Infiltré.
L’OL s’est lancé à la conquête de la Chine en créant notamment une équipe eSport inscrite dans le championnat professionnel local de Fifa. On est allés à leur rencontre.
Depuis que des Chinois sont entrés au capital de l’Olympique Lyonnais, le club de Jean-Michel Aulas s’est lancé à la conquête de l’empire du Milieu en créant notamment une équipe eSport inscrite dans le championnat professionnel local de Fifa. On était à l’ouverture de la saison. Mauro Icardi n’en finit plus de planter. Sur un ballon en profondeur glissé par Nabil Fekir, l’attaquant contrôle, pivote, et marque à l’aide du poteau. L’Argentin célèbre l’ouverture du score avec Cristiano Ronaldo. L’Olympique Lyonnais tient jusqu’au bout grâce à un immense Manuel Neuer et l’emporte 1 à 0, prenant du même coup le bon wagon en tête du championnat. L’équipe est alléchante mais, malheureusement pour Jean-Michel Aulas, la rencontre n’a pas lieu au Parc OL un samedi soir de ligue 1 mais au village eSport de Taicang, petite ville laide et austère de la grande banlieue de Shanghai. “Il ne faut pas se mentir, si on jouait avec l’effectif réel de l’OL, on n’aurait aucune
chance dans ce championnat”, souffle en coulisse Zhang Mengmeng, représentant de l’Olympique Lyonnais en Chine. Premier club européen à avoir monté une équipe d’eSport dans l’empire du Milieu, le septuple champion de France participe à son deuxième championnat parmi le gratin des clubs électroniques chinois. “Chaque saison comprend deux championnats, resitue Zhang
Mengmeng. Et on recompose les équipes avant chaque
tournoi sur le principe d’une draft NBA.” L’OL, septième sur douze équipes engagées lors de la première partie de la Fifa Star League (FSL) peut ainsi aligner un onze où se côtoient Sergio Ramos, Benjamin Mendy, CR7, ou encore Alexis Sanchez. “Bon, on a quand même pris Nabil Fekir parce que c’est une volonté de notre part d’avoir
un vrai joueur de l’OL dans notre équipe”, justifie Zhang Mengmeng, le Bruno Genesio de l’avatar des Gones.
“Mon joueur préféré, c’est ‘Fariano’”
En Chine, Lyon est venu poursuivre sa stratégie d’internationalisation et tente de se faire un nom sur le plus grand marché de la planète. Pour y parvenir, tous les moyens sont bons, et après avoir mis en place des partenariats avec des clubs amateurs locaux, l’OL pourrait tenir le bon filon en s’implantant durablement sur la scène eSport chinoise. Le pays compte 170 millions de joueurs réguliers, et l’an dernier, la pratique a généré près de 7 milliards d’euros de recettes. “On est ici
pour gagner en visibilité, c’est clair, acquiesce Zhang Mengmeng. Les amateurs du jeu Fifa sont des amateurs de foot. À terme, on aimerait bien voir des Chinois avec le maillot de l’OL.” En attendant, l’Olympique Lyonnais a misé sur six jeunes âgés de 23 à 27 ans. Des nerds passionnés de foot, mais qui deviennent plus hésitants au moment d’évoquer le club dont ils portent le maillot. “Je connais l’OL depuis qu’ils ont battu régulièrement le Real Madrid en ligue des champions dans les années 2000, fanfaronne Fing Rui, doyen et capitaine de l’équipe. J’aimais beaucoup
“Il ne faut pas se mentir, si on jouait avec l’effectif réel de l’OL, on n’aurait aucune chance dans ce championnat” Zhang Mengmeng, représentant de l’OL en Chine
Lacazette, mais aujourd’hui, mon joueur préféré, c’est
Fariano.” Fariano? “Euh Mariano!” bredouille le joueur originaire du Grand Nord chinois en vérifiant le nom de son attaquant vedette sur Baidu, le Google local.
“La connaissance de l’OL et de son histoire n’était pas
un critère de recrutement, excuse Zhang Mengmeng, qui, après six ans passés à Lyon, reste en contact direct
avec Jean-Michel Aulas. Nous les avons choisis avant tout parce que ce sont d’excellents joueurs d’eSport.”
Tous professionnels, les joueurs de la team OL gagnent entre 500 et 650 euros par mois. Leur salaire, tout comme leur contrat de travail, est géré par une société tiers mandatée par IDG, le fonds d’investissement chinois qui détient 20 % du capital de l’OL depuis un peu plus d’un an. Éparpillés dans les différentes provinces chinoises, ils mouillent leur tee-shirt en acrylique en réseau, entre cinq et dix heures par jour, et se retrouvent pour les compétitions.
Buffon au Stade Brestois
Les rencontres, diffusées en direct sur dix sites internet chinois et sur une chaîne de télévision de Canton, n’attirent aucun spectateur pendant les tours préliminaires, mais l’ambiance est malgré tout assurée par des animatrices faisant office de pom-pom girls. Sur la scène éclairée par des spots bleu électrique, Sun Jianfeng s’agace sur sa manette. Les yeux écrasés sur son écran, il ne parvient pas à percer le rideau défensif de Newbee, qui joue avec… le Stade Brestois. “Oui, on sait
que cette équipe est nulle, tacle Ding Lijun, remplaçant dans l’équipe des Newbee. Mais sur leur logo, il y a écrit ‘SB’, et en chinois, ça se prononce ‘shabi’, ce qui veut dire
‘gros idiot’. Ça nous a fait marrer.” Stressé, Sun Jianfeng parvient finalement à tromper par deux fois la vigilance de Gianluigi Buffon, qui garde les buts des Newbee brestois, et envoie les Lyonnais en play-offs. À l’issue de la rencontre, Fing Rui, en bon capitaine, s’installe dans le canapé en cuir de la zone mixte et exhibe fièrement un tee-shirt blanc qu’il porte très près du corps. Imprimée sur le tissu, une immense photo où on le voit serrant la main de Fekir, chacun une manette de jeu vidéo dans sa main
libre. “C’était en juillet dernier, quand l’OL a fait sa tournée asiatique, rembobine-t-il
fièrement. C’est ma cousine qui m’a offert ce tee-shirt et c’est devenu mon portebonheur.” Le match a-t-il eu un vainqueur? “C’est Fekir qui a gagné, 5-4, répond du tac au tac le capitaine chinois. Il jouait avec Lyon, moi avec la Chine. Il n’est vraiment pas mauvais.” Nabil Fekir, un artiste de la console? “Bon OK, je l’ai laissé gagner, finit par avouer Fing Rui. Il se débrouille très bien, mais si j’avais joué sérieusement, je l’aurais battu 5-0. Et encore, je suis modeste.” Comme son patron.