FC Krumkachy.
Ça part d’une blague sur un forum internet. En 2011, onze membres décident de se retrouver pour participer à des tournois amateurs et surtout picoler après. Le FC Krumkachy prend forme et s’inscrit en 2014 en troisième division. Trois saisons et deux mont
Créé par des internautes en 2011, le club biélorusse est aujourd’hui l’une des attractions de la jeunesse de Minsk. Une success story qui ne plaît pas à tout le monde, dans un pays souvent qualifié de “dernière dictature d’Europe”.
L’été touche à sa fin et Minsk savoure les derniers beaux jours. Avant de partir à l’assaut des lacs qui entourent la ville pour échapper à la chaleur du climat continental, des milliers de jeunes envahissent ce vendredi soir le quartier de Zybickaja. Sur les bords de la Svisloch, la rivière qui traverse Minsk, les filles sont apprêtées comme jamais. Le port de la minijupe fait consensus. Le style des garçons fait jeu égal avec ce qui se voit dans les capitales d’Europe de l’Ouest. Pas vraiment l’image associée aux surnoms de la Biélorussie, souvent qualifiée de dernière dictature d’Europe ou encore de Corée du Nord européenne. Les meilleurs bars et clubs de la ville sont concentrés ici, dans quelques rues. La police locale ne vient pas perturber les concerts improvisés sur le trottoir, les jeux de force et d’habileté proposés par des Tchétchènes, ou ceux qui consomment des cocktails et de la vodka sur le trottoir. Une bulle voulue par le régime pour soigner son image. Et offrir à sa jeunesse une poche d’oxygène pour, finalement, mieux garder la main dessus. Le lendemain, après la fin de sa liberté conditionnelle, cette même jeunesse se donne rendez-vous dans le sud de la ville, au stade du FK Minsk, loué par le FK Krumkachy. Au programme, pas de grosse affiche: un match de championnat contre le Dnepr Mogilev. Sur place, la moyenne d’âge tourne autour de la trentaine, des hommes mais aussi beaucoup de femmes et d’enfants. On se presse pour acheter des articles à la boutique improvisée sous une petite tente, on boit des pintes avant la rencontre à la buvette aux faux airs de camping avec chaises et tables en plastique. Le tout en scrutant le derby moscovite entre le Spartak et le CSKA. Des petits jeux sont même proposés aux enfants avec goodies du club à la clé. Rien d’extraordinaire? Si. Une révolution en Biélorussie, où les stades sont avant tout habitués aux crânes rasés et à la testostérone des groupes de hools violents. “Vous ne verrez jamais autant d’enfants que lorsque Krumkachy joue”,
lance Anton, un jeune homme de trente ans installé à Moscou pour y travailler comme designer et qui revient régulièrement au pays supporter son nouveau club de coeur. Aujourd’hui, Anton a même
décidé d’emmener sa bien-aimée au match, une nouveauté. “Il y a encore quelques années, je n’aurais jamais imaginé venir au stade avec ma copine. C’était trop dangereux. Peut-être que dans deux ans, nous n’existerons plus. En attendant, nous avons lancé un mouvement.”
