So Foot

Pablo Aimar

Idole ultime de Lionel Messi, Pablo Aimar fait partie de ces joueurs qui ont eu le bon goût de finir leur carrière dans le club où ils l’avaient commencée. La petite mort du “Payasito” avait eu lieu à River Plate en 2015, mais il manquait quelque chose au

- Par Pablo Aimar PAR PABLO AIMAR, TRADUIT PAR JPS / PHOTO: PHOTOSHOT/ICONSPORT

est l’idole de jeunesse de Lionel Messi. Tout simplement. Et il écrit sur le jour où il est redevenu footballeu­r.

Il y a quelques semaines, plus précisémen­t le 23 janvier dernier, j’ai pu enfiler de nouveau le maillot d’Estudiante­s de Rio Cuarto, le club où je suis né footballis­tiquement. C’était à l’occasion d’un match de coupe d’Argentine contre le Sportivo Belgrano de San Francisco, un autre club de la province de Cordoba. Oui, un match officiel, avec de vrais points en jeu, comme on dit dans mon pays. C’est mon frère, Andrés, qui m’a proposé cette ultime pige, une idée que j’ai acceptée sans hésiter. J’ai plongé la tête la première. Parfois, il faut penser, et d’autres non. Tout est une question d’instinct, pas vrai? Il y a toujours des moments inexplicab­les sur un terrain. C’est d’ailleurs pour s’y confronter qu’on continue à taper dans un ballon. Quoi qu’il en soit, j’ai dit oui, et je ne l’ai pas regretté. Ce fut inoubliabl­e.

Dans ce stade, connu comme le Monumental de la Calle España, a joué mon papa, “El Payo”. C’est ici qu’il a mis un but qui alimente encore les interminab­les discussion­s de café de la ville. Souvent, mon vieux me murmure à l’oreille: “Si tous ceux qui disent avoir vu ce but avaient réellement été là ce jour-là, le match aurait

dû se jouer au Maracanã.” À l’époque, mon père était blond et portait le numéro 10. Il évitait de frapper du gauche car en s’appuyant sur la jambe d’appui, son genou droit, fragile, se disloquait. Il a joué comme ça pendant des années. Arsenal menait 2-1 lorsque celui qui aimait fredonner à ses enfants l’air de tango El

sueño del pibe (“Le rêve de l’enfant”, en VF) contrôla la balle de la poitrine. Pour éviter de se déboîter le genou, il frappa le ballon avec le pied droit, en coup du foulard. Une merveille qui scella le 2-2 à la fin du temps réglementa­ire. J’ai raconté l’histoire de ce but dans le livre Pelota de papel, dont les bénéfices ont été reversés à des oeuvres de charité. Le destin, qui se fout des années qui passent et des situations de la vie, a voulu qu’après tant d’années de carrière, je retourne chez moi pour dire adieu, ou tout du moins hasta luego. Et je l’ai fait avec mon frère, Andrés, actuel joueur du club. Qui ne rêve pas de faire des une-deux avec son frangin en match officiel? Je dois reconnaîtr­e que je suis un privilégié, parce que ces instants-là sont tellement dynamiques, si fugaces… Ce fut une nuit magique où les planètes se sont alignées, tout comme mes pensées positives. Avec l’affection du public comme moteur et le coeur de mon frère sur le carré vert, je me suis senti renaître. Heureux. Si on m’avait dit ça quelques années plus tôt, j’aurais cru à un mensonge. Mais c’était bien réel. Mieux: je me suis amusé, chose très rare dans le football de haut niveau. J’ai pu rejouer avec des profession­nels avides de victoire, avec le brassard de capitaine sur le bras et dans un stade plein. Et ça, c’est sans aucun doute la meilleure chose qu’un joueur puisse expériment­er dans le football. Est-ce que je vais rentrer dans l’histoire d’Estudiante­s de Rio Cuarto comme le but de mon papa, juste grâce à ce match? Je ne le pense pas. Mais je retiens ses larmes de joie lorsqu’il a vu ses deux fils rentrer ensemble sur le terrain où il marqua le plus beau but de l’histoire. Celui où tout a commencé et où terminer.•

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