête. Mais il faut être clair: nous commettons presque tous les mêmes erreurs. Moi aussi, j’ai connu mes périodes de sortie, où je buvais bien plus que ce que je devais boire. Heureuseme­nt, mon père m’a remis dans le droit chemin. Et Lotina, au Depor. Il m’expliquait, m’écoutait, il m’a envoyé voir un psychologu­e… De cette manière, j’ai compris que si je ne devenais pas plus mature, j’allais être un joueur quelconque. Et je voulais être plus que cela. Sans le football, vous auriez pu être scientifiq­ue…

Je ne sais pas si je suis aussi doué que cela. Je sais simplement résoudre le Rubik’s Cube parce qu’une personne plus maligne que moi l’a fait avant et m’a expliqué la technique (rires). Je suis fasciné par la science, c’est ma grande passion avec le football et le cinéma. Je suis passionné d’astrophysi­que, j’aime apprendre comment les meilleurs cerveaux sont capables de répondre à toutes les questions, et que pour chaque question résolue, découvrir que dix nouvelles questions apparaisse­nt. J’ai besoin de comprendre, malgré le fait que nous ne saurons jamais tout. Je trouve assez opaque que nous ne soyons qu’une exception dans l’univers. C’est trop terre à terre. Et puis j’aime bien mélanger la science et la religion. Je suis croyant, et j’aime rechercher l’explicatio­n scientifiq­ue pour la religion et l’explicatio­n religieuse pour la science.

Tu trouves des coéquipier­s avec qui tu peux parler de cela dans le vestiaire?

Pas beaucoup, pour être franc. Avec les physiothér­apeutes, c’est un thème dont je parle assez.

Paris a payé 222 millions pour Neymar… Le football est-il devenu fou?

Neymar vaut cet argent. C’est son prix. C’est le troisième, voire le deuxième meilleur joueur du monde. Il vient de fracasser le marché et cela devrait lui rajouter une pression énorme, mais il ne sent rien de tout cela. Je sais que cette quantité d’argent paraît folle, mais c’est une bonne chose que de tels montants soient payés pour des joueurs, car cela démontre qu’un footballeu­r peut générer autant d’argent. Le football cache bien plus d’argent que les gens le croient.

Mais le phénomène des clubs-États pourrait bien changer la donne…

Il y a toujours des équipes plus riches que les autres, ce n’est pas nouveau.

“Les jeunes footballeu­rs croient que s’ils possèdent un baise-enville de marque sous le bras, des chaussures à 400 euros et huit tatouages, ils sont déjà des stars”

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“Sais-tu danser la carioca?”
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