“Je veux être enterré entre les poteaux”
Un mouvement qui remonte à 2011. L’année où des utilisateurs du forum de Pressball, journal sportif indépendant de référence en Biélorussie, décident de se retrouver pour jouer au foot. D’abord pour s’amuser, avec un nom peu commun: Krumkachy, les Corbeaux en VO. “On a choisi ce nom parce que c’était un nom biélorusse, à la différence des autres clubs du pays, qui ont tous une appellation à
consonance russe”, pose Denis Shunto, homme d’affaires et actuel président du club. Au départ, il est question de simples réunions entre supporters de différents clubs du pays. Shunto, par exemple, est fan du Dinamo Minsk. D’autres soutiennent le BATE Borisov, ou encore le FK Gomel. Mais au bout de quelques années, la bande de potes n’a plus envie de s’amuser. Elle veut marquer son temps. “Le club a commencé à devenir véritablement actif en 2014, quand nous avons effectué les démarches en vue d’obtenir une licence pour nous
inscrire en troisième division”, explique Shunto. Un précieux sésame qui reviendra à 4 000 dollars. Une belle somme en Biélorussie. “Il faut
être fou pour mettre de l’argent dans le foot ici”, balance Shunto, qui détient 85 % des parts du club mais cultive le secret sur la provenance de ses fonds, aimant à répondre qu’il a “trouvé l’argent au fond de sa
poche”. Si certaines rumeurs disent qu’il a fait fortune grâce aux paris en ligne, son regard se fait fuyant et va jusqu’à se cacher dans ce polo aux couleurs criardes quand son interlocuteur insiste sur l’origine des sous. Mais ses yeux peuvent s’illuminer la seconde d’après quand il s’agit de raconter l’épopée de son club. Et pour cause, le FK Krumkachy, club sans domicile fixe, est ce qu’on peut appeler “une aventure humaine”. Pour payer et remplir les tribunes de la petite enceinte de 500 places, située dans le complexe olympique de Minsk, que
Krumkachy loue 300 dollars les jours de match, certains volontaires distribuent des tracts dans le métro de la capitale, d’autres animent les réseaux sociaux en documentant les rencontres avec des photos et des posts sur VKontakte (le pendant russe de Facebook) ou Twitter. D’autres, encore, négocient avec des manufactures la fabrication gratuite de cendriers ou de verres à shot sur lesquels ils apposent leur logo, avant de les rembourser une fois les articles vendus. Bref, c’est tout un cortège de bénévoles qui travaillent afin de faire connaître le FK Krumkachy. La mayonnaise prend, les curieux affluent au stade et voient le club finir deuxième de troisième division, et donc monter à l’étage supérieur. Shunto et ses partenaires veulent vivre leur rêve sans rendre de comptes à personne. Ils décident donc de tout payer de leur poche, et prennent un crédit à la banque pour assurer le budget de la montée, 110 000 dollars. L’histoire est en marche. Dès 2015, la foule se presse pour venir voir ces Corbeaux qui volent plus haut que tous les autres, tandis que les médias font la queue pour raconter l’histoire de cette équipe sans le sou. Car si le FK Krumkachy a de quoi s’offrir une licence, il n’a pas beaucoup d’argent pour payer ses joueurs. Qu’importe, la majorité des joueurs qui portent le maillot noir et rouge ne sont pas là pour les roubles biélorusses. Certains jouent dans le petit club de la capitale parce qu’ils caressent de se faire repérer par des clubs plus riches. D’autres, comme Yevgeniy Kostyukevich, veulent se prouver qu’ils ne sont pas finis. Ancien espoir, ce gardien a failli signer au CSKA Moscou en 2009. Un problème de coeur détecté lors de la visite médicale met fin à toute possibilité de transfert, ainsi qu’à sa carrière. Après quelques années à ronger son frein à tenir un stand de bière en grande banlieue de Minsk, Kostyukevich décide de revenir dans le foot et signe à Krumkachy en 2014, d’abord comme coach des gardiens puis analyste vidéo. Mais après le départ du portier titulaire, Shunto pense à lui pour remettre les gants. Malgré les risques du métier, il accepte. “J’ai signé une décharge au club: si jamais je décède suite à une crise cardiaque sur le terrain, Krumkachy ne sera pas
poursuivi, raconte le gardien, hilare. En fait, je n’ai qu’une seule volonté: si je meurs sur le terrain, je veux être enterré entre les poteaux.”
