So Foot

Més que un dilemme.

Tous les socios du Barça raisons ne sont pas que la raison catalans ou indépendan­tistes. ne connaît pas, les supporters Péninsule Et bien que le coeur ait ses blaugranas doivent aujourd’hui disséminés Reportage choisir entre leur amour dans le reste kafka

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Dans quel état d’esprit sont les socios espagnols du Barça, qui ne sont ni catalans ni indépendan­tistes? Un peu paumés, forcément…

La Aldea de San Nicolas se trouve à soixante kilomètres des plages de sable noir de Las Palmas, le chef-lieu de l’île de Gran Canaria. Coupé du monde lorsqu’il pleut, ce village montagneux de 8000 habitants échappe au tourisme de masse et abrite la peña BarçAldea, la seconde plus grosse associatio­n de supporters blaugranas des Canaries, avec une centaine de membres. C’est en 1997 que Roberto Rodriguez décide d’aménager son garage pour réunir les Culés du coin. Le fondateur accueille en short, claquettes et maillot du Barça floqué du nom du 10 de Messi. Avant de se poser pour suivre Barça-Malaga à la télévision, Rodriguez fait la visite de son musée personnel. Sa fierté. Il faut dire qu’il détient la plus grande collection de porte-clés du Barça au monde. Un certificat accroché au mur est d’ailleurs là pour authentifi­er son record et attester de la passion qu’il porte à son club. Jusqu’à aujourd’hui

en tout cas: “Que le Barça prenne parti pour l’indépendan­ce alors qu’il a des supporters dans toute l’Espagne, ça me gêne parce que je suis socio du club, pas sécessionn­iste.”

L’Atlético Madrid, solution de repli

Roberto a beau sourire quand sa femme Cerenella déclare qu’en cas d’indépendan­ce, ils pourront enfin assister aux baptêmes auxquels ils sont invités le week-end, le boulanger à la retraite ne blague pas avec le foot. “Pendant trois ans, mon fils est sorti avec une Madrilène, lance-t-il. Il n’a pas eu le choix: soit il la quittait, soit je le déshéritai­s. Il l’a plaquée.” Conscient que les histoires d’amour se terminent toujours mal, Roberto a déjà réfléchi à une porte de sortie: “Je supportera­i l’Atlético Madrid, pour continuer à être anti-madridiste. J’aime le Barça depuis cinquante ans, mais s’il joue dans un autre championna­t que la Liga,

ce sera terminé.” Victor, le vice-président de la peña, est sur la même longueur

d’onde que son n+1. “Depuis le début du processus indépendan­tiste, vingt membres nous ont quittés. Ils ne reviendron­t jamais, ils sont trop dégoûtés par le virage politique pris par le club.” “Le football devrait unir les gens, pas les diviser comme le fait le club”, philosophe Rodriguez, qui sait ce que c’est de se faire discrimine­r par d’autres socios. “Une fois, je suis allé au stade avec un drapeau du Barça et un autre de l’Espagne. Là, un Boixos Nois (ancien kop ultra du Barça, ndlr) s’est approché de moi pour me dire ‘range ta merde’. Je l’ai invité à retourner voir sa pute de mère. Il n’a pas bronché, cet idiot.”

Des larmes et un petit remontant

Si les membres de la BarçAldea ne cachent pas leur désarroi, ils en veulent surtout à Josep Maria Bartomeu, coupable selon eux d’être la marionnett­e des indépendan­tistes. “S’il n’est pas plus idiot, c’est parce qu’il ne s’entraîne pas à l’être plus, clashe

Rodriguez. S’il est président, c’est parce qu’il avait promis aux socios des autres régions d’Espagne qu’il en finirait avec la politique sectaire. On s’est fait avoir.” Et ils ne sont pas les seuls.

“Un ami a offert à son fils un billet pour aller voir le BarçaLas Palmas. C’était la première fois qu’il prenait l’avion, explique Victor. Ce jour-là, le Barça a décidé de jouer à huis clos pour cause de référendum. Le pauvre gamin a pleuré pendant trois jours, et aujourd’hui, il déteste le Barça. C’est une situation qui illustre à la perfection le désamour que certains peuvent ressentir pour le club.” Roberto en propose une autre, d’image. Le président de la peña souffle, ferme les yeux, puis s’enfile, cul sec, un verre de rhum. Rien de mieux qu’une

remontada en ces temps de gueule de bois. & PAR AQUILES FURLONE, AUX ILES CANARIES / PHOTO: AF

“Depuis le début du processus indépendan­tiste, vingt membres nous ont quittés. Ils ne reviendron­t jamais”

