“J’ai des béquilles, je vais rien régler du tout…”
Au PSG, j’ai vécu deux épisodes racistes. Le premier, en 2002. Je suis encore au centre de formation, mais je m’entraîne régulièrement avec les pros. À l’époque, je subis une arthroscopie. Et dans la foulée de l’opération, je décide d’aller au Parc voir mon équipe jouer. On a du mal à trouver une place, donc on se gare Porte de Saint-Cloud. Je suis avec un ami et mon petit frère. On avance vers le stade, lorsqu’on commence à entendre des cris de singe… Puis on croise un Maghrébin, le visage en sang, qui nous explique qu’il s’est fait agresser. On se dit qu’il y a eu une bagarre, que c’est malheureux, mais bon… En avançant, on identifie des mecs installés à la terrasse d’un café qui poussent des cris à chaque fois qu’un étranger passe devant eux. On continue, révoltés, sachant qu’on a grandi dans des quartiers où on sait régler les choses à notre manière. Mais le problème, c’est que j’ai des béquilles, donc on va rien régler du tout. Et lorsqu’on se retrouve proches d’eux, ça dégénère vraiment, parce que ces gens-là ne sont pas que racistes, ils sont aussi éméchés… Ils commencent à nous jeter des bouteilles de Heineken, certains se rapprochent… On se prépare à se défendre comme on sait le faire lorsqu’un des mecs, en face, a un éclair de lucidité, si on peut appeler ça comme ça, parce qu’il est sacrément con… “C’est un des nôtres, il est au centre de formation, c’est un futur pro!” Comme si ça changeait quoi que ce soit à ma couleur de peau… Le gars, un Asiatique, je le connaissais parce qu’il venait aux entraînements. Je me suis dit que c’était vraiment des lâches, ils m’épargnaient juste parce que je jouais au PSG. Mais le prochain Arabe ou Noir qui passerait allait prendre cher… Le deuxième épisode se déroule le lendemain d’une victoire à Sochaux 2-0. J’avais fait un bon match, mais j’avais concédé un penalty qu’Ilan avait raté. Je sors du décrassage et je roule en direction du feu de signalisation situé au bout du Camps des Loges, lorsqu’une voiture me double à grande vitesse. Trois mecs descendent et tapent sur mes vitres: “Rentre dans ton pays”, “Tu viens bouffer l’argent des Français”… Contrairement au premier épisode, j’avais mes deux jambes, donc j’allais pas laisser passer ça. Avec mes potes, on est sortis de la voiture. Dans la vie, on peut décider de quand une bagarre commence, mais pas de quand elle se termine.