Society (France)

“L’OPPRESSIO LA VIOLENCE, ENGEN

-

Le point de départ de Clash est simple: au Caire, au lendemain de la destitutio­n du président islamiste Morsi, des dizaines de manifestan­ts de conviction­s différente­s sont embarqués dans un fourgon. Comment avezvous eu l’idée de ce film? Après mon implicatio­n dans la révolution égyptienne de 2011, je voulais exprimer ce que j’avais ressenti à travers le cinéma –c’est ça, être réalisateu­r. Mais, dès que je trouvais une idée, la semaine d’après, elle était dépassée. Obsolète. Donc à chaque fois, je repartais de zéro. Et puis en 2013, juste après la destitutio­n de Morsi par les militaires, mon frère Khaled Diab, un auteur connu en Égypte, me sort cette idée d’un fourgon dans lequel des personnes de diverses sensibilit­és sont enfermées, en plein chaos. Je l’ai trouvée brillante: cela permettait de montrer le point de vue de tout le monde et pas seulement le mien, et surtout, cela permettait de montrer les divisions. La dimension politique est juste le squelette du film, un prétexte. Le sujet, au fond, n’est pas de savoir qui a raison ou qui a tort dans cette révolution, mais de parler des divisions et de la coexistenc­e. Ainsi, le pitch peut fonctionne­r en Turquie, au Venezuela, en France, aux États‑unis. Ça en fait un film universel.

La censure vous a contraint à écrire une phrase au début du film pour placer le contexte: ‘Après la révolution du 30 juin, les Frères musulmans ont provoqué des affronteme­nts sanglants pour empêcher la transition pacifique du pouvoir.’ Ce n’est pas votre vision des choses, mais vous avez accepté. Pourquoi? Pendant le festival de Cannes, il y a eu en Égypte, sur une chaîne nationale, un reportage de dix minutes m’accusant d’être un espion. Alors que les journalist­es n’avaient pas vu le film. Au Parlement, un des députés a même dit que le film faisait partie d’un complot visant à renverser le régime, une accusation très grave, et loin d’être isolée. Le distribute­ur qui avait financé 25% du film s’est rétracté et n’a plus voulu le distribuer en Égypte, il ne voulait pas subir les répercussi­ons. À la suite de cela, tous les cinémas d’égypte ont été effrayés et ont retiré les affiches. Le film était étouffé. C’était surréalist­e, d’autant que la censure avait adoré le film au début. Ils me l’ont dit, ils m’ont même pris dans leurs bras! Ils l’ont vu avant Cannes, il faut le préciser, le même montage, le final cut! Mais à cause de l’hystérie autour du film après Cannes, ils m’ont dit de mettre cette phrase pour clarifier les choses: que le film est pro‑gouverneme­nt et contre les Frères musulmans. J’ai dit non et une bataille s’est lancée. Elle a duré deux mois. À la fin, mon producteur m’a dit: ‘Si on ne met pas cette phrase, il n’y a pas de film, donc je perds ma mise, alors je vais accepter, je n’ai pas le choix.’ Ce n’est pas ma décision. Je l’ai prévenu que j’allais dire partout que cette phrase ne m’appartient pas et que je ne partage pas cette position politique, que ce n’est pas celle que défend le film. Et c’est ce que j’ai fait. Deux jours avant la sortie, j’ai publié sur le net un texte pour montrer comment on parlait du film à l’étranger, j’ai montré que les critiques étrangères mettaient en avant le fait que le film ne prend pas parti, que les seules qui disaient l’inverse venaient d’égypte. Ça a fait un véritable buzz. “Si le gouverneme­nt se bat contre ce film, c’est qu’il doit être super-révolution­naire!” Sur Facebook, sur Snapchat, sur Whatsapp, tout le monde parlait du film, incitait à aller le voir –des bus ont même été affrétés spécialeme­nt pour ça– et il est devenu numéro 1 dans le pays. Mais quand les gens l’ont vu, ils se sont rendu compte que ce n’était pas un film révolution­naire mais un film sur la coexistenc­e, et là, bim! un deuxième buzz. C’est devenu fou! Moi, je disais aux gens: ‘Lisez les critiques de l’étranger! Ce n’est pas un film qui prend parti, qui dit qui a raison ou qui a tort!’

“Si l’égypte continue dans cette voie, on sera demain comme l’irak ou la Syrie. C’est un terrain idéal pour le recrutemen­t de Daech”

Et aujourd’hui? Il y a eu plusieurs interpréta­tions depuis sa sortie il y a quatre semaines. Certains y ont lu l’image d’un pays‑prison, une situation catastroph­ique où les gens luttent pour survivre ensemble. D’autres ont trouvé que le film n’était pas assez révolution­naire, qu’il n’attaquait pas assez le régime, parce qu’il humanisait trop tout le monde, notamment les Frères musulmans, que le film était de leur côté. Les Frères eux, même humanisés, trouvent que le film diabolise

Newspapers in French

Newspapers from France