“Plus de 93% des enfants d’immigrés se sentent français”
À partir du 31 mars, le musée de l’homme, à Paris, propose l’exposition “Nous et les autres - Des préjugés au racisme”. À l’heure où le repli sur soi semble être le nouveau mot d’ordre international, voici l’occasion, pour les deux commissaires Évelyne He
Comment définir le racisme aujourd’hui? Carole Reynaud-paligot: Le racisme biologique a fortement décliné ces dernières décennies, on est plutôt passé à des explications d’ordre culturel. Pierre-andré Taguieff a bien montré cette évolution. Mais ce racisme culturel, ou culturalisme, a également tendance à essentialiser, et donc à figer les gens dans une culture, comme si cette dernière leur collait à la peau. Alors qu’en fait, cela fait des décennies que tous les chercheurs en sciences sociales et les anthropologues montrent que les cultures ne sont jamais figées. Elles évoluent au contact d’autres cultures. Cette idée est donc absurde. Et pourtant, ce phénomène d’essentialisation culturelle est encore très présent. Évelyne Heyer: C’est précisément ce phénomène qui s’est mis en place vis-à-vis des musulmans ces dernières années. ‘Comme tu es musulman, tu penses comme ça.’
“En France, deux tiers des enfants d’immigrés se marient avec un individu de la population majoritaire. Aux Étatsunis, ce chiffre n’est que de 17%”
Justement, le décret du ‘muslim ban’ de Donald Trump vous semble-t-il marquer une tentative de retour du racisme institutionnalisé aux États-unis ? CR-P: Il n’est pas encore institutionnalisé (le décret est suspendu jusqu’à nouvel ordre, ndlr). Mais ce que l’on peut observer, c’est que les décrets adoptés ces 50 dernières années allaient tous dans la même direction: celle d’une législation antiraciste. Avec ce projet, on voit bien qu’il y a autre chose qui s’engage. ÉH: Il va être intéressant d’observer la façon dont la démocratie américaine va réagir et résister. D’où l’importance de cette société civile et des médias. À mon avis, tant qu’il n’y a pas convergence de tous les acteurs, on ne retrouvera pas un système où le racisme est vraiment institutionnalisé. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. A-t-on la même forme de racisme latent en France qu’aux États-unis? CR-P: En France, la CNCDH (la Commission nationale consultative des droits de l’homme, nldr) mesure le racisme par les sondages et retrace les évolutions sur quatre décennies. Ces études montrent une augmentation de la tolérance, même si cette dernière est inégale selon les catégories. Et on voit également, de manière paradoxale, que les stéréotypes perdurent. ÉH: Pour vous donner un chiffre, en France, deux tiers des enfants d’immigrés se marient