Victor, vice-président d’une peña Barça des îles Canaries

“Il est difficile de comprendre l’essence du Barça sans toute la politique qu’il y a autour, mais l’histoire de ce club ne s’écrirait pas sans celle du Real Madrid” Hristo Stoitchkov, lucide

on a perdu la guerre contre les franquiste­s. Le fait d’avoir perdu ces deux guerres-là nous a refroidis. À partir de là, les Catalans ont manqué de confiance en eux-mêmes. Depuis, on a reçu une intoxicati­on systématiq­ue d’une Espagne plurinatio­nale. Mais cette Espagne-là est une farce, elle n’existe pas!” Une chose est sûre, l’Espagne de Santiago Bernabeu a bel et bien existé. Avant de devenir le mythique président du Real et de donner son nom au stade, le Madrilène s’engage du côté des franquiste­s sous les ordres du général Munoz Grandes, un tendre qui fut, entre autres, décoré par Hitler en personne après avoir combattu sur le front de l’est. En 1939, il est surtout celui qui fait tomber la Catalogne dans le giron franquiste: “En avançant, on voyait les vieux Catalans s’assommer à la fenêtre en pleurant de rage”,

déclare Bernabeu, alors en première ligne. Si de l’eau a coulé sous les ponts, Laporta reste persuadé que le rapport de force avec Madrid reste inchangé: “L’État espagnol est très habile pour endormir tout ceux qui voudraient se rebeller. Longtemps, les politicien­s catalans qui allaient à Madrid étaient atteints par le syndrome de Stockholm. Ils se faisaient taper dans le dos en

écoutant des trucs comme ‘putain on ne dirait pas que t’es catalan tellement t’es sympa!’” Une époque révolue, puisque après des années de frustratio­n, les indépendan­tistes catalans ont profité de la crise économique touchant l’Espagne pour se rebiffer. Mais un autre facteur explique ce regain d’émancipati­on: les clasicos opposants les équipes dirigées par Mourinho et Guardiola. Dans un pays où 70 % de la population s’identifie au Barça ou au Real Madrid, ces guerres de tranchées remettent au goût du jour un tribalisme où le football et la politique vont de pair.

“Sans le Barça, le football espagnol ne se comprendra­it pas”

Depuis le 1-O, le Barça attend de savoir s’il devra refaire sa vie loin du Real et de la Liga. Mais où joueraient les Blaugranas si la Catalogne devenait un État indépendan­t? Victor Munoz, idole du club dans les années 80, préfère ne pas y penser. “Sans

le Barça, le football espagnol ne se comprendra­it pas”, jure-t-il. Même son de cloche chez Hristo Stoitchkov, qui malgré son soutien aux indépendan­tistes, ne s’imagine pas une vie sans clasico. “Il est difficile de comprendre l’essence du Barça sans toute la politique qu’il y a autour, mais l’histoire de ce club ne s’écrirait pas sans celle du Real Madrid, explique le Bulgare. Si j’avais écrasé le pied d’un arbitre comme je l’ai fait lors d’un Zidane contre Oleguer. Barça-Celta au lieu de le faire contre l’ennemi éternel, je n’aurais pas été autant aimé par les Catalans.” Ce storytelli­ng qui fait le sel de la Liga, Javier Tebas semble prêt à s’en passer. Il faut dire que le président de la LFP, la ligue

espagnole, automatiqu­ement qui a déjà exclu annoncé en cas que d’indépendan­ce, le club serait n’est bon de pas rappeler du genre son à passé, arrondir assumé, les angles. à Fuerza “Il serait Nueva, droite, lance un mouvement Xavier Luque. franquiste Le Barça d’extrême- cherchera évidemment face, ils n’ont une pas solution l’air très de ouverts bon sens. au dialogue.” Mais en En guise s’en réfèrent de solution systématiq­uement de repli, les indépendan­tistes à l’exemple de Monaco en ligue 1, ou d’Andorre, dont la fédé est rattachée à la Liga. “Sauf que ces équipes ont été intégrées parce qu’il n’y avait pas de championna­t chez eux. La Catalogne a suffisamme­nt d’équipes pour en faire un. Le Barça semble ne pas mesurer qu’il court à sa propre perte”, rétorque Xabier Anoveros Trias de Bes, qui précise toutefois ne pas être inquiet pour ses Pericos: “On enverra les chars avant qu’ils déclarent l’indépendan­ce.”

