N ENGENDRE LA VIOLENCE DRE L’OPPRESSION”
leur idéologie. En fait, le film ne dit peut‑être pas une chose, mais tout cela en même temps.
Plus qu’un film sur la révolution, c’est surtout un film sur la mort de la révolution, non? Je suis d’accord à 100%. La tristesse omniprésente dans le film est la mienne, celle de voir mes rêves brisés, de voir que cette unité à laquelle je croyais, cette aspiration commune, cet espoir commun, se sont effondrés. De voir que ces gens qui manifestaient ensemble finalement s’insultent, se battent, et s’entretuent. En fait, le film parle vraiment de ce qui s’est passé ces cinq dernières années en Égypte, et où ça nous a menés. Aujourd’hui, l’égypte ressemble à la fin du film. Le camion s’est retourné, et une question se pose: vont‑ils vivre, survivre ou non? La question reste en suspens.
Les associations de défense des droits de l’homme dénoncent aujourd’hui les disparitions, les arrestations massives et arbitraires, les détentions sans jugement dépassant la durée légale de deux ans qui ont lieu en Égypte. Le rôle d’un des personnages qui est dans le camion, le journaliste, est inspiré de la vraie vie du journaliste canado‑égyptien d’al Jazeera Mohamed Fahmy: il a pris sept ans de prison en 2013 et a dû renier sa citoyenneté égyptienne pour sortir. Il y a un mois, il l’a récupérée, grâce à Dieu. C’est aussi pour lui que j’ai écrit ce film, parce que sa situation m’a profondément touché. Je pense également à une autre personne, un photographe, Mahmoud Abou Zeid. Son seul crime était de prendre des photos ce jour‑là, cela fait trois ans qu’il est en prison sans aucun procès. Ce film est aussi là pour montrer que les choses empirent. La violence est au centre du sujet. Elle est au coeur du cercle vicieux dans lequel on vit: l’oppression engendre la violence, la violence engendre l’oppression. Si vous pensez que vous pouvez résoudre la violence avec l’oppression, il y aura encore plus de violence. Voilà comment on en est arrivés là.
Aujourd’hui, toute forme de manifestation, de rassemblement public, d’expression publique, est interdite en Égypte... Oui, et il y a une corrélation entre le déclin des protestations et la montée des attaques terroristes. L’interdiction de manifester crée des vocations de terroristes. Et la prison où sont enfermés tant de gens est la meilleure école du terrorisme. Nasser, dans les années 60 déjà, emprisonnait énormément d’islamistes, c’était un peu la même situation. Et c’est dans une prison égyptienne qu’a été rédigé ce que l’on considère comme la bible du terrorisme –par un ancien critique cinéma d’ailleurs, qui s’était radicalisé! La définition de la stupidité, c’est de reproduire les mêmes erreurs et d’attendre un résultat différent. Si vous oppressez un peuple et que les gens ne peuvent plus manifester, que se passe‑t‑il? Cela devient facile pour les terroristes dans le fourgon de les recruter. ‘Oeil pour oeil, balle pour balle’, ils disent dans le film. Si on continue dans le cercle vicieux de l’oppression qui engendre la violence, on sera demain comme l’irak ou la Syrie. C’est un terrain idéal pour le recrutement de Daech. En 2013,