Né un 12 juillet 1998
Il s’appelle Thomas Zinédine Emmanuel Griffaton. Une idée de son père en arrivant à la maternité, quelques heures après la finale France-Brésil.
Thierry Griffaton prévient d’entrée de jeu: le football, en soi, il n’en a pas grand-chose à faire. Comme le sport en général, d’ailleurs. Son plaisir, il le trouve dans la dimension fédératrice des grandes compétitions internationales. Une bonne occasion de “rencontrer des
gens que l’on ne rencontre pas d’habitude”. La coupe du monde 98 ne déroge pas à cette règle. À l’époque, Thierry a 28 ans. Il est déjà administrateur de biens pour un syndicat d’immeubles. “Un métier pas
très drôle.” Le 12 juillet, il se rend dans un café de la rue Mouffetard, à Paris, pour regarder la finale avec quelques copains. Son épouse est également présente, mais n’a pas trop l’esprit à regarder le match: Corinne est enceinte, à quelques jours du terme. À la mi-temps, elle se sent “un peu bizarre”, dixit Thierry. Belle joueuse, elle l’autorise à regarder la deuxième période et rentre “seule comme une grande”. 3-0, score final. Thierry et ses copains prennent la direction des ChampsÉlysées, chantent, dansent, crient et continuent à boire. À un moment, il jette un oeil à son téléphone: il a plusieurs appels en absence et messages non lus. Corinne perd les eaux. Thierry claque une bise à ses amis et se met à chercher un taxi. En vain. Les transports en communs bloqués, il fait du stop. Comme dans les films, il explique que sa femme va accoucher. Comme dans les films, personne ne le croit. “Il faut dire que j’étais bien pinté, relativise Thierry. Et puis, je sais
pas trop pourquoi ni comment, une bagnole m’a pris.” À la maternité, la sage-femme lui dit que “ça risque de prendre du temps”, qu’il peut rentrer chez lui et se débarbouiller. “J’étais encore déguisé”, précise-t-il. De retour à l’hôpital, “les choses se sont accélérées”. Quelques minutes plus tard, Corinne donne naissance à leur premier enfant, Thomas. Un prénom acté depuis quelques semaines déjà. Mais quand se pose la question du deuxième et du troisième, Thierry, “sans doute encore
un peu pinté”, a une idée. Deux en fait: Zinédine et Emmanuel, dans cet ordre, comme lors de la finale. Sa femme refuse catégoriquement. Jusqu’à l’arrivée d’une “mama antillaise très sympathique”, selon Thierry. “Elle a expliqué à Corinne que dans cette histoire d’accouchement, le père était en quelque sorte exclu, mis de côté, et qu’il fallait me laisser ce petit plaisir des autres prénoms.” C’est officiel: leur fils s’appellera Thomas Zinédine Emmanuel Griffaton. Vingt ans après les faits, le paternel ne regrette rien. “Si Zidane avait planqué tout son pognon en Suisse ou violé sa petite soeur, on éviterait de le dire, mais ce n’est pas le cas. Je suis donc toujours très content de ma blague.”
Thomas non plus ne regrette pas. La vanne de son paternel lui a permis de prendre une photo sur le plateau de Stade 2 avec Emmanuel Petit, après lui avoir montré sa carte d’identité. Elle lui permet aussi de s’identifier “à une certaine mixité culturelle à la française” dont il se dit
“fier”. Et puis parfois, en soirée, ça peut aider: “Ça fait rire les filles, ça donne un sujet de conversation…”