So Foot

Regard critique.

Le milieu de terrain et capitaine d’Amiens SC fuit les discussion­s de vestiaire sur les coiffures et les baise-en-ville Louis Vuitton. Il roule en Peugeot 207 et boit des cafés avec le député France insoumise de sa région, François Ruffin. Interview avec

- pPROPOS RECUEILLIS PAR FLORIAN LEFÈVRE

Thomas Monconduit décortique la relation entre les puissants et la France d’en bas à travers le film Merci Patron!

Le documentai­re Merci patron!, c’est l’histoire de David contre Goliath: la famille Klur –sur le point de voir sa maison saisie par un huissier, à la suite de la délocalisa­tion de l’usine Ecce, une filiale de LVMH– réussit à inverser le rapport de force avec le milliardai­re Bernard Arnault. Tu as adoré ce film de François Ruffin. Pourquoi? C’est beau de le voir se battre pour aider une famille qui croule sous les dettes. Au final, les entreprise­s qui délocalise­nt, les salariés qui se retrouvent à la rue, ce sont des sujets dont on parle peu. Mais ce qui est malheureux, c’est que derrière la famille Klur du film, il y en a plein d’autres. Les moments marquants, ce sont les entretiens dans la maison en caméra cachée. Quand l’envoyé de Bernard Arnault dit: “Surtout, n’en parlez pas à la presse…”

Qu’est-ce qui te choque le plus dans le film? Le fait que les gros chefs d’entreprise, même nos hommes politiques, sont souvent déconnecté­s de la réalité. Ils considèren­t leurs employés comme de la viande. Ils licencient, et derrière, ils s’en tapent de savoir ce qu’ils deviennent. On parle d’humains, pas d’animaux. Pourquoi, selon toi, François Ruffin a traité ce film par la voie de l’humour? Cela passe souvent mieux. Ce qui me fait rire, c’est quand il se déguise pour se mettre dans la peau du fils Klur: il parle avec une voix différente, il se teint les cheveux… J’ai discuté du film avec lui, il a aidé une famille, mais il aimerait le faire pour toutes les familles qui sont touchées par les délocalisa­tions en France. Son discours au moment de recevoir le césar du meilleur film documentai­re était très bien, mais une seule personne, cela ne suffit pas, il faut que tout le monde se mobilise. Sauf qu’on ne le fait pas. Ou alors les personnes qui essayent de le faire sont vite étouffées.

La politique ne t’intéresse pas trop. Pourtant, être touché par un film comme Merci patron! montre

que tu as une conscience politique… J’en ai une, ça c’est sûr. Après, les politiques sont dans une autre sphère. La vie du peuple, ils n’en ont rien à foutre. Ce sont leurs intérêts personnels qui comptent. On élit des députés pour avoir une certaine parole, mais ceux-là ne nous demandent jamais vraiment notre avis. Est-ce que tu as en tête d’autres films engagés?

Il y en a deux: Demain (réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, ndlr), qui évoque notre environnem­ent, notre agricultur­e, notre

économie ; et Moi, Daniel Blake (réalisé

par Ken Loach), que je viens de voir tout à l’heure (un samedi midi). À la fin, j’avais vraiment les larmes aux yeux. C’est un film, mais c’est tellement réel. J’aime les films tirés d’histoires vraies, les documentai­res sur les gens connus. En fait, j’aime tout ce qui se rapporte à l’humain. Comprendre l’humain, cela me touche à chaque fois. Dans Moi, Daniel

Blake, le personnage se retrouve au chômage suite à un problème cardiaque, et à cause des administra­tions qui se renvoient la balle, bah, le pauvre, à la fin, il meurt. C’est un film qui montre à quel point on peut être délaissé par l’État. En tant que citoyen lambda, on peut arriver à aider ces personnes, mais il faut qu’on soit nombreux à se mobiliser. Et toi, tu fais quoi pour les aider? Je ne fais pas vraiment partie d’une associatio­n, mais dès

que je peux, j’aide l’associatio­n Ernest (dont le but, au travers de collectes et de levées de fonds, est de créer un réseau de consommati­on solidaire, local, pour lutter contre la précarité alimentair­e) en me proposant comme commis de cuisine pour des événements.

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/ PHOTO: AFP/DPPI

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