2000 dans un stade de 500 places
Ce mélange de joueurs à la fois ambitieux et revanchards galère dans un premier temps en deuxième division, la Persha Liga, face à des équipes d’un meilleur calibre. Surtout pour des joueurs qui doivent pour la plupart travailler à côté, le club n’ayant pas les moyens de tous les rémunérer. Un homme fait alors son apparition: Oleg Dulub. Cet ancien professionnel âgé de 52 ans a écumé la moitié des clubs du pays en tant que joueur et entraîneur-assistant, sans jamais avoir eu la chance de se voir confier les rênes d’une équipe. C’est chose faite en 2015, avec Krumkachy. Faute de propositions, Dulub saisit la balle au bond et accepte de diriger les Corbeaux à titre gracieux, avec pour objectif de faire bonne figure en Persha Liga, et montrer enfin ce dont il est capable. Fort de son expérience, notamment au Dinamo Minsk, il introduit un peu de professionnalisme dans ce club où les joueurs se la collaient systématiquement après chaque rencontre. Et malgré les vilaines gueules de bois et des caisses vides, Dulub réalise des miracles avec des méthodes d’entraînement modernes inspirées des meilleurs championnats du continent. Fan du film Moneyball, Dulub impose à ses joueurs des séances vidéo, mais leur parle aussi de leurs différents taux de réussite, que ce soit dans les passes ou dans les duels. Le coach fait aussi dans la psychologie, puisqu’il organise régulièrement des entretiens individuels avec ses joueurs, écoutant avec attention ce qu’ils ont à lui dire. Un contraste saisissant avec les méthodes de travail habituelles dans le football biélorusse. Résultat, Krumkachy, sixième du championnat après dix-neuf rencontres, se métamorphose et ruine tout sur son passage. Sur les dix journées suivantes, les Corbeaux remportent huit matchs pour deux nuls. La dernière journée s’avère alors décisive, puisqu’en cas de victoire, le FK Krumkachy peut décrocher la montée. Le 15 novembre 2015, l’équipe d’Oleg Dulub accueille le Dnepr Mogilev, un poids lourd du football local tombé quelques années en disgrâce, et qui a un budget dix fois supérieur au petit poucet. La rencontre devient épique. “On était 2000 dans ce
stade de 500 places, se rappelle Denis Shunto. On finit par gagner 2-0. Magique.” Deux ans après son accès à la compétition, le FK Krumkachy se retrouve donc en Vysshaya Liga, l’élite du football biélorusse. L’exploit est retentissant, et Oleg Dulub enfin reconnu à sa juste valeur. À tel point que certaines stars locales décident de venir jouer chez les Corbeaux pour être sous les ordres de ce coach déterminé. “Beaucoup
de monde s’est demandé pourquoi j’ai signé ici, se rappelle Vyacheslav Hleb, ancien de Stuttgart ou Hambourg et frère du légendaire Alexander. C’est simple: je voulais jouer pour Dulub. C’est le meilleur entraîneur du pays. Il entraînera un jour en Europe de l’Ouest, c’est sûr.”
“Comme à l’époque soviétique”
Les débuts de Dulub et Krumkachy dans l’élite sont tonitruants, puisque le club l’emporte 4-1 contre le Dinamo Minsk, le géant de la ville. Cette victoire de David contre Goliath fait la une des journaux, attire de nouveaux supporters autant qu’elle dérange l’establishment. La raison est simple: “Le football biélorusse fonctionne encore comme à l’époque soviétique, tranche Vadzim Bylina, chercheur à l’Institut d’études politiques de Minsk. Comme dans de nombreux régimes autoritaires, le sport est une affaire d’État. Les clubs sont donc sponsorisés par des entreprises publiques, ou encore par les
municipalités.” Champion sans interruption depuis 2006, le BATE Borisov est soutenu –comme son nom l’indique– par une entreprise qui construit des voitures et des tracteurs, et tourne avec un budget estimé à 7 millions de dollars. Autre grand club du pays, le Shakhtyor Soligorsk reçoit environ trois millions de dollars de la part d’une entreprise minière locale qui exploite du potassium. “Même le Dinamo
