La double billetterie du mondial
Si toute bonne coupe du monde a son marché noir et ses faux billets, France 98 a dépassé toutes les espérances en la matière.
Les voitures jouent à touche-touche sur les bretelles de sortie du périphérique nantais. Le long de la voie de décélération, des piétons, avec leurs écriteaux en carton, se faufilent, polis, entre les véhicules. Ils ne demandent pas d’argent. Au contraire, ils sont prêts à en donner. Beaucoup. “Achète places Japon-Croatie”, “Japon, je voudrais acheter votre place pour Japon
match”. Les échoués des sorties de rocade sont tous nippons. Et depuis leur arrivée en France début juin, c’est la douche froide: environ 60 % des 33 810 billets officiellement promis aux supporters japonais n’ont pas été délivrés aux agences de voyages locales, qui avaient pourtant vendu dans leurs packages un siège pour le Stadium, la Beaujoire ou Gerland. Les journaux japonais évoquent en une “le scandale
des billets manquants”, et la France découvre alors ISL France, une filiale à 49 % d’ISL Worldwide, elle-
même en charge des droits marketing de la Fifa… Marc Loison, le DG, et Gilles Favard, alors consultant extérieur en charge de la commercialisation “des
écharpes, des affiches et des agendas” pour ISL, aux dires de Jean-Marc Coblence, l’avocat de la société, sont mis en examen et écroués après l’ouverture d’une information judiciaire pour “faux, usage
de faux et escroquerie”. On reproche au premier d’avoir vendu illégalement une partie des places initialement dévolues aux clients de sa boîte en guise de cadeau. Au second, d’avoir vendu des billets pour la plupart fantômes à quatre tour-opérateurs japonais. Selon Le Monde, des “documents relatifs à des commandes de billets, 20 000 francs en liquide
et… une centaine de billets authentiques” du mondial sont retrouvés lors des perquisitions menées à son domicile. Suite à l’affaire, la Fifa annonce qu’elle reprend la main sur l’organisation de la billetterie pour la prochaine coupe du monde. Après divers vices de procédures, l’affaire “ISL France” livre son verdict le 15 février 2008. Loison est blanchi et Favard prend dix mois de prison avec sursis, 5 000 euros d’amende et 320 000 de dommages et intérêts à verser, notamment, aux tours opérateurs japonais, pour une escroquerie estimée à 30 000 billets. Une condamnation “assez modérée” qui “replace cette
affaire à sa juste mesure”, se félicite à l’AFP l’avocat de l’actuel chroniqueur de la chaîne L’Équipe. éPAR ADRIEN CANDAU ET RB