L’Équipe vs Jacquet: le coup de gueule d’Arditi
Lassé de voir “Mémé” être poussé dans les orties par la presse, et notamment L’Équipe, l’acteur demande en direct sur TF1 qu’on “foutelapaix” au sélectionneur français.
Au volant de ce taxi en direction des studios de TF1 à La Plaine SaintDenis, un jeune chauffeur échange avec Pierre Arditi. Après plusieurs minutes, le ton commence sérieusement à monter: “Le type me reconnaît et commence à déboiser Jacquet, avec la logorrhée stupide qu’on entendait
partout, se souvient l’acteur. Au bout d’un moment, je me suis di : ‘Bon, y en a marre de ces discours à la con.’” Ce soir-là, il est invité sur le plateau d’En attendant demain, un direct présenté par Roger Zabel et Carole Rousseau, avec Thierry Roland et Jean-Michel Larqué. Chauffé à blanc, le comédien attend son heure. Les sujets défilent par ordre alphabétique: A, B, C… et peu après minuit, la lettre J. Comme Jacquet. C’est là qu’Arditi entre en scène: “Il faut cesser de penser que cette équipe de France est une équipe de ringards dirigée par un ringard. Oui, ça n’est pas un mondain, ça n’est pas un médiatique, mais on s’en fout! Y en a marre de ce discours! Y en a marre que l’ensemble des journalistes français considèrent que ce sont eux les entraîneurs. Assez avec ça! Qu’on lui foute la paix et qu’on le laisse travailler.” Applaudissements nourris et félicitations de Roland en coulisses. “Il m’a dit: ‘Ça, mon vieux, ça va faire le tour du monde.’” À Clairefontaine, Jacquet est rameuté devant sa télé par son adjoint, accompagné de Dugarry. Enfin du soutien. Trois ans qu’il l’attend, très exactement depuis le 16 août 1995 et un match éliminatoire de l’Euro 1996 contre la Pologne, au Parc. Ce jour-là, un coup franc in extremis de Djorkaeff sauve les meubles (1-1). Le lendemain, L’Équipe titre “Le
retour des nuls”. Malgré une demi-finale à l’Euro 96, L’Équipe continue sur la ligne anti-Jacquet imposée par Jérôme Bureau, le directeur de la rédaction, un “homme plutôt brillant, avec une certaine aura pour ses collègues, confie une ancienne plume maison. Gérard Ejnès, son adjoint,
était son porte-flingue.” Exemple d’édito salé lors du tournoi de France 97: “Mourir d’Aimé!… Aimé Jacquet, le désenchanteur, conduit cette équipe comme il mènerait une épicerie de quartier…” En privé, Mémé, fulmine: “Je n’ai jamais frappé personne, mais je cognerai un jour sur Ejnès.” À l’époque, cette étiquette de bon con incompétent que certains collent à Jacquet retourne très vite l’estomac d’Arditi. “Les attaques du type: ‘Voilà, ce n’est qu’un ancien ouvrier fraiseur’… On n’avait qu’à lui mettre une étoile jaune tant qu’on y était, non?” Bureau, lui, promet de se fouetter si ces Bleus gagnent l’étoile. Le 12 juillet, Jacquet foudroie le journal, venant “à la soupe”: “Je n’ai que du mépris pour ces gens-là.” Il ne pardonnera “jamais”, malgré les mea culpa du camp d’en face. Plus tard, Bureau collecte les “petits cercueils” dans sa boîte aux lettres, alors qu’Arditi a glané une notoriété insoupçonnée: “Je tournais à l’époque une série qui s’appelait Passeur d’enfants. Après le mondial, je me retrouve à Bangkok. Les Thaïlandais ne m’avaient jamais vu à la télé, au cinéma, rien. Mais ils
criaient: ‘Jacquet! Jacquet!’ Roland avait raison, mon intervention sur TF1 a fait le tour du monde.”