So Foot

Duga et les “putains dejournali­stes”

- MPAR MAXIME BRIGAND

Le 12 juin 1998, la vie de Christophe Dugarry a basculé du bon côté. Raillé par la presse, sifflé par le Vélodrome après une cagade, sur le point de demander à être remplacé, il inscrit le but qui lancera les Bleus vers la finale. Hatersgonn­ahate.

La France inaugure son mondial au Vélodrome. Face à elle, l’Afrique du

Sud de Troussier: “C’est un moment bizarre. Je vis mon premier match de coupe du monde à la tête d’un pays qui n’en a jamais disputé et je suis chez moi, en France. Le truc, c’est qu’en tant qu’entraîneur, tu ne profites pas vraiment de ces instants-là, tu les souffres. Alors, j’étais dans ma bulle, comme un garagiste à l’écoute de son moteur qui cherche à trouver une faille. Si bien que je ne sais même pas comment les Bleus ont joué ce jourlà. Le seul truc qui m’a fait sortir de cette bulle pendant un instant, c’est Dugarry.” Le même Dugarry qui, près de trois quarts d’heure plus tôt, a laissé tomber une larme dans le vestiaire face à son ami Frank Leboeuf, et lui a dit: “Putain, c’est beau, on va faire une coupe du monde.” Au moment de débarquer au mondial, l’artiste mal-aimé est pourtant dans le dur. Sa saison 1997-98 est une misère: parti garnir les rangs du Barça de Van Gaal lors de l’été 97 après une saison moisie au Milan AC, il refait ses valises

six mois plus tard avec la conviction de s’être fait enfler. À Libération, il évoque “la pire expérience de [sa] vie. Je partais de l’entraîneme­nt avec les larmes aux yeux.” Il est récupéré au mercato d’hiver par l’OM et garde, malgré ses deux buts toutes compétitio­ns confondues sur l’axe BarceloneM­arseille, sa place dans les petits papiers d’Aimé Jacquet. “Ça ne pouvait pas être autrement, rembobine Henri Émile, intendant historique des

Bleus. Christophe était quelqu’un de très attachant, de positif pour le groupe, mais aussi un joueur qu’Aimé appréciait sincèremen­t.” Alors, il n’entend pas ce qui se raconte sur son attaquant. Dugarry, lui, peine à se boucher les oreilles, mais accepte son statut de tête de turc des Bleus.

“Quand tu entends tous les jours dans la presse que t’es de la merde, que t’es bidon… (…) Bah tu finis par croire que t’es nul quoi. (...) Je n’ai jamais douté du soutien du groupe, d’Aimé, je me sentais bien dans cette équipe mais les yeux dans les tribunes, ils sont difficiles à affronter.” Virage: après vingt-six minutes de jeu à Marseille, Stéphane Guivarc’h lâche et Duga rentre. La suite? Un face-à-face raté avec Hans Vonk, une action où il se fait un noeud entre les pattes et les sifflets du Vélodrome qui s’invitent. C’est le bord du gouffre. “J’ai hésité, je vois Thierry Henry partir, j’hésite, j’hésite, j’hésite, et au moment où je vais frapper, je vois un défenseur qui y va, je retire mon pied et je fais une cagade. Moralement, j’étais très très bas. Si j’avais pas marqué, ça aurait été dur de continuer. Ça devenait

trop difficile.” Puis, il y a ce corner de Zidane: Duga décolle, devance Vonk, ouvre le score, sort sa langue et s’en va devant la tribune principale pour regarder ces “putains de journalist­es”: “Dans ma tête, je me disais: ‘Putain, je vous ai tous niqués.’” L’intéressé ne cache pas que le but change sa vie, probableme­nt sa carrière. Mais lors du match suivant, contre les Saoudiens, Duga se claque les ischio-jambiers. Au mental, il viendra foutre son nez dans la finale. Tout ça pour faire le troll sur RMC.

“Dans ma tête, je me disais: ‘Putain,jevous aitousniqu­és.’”

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