Minsk est dans ce cas-là, ajoute Bylina. Certes, il est sponsorisé par un homme d’affaires, mais c’est une personne proche du président Loukachenko. Ça reste un club très proche du pouvoir.” Exception faite du FK Krumkachy, qui a à sa tête des investisseurs privés et un budget estimé à un demi-million de dollars, tous les clubs de l’élite en Biélorussie vivent donc quasi exclusivement sur les deniers publics. Ce système hérité du communisme assure aux clubs une pérennité financière, sur laquelle ils s’allongent confortablement. “Ils n’ont pas besoin de penser à l’argent, d’aller chercher les investisseurs, renchérit Bylina. Certains clubs n’ont même pas de site internet. Ils fonctionnent comme au début des années 90. Leur budget est assuré, donc ils n’ont pas besoin de se plier en quatre pour trouver de l’argent.” Dès lors, pas besoin non plus de merchandising, ou de pom-pom girls pour attirer du monde au stade. Ici, on ne s’emmerde pas avec tout ce qui concerne l’événementiel. Et pour cause, le manager d’une équipe est souvent celui de l’entreprise qui sponsorise le club, tout comme le comité directeur d’un club peut aussi être le même que celui de l’entreprise. Dans ce football biélorusse qui se complaît dans son immobilisme postsoviétique, le FK Krumkachy fait forcément tache. “Quand le club est arrivé dans l’élite, il y avait beaucoup de jaloux, se rappelle Vyacheslav
Hleb. Un club monté par des personnes normales, sans relais au sein des cercles du pouvoir ou économiques et qui a du succès sur le terrain, ça n’a pas plu. Certains nous prédisaient même une disparition d’ici à trois ou quatre ans.” Pour l’heure, le FK Krumkachy résiste toujours, même s’il n’est pas forcément le bienvenu en Vysshaya Liga, et encore
“L’État continue de subventionner le foot de la même manière qu’à l’époque soviétique. Pour calmer, occuper les gens. On veut mettre fin à tout ça” Alex, responsable marketing du club
moins quand il sort de la capitale. “Quand on va à Borisov pour voir notre équipe jouer contre le BATE, on sent qu’on ne nous aime pas,
raconte ce programmeur informatique fan des Corbeaux. Les soldats stationnés dans la région se voient octroyer un jour de libre. Ils viennent alors garnir les rangs du stade, se mettent juste à côté de la tribune visiteurs, et cherchent à nous intimider: ils font semblant de vouloir rentrer dans notre parcage, et nous font comprendre qu’il vaut mieux se tenir tranquille.” Parmi les plus farouches opposants aux Corbeaux, il y a Valery Isaev, un agent influent en Biélorussie. “Ce n’est pas possible de jouer dans l’élite et de ne pas avoir un rond. Le football professionnel implique des responsabilités. S’ils sont encore là aujourd’hui, c’est parce que la fédération les y autorise, ce qui est contraire à leurs propres statuts.” En principe, pour se voir délivrer une licence par la BFF –la fédération biélorusse–, il faut effectivement posséder un centre de formation. Ce qui n’est pas le cas de Krumkachy. Une jurisprudence qui en dit long sur l’état du football local, selon Isaev. “Krumbachy est le résultat du laxisme de la fédération concernant les attributions de licence. Après, il ne faut pas s’étonner que le niveau du championnat ait baissé. Soyons sérieux, des clubs comme Krumkachy n’ont même pas de médecin!”
WorldofTanks, Zara et le KGB
Peut-être. Mais Krumkachy offre une bonne image du football local et donc du pays. Souvent pointé du doigt pour ses violations des droits de l’homme, la Biélorussie s’offre avec les Corbeaux un remake du Yes We Can à la sauce communiste. Krumbachy n’a pas de sous, et alors? Jusqu’à présent, le club a montré qu’il était capable de faire beaucoup avec peu de moyens. Là où les autres clubs se moquent complètement de qui vient assister aux rencontres, le FK Krumkachy, lui, a fait le choix d’aller vers ses supporters, dans le réel comme dans le virtuel. Comme tout club moderne, Krumkachy a un site internet, communique
sur les réseaux sociaux et veut offrir le meilleur à ses fans. “Il y a un an, nous avons décidé de filmer nos rencontres avec quatre caméras, et non pas une seule, comme la télé publique, raconte Alex, le responsable
marketing du club. Pour notre première saison dans l’élite, on a terminé à la onzième place. On a fait la fête avec tout le monde, avec une cérémonie sur la pelouse, des écharpes ont été offertes aux fans. Au FK Minsk, ils ont fini quatrièmes, ils n’ont rien fait, alors qu’ils venaient de se qualifier pour l’Europa League.” À sa façon, le FK Krumkachy combat
la sinistrose ambiante. “Pour calmer et occuper les gens, l’État continue de subventionner le foot de la même manière qu’à l’époque soviétique,
regrette Alex. Nous, on veut mettre fin à tout ça. On veut que cet argent public aille dans le social, l’éducation, les transports. Et laisser le privé s’occuper du foot.”
