“La presse participait à banaliser le racisme”
J’ai été victime de cris de singe à Marseille, avec le Losc, et j’en ai beaucoup souffert dans ma chair. J’étais jeune et je ne comprenais pas pourquoi les instances fédérales ne cherchaient pas à éradiquer ce fléau. J’avais 17, 18 ans, et malheureusement, ma voix ne comptait pas beaucoup, ou très peu. Ce qui m’étonnait, c’est que ce n’était même pas un sujet. Je venais de subir des cris racistes et cinq minutes après, en zone mixte, les journalistes me demandaient juste si je voyais l’OM remporter la coupe d’Europe… La presse participait à banaliser ça. J’en souffrais le martyre, mais à mon âge, j’allais pas déroger à la règle, qui était de ne pas en parler… Tu te convaincs que ça fait limite partie du métier tellement c’était banalisé… C’est effrayant de dépasser le problème en finissant par le voir comme un folklore acceptable des tribunes. C’est un fléau qu’on a laissé proliférer, et ça accouche de quoi? Ça existe toujours en 2019. Au PSG, j’ai fait l’expérience de défendre un maillot alors qu’une partie des supporters faisaient preuve de racisme. Weah a passé trois années au club, marqué des buts exceptionnels. Il a porté l’équipe comme il se devait, et comme remerciements, il a eu des cris de singe pour son dernier match. Ce jour-là, on a refusé d’entrer sur le terrain pour marquer le coup, mais des gens importants, influents, sont venus nous dire qu’il fallait jouer, que c’était une petite minorité. Donc encore un exemple de la banalisation quoi, ils n’en avaient rien à foutre de ce que l’on était en train de vivre. Moi, le Kop de Boulogne je les ai toujours ignorés. Weah, s’il marquait côté Boulogne, il allait célébrer à Auteuil. Lama ne cautionnait pas non plus. Mais qu’est-ce qu’on pouvait faire de plus? On n’était pas payés pour nettoyer les tribunes mais pour assurer le spectacle. Weah, c’est un grand-père avec qui j’ai beaucoup échangé, et il n’a jamais oublié ces cris de singe… Il a d’ailleurs organisé son jubilé au Vélodrome, alors qu’il y a joué moins d’un an. Voilà, ça se passe de commentaires.