La bonne question.
A-T-IL VRAIMENT L’ÉQUIPE LA PLUS JEUNE DU MONDIAL?
Le Nigeria a-t-il vraiment l’équipe la plus jeune du mondial?
Les chiffres du Centre international d'étude du sport (CIES) de Neuchâtel (Suisse) parus en début d'année, sont formels: avec 24,9 ans de moyenne, l'effectif le plus jeune de la prochaine coupe du monde sera le Nigeria. Devant l'Allemagne, qui échoue à la seconde place avec 25,7 ans. Largement remaniés depuis l'arrivée de Gernot Rohr, les Super Eagles présenteront en Russie un contingent de pépites qui s'éclatent en Premier League, comme l'ailier d'Arsenal, Alex Iwobi, ou les deux joueurs de Leicester City, Wilfred Ndidi et Kelechi Iheanacho, tous la vingtaine à peine entamée. Du moins sur le papier. Car quand on connaît les vieilles recettes du football nigérian, la statistique du CIES prête à sourire. La fraude sur l'âge est une pratique courante en Afrique de l'Ouest. Lucrative, elle est née dans les années 80 mais s'est popularisée avec l'arrêt Bosman, qui a ouvert les portes de l'Europe aux joueurs issus des championnats périphériques. Le but? Se rendre plus attractif sur le marché. À talent égal, les clubs européens recrutent le plus jeune possible. “Ce sont les Nigérians qui ont inventé la pratique, assure Paulo Teixeira, un agent congolo-brésilien, fin connaisseur du marché africain. À la base, on les appelait les ‘- 3’ ; très vite, ça s’est répandu. Après, il y a eu des exagérations. Cela se joue à la tête du client, mais quand les circonstances sont favorables, ils peuvent facilement s’enlever dix ans.” Nombreuses sont les légendes des Super Eagles à avoir plongé dans la fontaine de jouvence: Nwankwo Kanu, Obafemi Martins, Taribo West… L'ancien joueur de l'AJA a d'ailleurs été balancé par le président Zarko Zecevic, qui l'a recruté au Partizan Belgrade en 2002: “Il s’est joint à nous en disant qu’il avait 28 ans. Plus tard, on a découvert qu’il en avait en réalité 40. Mais comme il jouait bien, je n’ai pas regretté
de l’avoir acheté.” Le Nigeria n'a cependant pas le monopole du trafic d'âge, toute l'Afrique est embourbée dans une politique de dissimulation systématique. Pour s'en assurer, il suffit de jeter un oeil à la dernière coupe du monde des U17. À l'occasion de la campagne qualificative pour la compétition, la Fifa avait décidé, pour la première fois, d'instaurer des IRM du poignet obligatoires pour les joueurs, histoire de déceler de potentiels fraudeurs. Quintuple vainqueur de l'épreuve, le Nigeria a présenté un contingent de 60 footballeurs susceptibles de participer. 26 ont été recalés, dont tous les titulaires. En un rien de temps, les Super Eagles sont ainsi passés du statut de prétendants au titre suprême à celui de nation lambda du foot de jeunes. Tellement lambda que la sélection ne s'est pas qualifiée, éliminée par le Niger. Un mois plus tôt, quatorze joueurs camerounais avaient subi le même sort, grillés par leur fédération. Suffisant pour assainir le football nigérian? Il est permis d'en douter. Un bref examen des dates de naissance des sélectionnés pour la coupe du monde montre que la pratique reste ancrée. Quand ils dépassent la vingtaine, les nombreux rêveurs d'Abuja ou de Lagos n'hésitent pas à faire un tour par leur corruptible mairie pour obtenir de nouveaux papiers. Faute de place, la tendance veut que les contrevenants se retrouvent inscrits en début ou fin d'année dans les registres de naissance. Parmi les présélectionnés, on observe cette année un joli tir groupé d'une petite dizaine de joueurs dans ce cas, que symbolisent à merveille le défenseur du FC Nantes Chidozie Awaziem, né un 1er janvier, et le milieu de Trabzonspor Ogenyi Onazi, né un 25 décembre. Attention donc, Croates, Argentins et Islandais: ils ont beau avoir l'âge de l'insouciance, ces divins enfants pourraient vous surprendre par leur expérience.