Le FK Krumkachy n’est pas le Partyzan Minsk. L’autre récente tentative de monter un club indépendant en Biélorussie. Issu de la fusion de deux clubs en 2002, ce coup d’essai a certes échoué mais il a ouvert la voie aux Corbeaux, lesquels n’ont pas commis les mêmes erreurs. Trop antiraciste, trop autogéré, bref trop antirégime, le Partyzan a dû mettre la clef sous la porte sous la pression des sbires de Loukachenko. Krumkachy, lui, n’est jamais allé sur le terrain politique. Le jeune club de la capitale veut juste continuer à vivre pour faire entrer le football de son pays dans l’ère moderne, dans les pas d’un Alexandre Loukachenko qui veut mollement ouvrir son pays au monde. Car la Biélorussie n’échappe pas à la mondialisation. Outre les chaînes de restauration rapide, telles que Burger King ou KFC, le géant espagnol Inditex à aussi fait une entrée remarquée dans le pays, en inaugurant en grande pompe un magasin Zara dans le Dana Mall, un centre commercial gigantesque aussi imposant que le siège du KGB biélorusse, ou le musée d’histoire de la Grande Guerre nationale. Cette ouverture à la consommation s’accompagne aussi d’une ouverture au développement. Créé en 2005, le Belarus Hi-Tech Park (HTP) est ainsi devenu l’une des plus grandes fiertés nationales de ces dernières années. Située à la périphérie de Minsk, cette Silicon Valley d’Europe de l’Est emploie plus de 24000 personnes qui travaillent dans les nouvelles technologies. Au côté de la sous-traitance pour de grands groupes tels Microsoft, Facebook, Apple ou encore Amazon, le HTP peut se vanter de compter dans ses rangs la société Wargaming, un développeur local qui a lancé World of Tanks, l’un des jeux de guerre en ligne les plus prisés de la planète avec 120 millions d’utilisateurs. Ou encore le service de messagerie Viber, revendu en 2014 au groupe japonais Rakuten pour 900 millions de dollars, mais qui est toujours développé en Biélorussie.
Des joueurs payés en pommes de terre
Cette ouverture, Alexander Loukachenko la souhaite aussi dans le football. Il y a quelques années, le président biélorusse a demandé aux clubs d’apprendre à se faire de l’argent pour ne plus avoir à dépendre des sponsors. L’économie biélorusse, basée sur l’industrie, avait bien résisté à la crise de 2008-2010, avant de rentrer en récession. Les sponsors des clubs étant essentiellement issus du secteur secondaire, certains aimeraient bien garder leurs sous plutôt que d’avoir à les donner à des clubs qui stagnent continuellement. Surtout quand ils voient qu’un club comme Krumkachy arrive à faire des résultats avec un budget bien moindre. La crise fait mal, à tel point que certains clubs
doivent recourir au système D pour rémunérer leurs joueurs. “Avant, le club de Naftan Novopolotsk était soutenu par une raffinerie de pétrole,
raconte Alex. Sauf que la raffinerie a coupé le robinet aux subventions, et le club s’est retrouvé sans rien. Le président du club avait un copain agriculteur, qui lui a filé des pommes de terre. Et le président a payé ses joueurs avec.” Être rémunéré en tubercules, cela peut sembler cocasse, mais c’est parfois mieux que rien. Le FK Krumkachy en sait quelque chose. “Actuellement, la situation financière du club est la plus difficile à laquelle nous avons dû faire face, concède Denis Shunto. On n’a pas pu garder nos meilleurs joueurs, parce qu’on ne pouvait pas les payer. Pourtant, le joueur le mieux payé touchait à peine mille dollars par
mois.” À défaut de rémunération, certains ont choisi de quitter le navire, tandis que ceux qui sont restés ont parfois du mal à avancer. Après un bon début de saison pour sa première dans l’élite, le FK Krumkachy est rentré dans le rang. Malgré le soutien sans faille de leurs supporters, les Corbeaux n’ont pu faire mieux que 0-0 face au Dnepr Mogilev, et sont à quelques encablures seulement de la relégation. Il y a certes de belles histoires, comme cette victoire 3-2 sur la pelouse du BATE Borisov, mais à moins que Denis Shunto ne parvienne à lever 100 000 dollars d’ici la fin de saison via le crowdfunding qu’il a lancé ces dernières semaines, le conte de fées du FK Krumkachy pourrait bien toucher à sa fin. “En ce moment, soupire-t-il, on ressemble surtout à Cendrillon après minuit.”
“Krumbachy est le résultat du laxisme de la fédération concernant les attributions de licence. Il ne faut pas s’étonner que le niveau du championnat ait baissé. Soyons sérieux, Krumkachy n’a même pas de médecin!” Valery Isaev, agent biélorusse