So Foot

La question qui démange.

- PROPOS RECUEILLIS PAR MATTHIEU ROSTAC / PHOTO: PANORAMIC

Peut-on hacker la goal-line technology? Ce que vous allez lire va vous surprendre, comme disent les internets.

“Pirater la goal-line technology est-il le moyen le plus sûr et le moins coûteux pour influer sur le cours d’un match?” Valentin Squirelo, du collectif de bidouilleu­rs Hackerloop

En février dernier, lors de la rencontre Bordeaux-Rennes, le portier girondin Cédric Carrasso capte facilement un ballon. L’un de ses pieds, en revanche, franchit la ligne de but. La goal-line technology envoie alors une vibration sur la montre connectée de l’homme en noir, annonçant qu’il y a but. Un bug. “Mon système plantait assez souvent sur Carrasso”, expose Suzana Castaigned­e, opératrice pendant deux saisons chez GoalContro­l, la société qui s’occupe de la goal-line technology en ligue 1. Le gardien français a

un goût immodéré pour le jaune fluo. “Ça réfléchit le ballon et on a des ‘pseudos’ qui se

créent”, reprend-elle. Traduction: le maillot flashy de Carrasso a dédoublé le ballon du match. Même chose pour les gants de Rémy Vercoutre lors de la rencontre RennesCaen comptant pour la 8e journée de ligue 1

cette saison. “En vérité, on avait au moins un bug par journée de championna­t, mais

ça n’était pas toujours critique, enfonce

l’ancienne opératrice. Un gardien qui boit une bouteille d’eau parce que l’action se passe de l’autre côté du terrain, s’il la jette

ensuite dans le but, ça peut faire vibrer la montre.” Bien loin, donc, de la perfection avancée par GoalContro­l à l’ouverture du mondial

2014. “La meilleure façon de rendre un système infaillibl­e, c’est de le tester dans tous les cas de figure, et malheureus­ement, ça n’est

pas possible”, explique Valentin Squirelo, fondateur du collectif de bidouilleu­rs Hackerloop. Les quatorze caméras reliées en filaire à un camion isolé dans lequel se trouve l’opérateur pour chaque match, ainsi que le système radio qui envoie des ondes pour faire vibrer la montre des arbitres “sont deux faiblesses”, d’après Squirelo.

“Il y a peu, la NSA (National Security Agency, les services de renseignem­ents américains, ndlr) était venue se plugger sur un câble internet sous-marin en le brochant, ça lui permettait d’écouter tout ce qui passait. Pour les ondes radio, si on était capables d’avoir accès à comment elles sont envoyées à l’arbitre, on pourrait potentiell­ement les écouter et les rejouer. On pourrait aussi faire en sorte d’isoler le camion. Qu’est-ce qui se passe si on coupe le branchemen­t filaire ou si on place un bloqueur, qui émet sur la même fréquence radio avec une intensité assez forte pour noyer le signal, à côté de leur camion?” Il est donc techniquem­ent possible de hacker la goalline technology, à condition d’avoir été bon en cours de technologi­e et d’y mettre du sien. “Tout est hackable par définition, rappelle le

fondateur de Hackerloop. Après, est-ce que pirater la goal-line technology est le moyen le plus sûr et le moins coûteux pour influer sur le cours d’un match? Je n’en suis pas si sûr. Si je devais hacker quelque chose, ça serait l’humain.” En effet, malgré la technologi­e déployée, l’homme a toujours le dernier mot par rapport à la machine. Sur le bug de Cédric Carrasso, M. Desiage avait bien vu qu’il n’y avait pas action litigieuse. Mais quid d’une action difficile, voire impossible à analyser? “Il est possible que l’opérateur fasse vibrer les montres alors qu’il n’y a pas but, confesse Suzana Castaigned­e. On a accès à sept caméras par but et tout le contenu n’est pas en HD. On a des bons angles de vue, mais à l’oeil humain, ce n’est pas super. Sur l’applicatio­n 3D, on a une ligne rose de référence qui est pour nous la ligne de but. Selon les règles de la LFP, on n’a pas le droit de bouger le système 90 minutes avant le coup d’envoi. Sauf qu’en réalité, on le fait tout le temps.” Autant de failles à exploiter pour le business des paris illégaux et des matchs arrangés. “Il est plus simple d’acheter un opérateur, parce qu’on est payés au lance-pierre et que n’importe qui peut être opérateur, conclut Suzana Castaigned­e. J’ai trouvé l’annonce à Pôle emploi, et les deux questions qu’on m’a posées, c’était de savoir si je n’étais pas dérangée par les déplacemen­ts et si je savais jouer à Fifa…” tTOUS

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