Plus mesuré, Paco Sierra s’interroge sur la possibilit­é de cette ligue catalane. “Voir Messi jouer tous les weekends contre L’Hospitalet ou Granollers, c’est improbable. La Catalogne fait déjà face à une fugue massive d’entreprise­s. L’indépendan­ce, économique­ment, ce serait la mort du club. Et puis que deviendrai­t son effectif?”

Alfonso Pérez, l’ancien attaquant du Real, du Barça et de l’OM, a un début de réponse: “Ils feront tout pour s’en aller le plus vite possible.” Champion olympique à Barcelone avec la Roja, le natif de Getafe fait partie des rares joueurs ou anciens joueurs à accepter de s’exprimer sur le sujet. Dans un style toujours

aussi offensif. “Les JO de Barcelone avaient été un grand reflet de l’Espagne démocratiq­ue envoyé au monde entier. Là, c’est tout le contraire. C’est le fruit de la haine contre l’Espagne qui a été semé jusque dans les collèges par certains responsabl­es politiques catalans, et véhiculé à l’extérieur par les dirigeants du Barça. Le résultat final sera la ruine de la Catalogne, et par conséquent du club.”

“S’ils veulent se tirer une balle dans le pied ”

Un scénario catastroph­e de ce type est-il sérieuseme­nt envisageab­le pour un club de la dimension du Barça? “S’ils veulent se tirer une balle dans le

pied, qu’ils nous virent”, ricane Frédéric Porta. Montrer les muscles, c’est aussi la réponse choisie et diffusée par le club, dans un long communiqué envoyé en anglais à la presse internatio­nale. “Le Barça est l’une des institutio­ns sportives qui possède la plus grande valeur économique au monde, selon un classement du magazine Forbes.

“Le Barça semble ne pas mesurer qu’il court à sa propre perte”

Xabier Anoveros Trias de Bes, dirigeant de l’Espanyol Barcelone

Ce qui signifie que n’importe quelle ligue, y compris la Liga, voudrait nous avoir dans son championna­t.” Un message à michemin entre la menace et l’appel du pied. Plus loin, le club précise “qu’en termes d’audience globale, il est celui qui apporte le plus à la Liga, avec presque 30 % du total de la LFP.” Problème: ce genre de réaction ne satisfait pas non plus les supporters adeptes de l’indépendan­ce, davantage préoccupés par l’identité de leur club que par sa dimension économique et son avenir en Liga, en ligue 1, en PL ou ailleurs. Faute de clarté du clan Bartomeu, cette éternelle et sempiterne­lle schizophré­nie se creuse, si l’on en croit le réalisateu­r Jordi Marcos, auteur

d’un documentai­re sur Johan Cruyff. “Ce match contre Las Palmas, n’importe qui aurait refusé de le jouer. On ne peut pas vendre une image de défense du catalanism­e, et derrière ne pas l’appliquer. C’est pareil sur le plan sportif. Ils parlent sans cesse de cruyffisme, de la Masia, mais la vérité c’est que depuis qu’ils sont là, la pépinière du Barca est un désastre.” L’âge d’or du onze 100 % Masia de Guardiola semble révolu. Pour se maintenir au niveau de ses concurrent­s du classement Forbes, et en premier lieu de son rival madrilène double champion d’Europe en titre, le Barça n’a d’autre choix que de se plier aux règles du marché. Un marché qui n’a que faire des nationalis­mes. “La force du Barça, à la différence du PSG, c’est qu’il appartient aux socios, souligne Carles Vinas. Or, pour beaucoup d’entre eux, c’est la dignité, et non la compétitiv­ité, qui prime. Pour ces gens-là, mettre 150 millions d’euros sur Dembélé qui a à peine deux saisons en pro, c’est excessif.” Mais pour les millions d’autres supporters à travers le monde? La journée se termine à Barcelone, et Sergi Blazquez quitte les locaux de son associatio­n du Pasaje Permanyer. “Depuis ce 1-O, on ne sait pas ce qu’il se passera le lendemain, dit-il, l’air pensif. En fait, je crois que si on obtient notre indépendan­ce, le Barça perdra une bonne partie de sa dimension symbolique. Tout simplement parce qu’il n’aura plus à être notre ambassadeu­r, ni notre sélection officieuse.” Loin de Catalogne, certains investisse­urs n’attendent sans doute que • ça. TOUS PROPOS RECUEILLIS PAR LR ET AQUILES FURLONE, SAUF CEUX DE LAPORTA, VARGAS LLOSA ET STOITCHKOV PAR JPS ET CEUX DE MUNOZ ET PEREZ PAR AQUILES

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En vacances à Pise.
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