So Foot

L’amateur du mois.

Il s’appelle Lionel Messi et il a effectué une partie de sa formation à Barcelone. Sauf que lui vient du Cameroun, joue milieu défensif et tente, à 22 ans, de se relancer en DHR, à Fonsorbes, dans la campagne toulousain­e.

- PROPOS RECUEILLIS PAR GRÉGORY LETORT / PHOTO: JEANPHILIP­PE MOULET

Il s’appelle Lionel Messi et il a effectué une partie de sa formation à Barcelone. Sauf que lui vient du Cameroun et tente, à 22 ans, de se relancer en DHR, à Fonsorbes, dans la campagne toulousain­e.

“Quand c’est un match à l’extérieur chez une équipe de bûcherons, les gars en face lui disent: ‘De Messi, t’as que le nom!’” Marco Cafiero, ancien président de Lionel Messi à Muret

Tout bon match de football amateur commence par le même rituel: la vérificati­on des licences. À Fonsorbes, en Haute-Garonne, on ne déroge pas à la règle. Dans le vestiaire exigu de ce club de Division d’Honneur Régional, l’arbitre fait l’appel avec la feuille de match. “Numéro 8: Lionel Messi.” Et comme toujours, suit un temps d’arrêt. Parce qu’évidemment, ça ressemble à une vanne. Mais un gars se lève, message tatoué en italien sur le torse: “Ne jugez personne sur son apparence.” Lionel Messi vient de parler: pas “la Pulga” mais son homonyme de 1,85 m, un milieu défensif de 22 ans né au Cameroun, à Yaoundé, naturalisé français en 2011. Il sourit: “Quand je dis mon nom, chaque fois, ça bugge.” Aucun rapport ni hommage derrière ce nom, rien qu’un destin. Et un bon départ. Ce Lionel Messi est lui aussi passé par Barcelone. C’était en 2008. Repéré lors d’un tournoi avec son équipe des “Espoirs de Mfou”, formation de quartier de la capitale camerounai­se, Messi Nyamsi, selon l’état civil complet, est invité par des éducateurs à passer un essai en Catalogne au sein de la Fondation Marcet, une académie locale. Rien ne le retenait: ses parents avaient déjà quitté le Cameroun pour la France quelques années plus tôt, le laissant chez une tante. Test concluant. Au moment où l’Argentin prend le numéro 10 au Barça, le Camerounai­s croise la route de quelques équipes de jeunes de la Liga, avec souvent un regard amusé sur l’homonymie. Mais il n’ira pas plus haut en Espagne. En 2009, un an après son arrivée, sa mère, installée à Toulouse, a jugé qu’il était temps pour elle de récupérer son aîné. “J’ai mal vécu ce départ. J’avais eu du mal à m’intéresser au football, et alors que ça devenait sérieux, j’ai dû partir…”

Comparé à l’incomparab­le

Avant Neymar, Messi débarque donc en France: première licence à Toulouse Fontaines, matchs avec les U17 nationaux, puis départ pour Angers après un nouvel essai réussi. “C’est là que le buzz commence”, rembobine l’homonyme. Plus exactement quand le SCO affiche à l’été 2012 sur son site internet le nom des joueurs retenus pour intégrer l’équipe U19. Téléfoot lui parlera même d’organiser une rencontre avec l’Argentin. Mais la hype ne durera pas: Lionel ne termine pas la saison. Le buzz, c’est le début des ennuis: il part fâché du SCO d’Angers, persuadé d’avoir été trahi par le club alors qu’il était surveillé par la fédération camerounai­se. Il tente un essai à Lecce (Serie C), puis à Cannes, et enfin à Brescia (Serie B), où il s’entraîne très vite avec l’équipe première. Un contrat lui semble promis mais le Camerounai­s, baladé par son agent, reste finalement à quai. La suite ressemble à une dégringola­de: Colomiers, Rodez –où son CV sert juste au club à se faire mousser à travers un communiqué balancé à la presse locale: “Lionel Messi veut venir jouer chez nous…”–, puis Auch en DH. Mais très vite,

il réalise que ça va lui faire beaucoup de route depuis Toulouse, où il loge… et mute donc à Muret, en DH aussi. Avec toujours la même

curiosité autour de lui. “Je n’ai pas été attiré par son nom. Ça fait quinze ans que je suis président: je fais attention à ce qui se fait sur le terrain, pas au nom ou à la carrière passée,

jure Marco Cafiero, dirigeant de Muret. Après, Lionel Messi, ça interpelle. Je me suis fait brancher: ‘Combien t’as payé? Comment t’as fait pour le transfert?’” Inévitable. “Lui aussi se fait un peu chambrer. Quand c’est un match à l’extérieur chez une équipe de bûcherons, les gars en face lui disent: ‘De Messi, t’as que le nom!’ Après, sincèremen­t, je ne l’ai jamais vu déstabilis­é. Il est hermétique à ça.” En façade, peut-être. Mais Patrice Maurel, ancien pro du TFC qui l’a eu à Colomiers, est persuadé que tout le problème vient de là. “Il a eu une vague médiatique à 16 ans qui a eu pour conséquenc­e de le surcoter. Il s’est construit autour de ça. Mais être comparé à l’incomparab­le, ça l’a desservi, ça a perturbé son évolution. Il a besoin de sérénité, de régularité, pas de paillettes. Sinon celles qu’il aura gagnées lui-même. Mais là, quand on parle de lui, c’est par rapport à son nom, pas par rapport au joueur qu’il est.”

“Messi est au Barça et moi à Fonsorbes…”

À 22 ans, le milieu défensif montre qu’il pourrait enfin en avoir pris conscience. Cet été, il est redescendu d’un échelon, en DHR, à Fonsorbes –le village de sa mère–, où l’appelle son ancien coéquipier de Colomiers, l’exinternat­ional algérien Mansour Boutabout, désormais entraîneur-joueur. Un choix de vie. “J’avais besoin de me concentrer sur moi-même, sur un projet profession­nel, je veux aussi passer mon permis. J’ai obtenu un emploi aux espaces verts de la ville, je ne me voyais pas tout lâcher pour partir en CFA ou CFA2.” Et, il l’espère, un nouveau départ. “Je ne crois pas aux signes, je crois au destin: avec Messi, on a le même nom, cela ne veut pas dire que nos destins sont liés. La preuve, il est au Barça et moi à Fonsorbes… Mais je suis convaincu que c’est un mal pour un bien. Maintenant, je sais apprécier ce que c’est que d’être sur le terrain. Peu importe le niveau.” Mais si ça pouvait enfin être avec un maillot floqué Messi dans le dos, ça serait encore mieux. “À Colomiers, le coach Patrice Maurel me protégeait par rapport à mon nom. Tout le monde avait un maillot floqué, sauf moi. Je n’avais qu’un numéro, le 33. Quand j’ai récupéré le maillot, je l’ai fait floquer moimême. Messi, c’est un bon nom: c’est le mien.”

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