Society (France)

100 ans, toujours jeunots.

L’endroit est surnommé “la région où les habitants oublient de mourir”. Au coeur des montagnes de Sardaigne, dans l’ogliastra, se trouve l’une des quatre zones mondiales –avec la Grèce, le Costa Rica et le Japon– où la population bat des records de longév

- PAR MARGHERITA NASI, DANS L’OGLIASTRA PHOTOS: MATTEO VIEILLE POUR SOCIETY

Au coeur des montagnes de Sardaigne, dans l’ogliastra, se trouve l’une des quatre zones mondiales –avec la Grèce, le Costa Rica et le Japon– où la population bat des records de longévité. Son secret? De la viande, du labeur et peu d’argent.

Les femmes en voile noir, les hommes rasés de près. Comme chaque année à l’occasion de la Saint-antoine, que la Sardaigne célèbre en janvier à coups de procession­s immenses et de spectacula­ires feux de bois, l’église San Michele Arcangelo de Villanova a fait le plein. Cela fait déjà une heure que le prêtre a démarré son sermon lorsque Antonio se faufile discrèteme­nt, ôte son béret et prend place dans les derniers rangs, parmi les adolescent­s qui se chamaillen­t. Mais alors que les mères agacées font les gros yeux à la jeunesse, personne n’ose rabrouer Antonio. Ce petit homme énergique ne ménage pourtant pas sa peine. Le choeur n’a pas le temps de terminer son refrain qu’il sort une montre de sa poche et lance un regard blasé. “Cette messe dure vraiment trop longtemps”, soupire-t-il. C’est qu’antonio n’a pas de temps à perdre. Chaque matin, à l’aube, il lui faut donner à manger aux cochons. Ensuite, il se met au volant de son camion acheté en 1954, qu’il manoeuvre sur les routes escarpées de l’ogliastra, une région montagneus­e au coeur de la Sardaigne occidental­e. Il y transporte du bois, brave la neige qui givre les arbres et gerce les lèvres pour rendre visite à ses enfants et neveux, employés dans une station-service. Demain, Antonio devra en outre rouler quinze kilomètres supplément­aires pour faire renouveler sa carte d’identité. Mais autant prendre son mal en patience. Après tout, Antonio, 94 ans, est passé de nombreuses fois par là. La Sardaigne honorait déjà saint Antoine et ses tourments lorsqu’il est né, en 1923. Alors que, la messe finie, il savoure son troisième verre de vin blanc en livrant ses secrets –“Il faut toujours garder le gobelet en plastique, comme ça on peut se resservir tant qu’on veut”. Une voisine hausse les épaules: “Tous les vieux sont comme ça, ici. Mon père a fait la campagne de Russie pendant la Seconde Guerre mondiale. Autour de lui, les soldats tombaient, asphyxiés, congelés. Mais lui, il continuait, un pas devant l’autre. Ici, ils ne s’arrêtent jamais.”

Une devise que cette région de la Sardaigne a fait sienne: en Ogliastra, une terre sauvage nichée entre la mer Tyrrhénien­ne et la chaîne montagneus­e du Gennargent­u, les habitants “oublient de mourir”. Ici, les nonagénair­es sont étonnammen­t dynamiques et les centenaire­s extraordin­airement nombreux. La Sardaigne détient de fait l’un des records mondiaux pour la longévité: on y dénombre 23 personnes âgées de 100 ans ou plus pour 100 000 habitants, contre huit dans le reste de l’italie. Des chiffres dingues. Tellement que lorsque le généticien Gianni Pes a fait la découverte de l’imbattable longévité sarde, personne n’a voulu le croire. C’était en 1996. À l’époque, le jeune chercheur s’intéresse à la mortalité en Sardaigne. Il étudie les 377 communes de l’île, et remarque la présence d’un “trou” dans la zone montagneus­e de l’ogliastra. “Les gens mouraient moins dans ce coin-là. C’était bizarre. D’autant plus qu’on a toujours cru que les habitants de ces zones intérieure­s, qui vivaient dans la pauvreté et de mauvaises conditions hygiénique­s, étaient arriérés.” Intrigué, Gianni Pes décide de pousser son enquête: il se rend compte qu’il y a beaucoup de centenaire­s dans le coin, trop pour que ce ne soit pas étrange. “Leur pourcentag­e dans la population était délirant”, se souvient-il. Le 9 octobre 1999, c’est donc avec enthousias­me qu’il s’envole pour Montpellie­r, invité à une conférence sur la longévité. Mais lorsqu’il présente les résultats de sa recherche, ses collègues se gaussent, incrédules. “Les plus grands démographe­s européens étaient présents, ils se sont levés indignés, m’accusant de raconter n’importe quoi.” Un homme décide pourtant de donner une chance au chercheur italien. À la fin de la conférence, Gianni Pes est abordé par Michel Poulain, démographe et statistici­en de l’université catholique de Louvain, en Belgique. “Il m’a dit: ‘Je suis sceptique, mais je te propose un deal: je viens en Sardaigne, et on visite ensemble les 40 communes qui présentent le plus de centenaire­s. Si tu as tort, ta carrière est finie. Si tu as raison, on verra bien.’ J’ai accepté.” Toute l’année suivante, Pes et Poulain font encore et encore le tour de l’île à bord d’une vieille Fiat Panda. L’enquête devient dantesque. “En tout, on a fait 40 000 kilomètres, sous le soleil, sous la neige, en s’engueulant avec des responsabl­es de bureau d’état civil. Ma femme a failli demander le divorce”, plaisante Gianni Pes. Mais le périple porte ses fruits.

En fouillant dans les archives, les chercheurs découvrent que l’histoire leur donne raison. Comment expliquer par exemple qu’en 1842, le Sarde Giovanni Deiana Voche ait vécu jusqu’à 124 ans? “C’est extraordin­aire. Même au xviiie siècle, alors que l’espérance de vie tournait autour de 25 ans, on a trouvé des centenaire­s.” Munis d’une carte de la Sardaigne, les scientifiq­ues entourent en bleu les communes les plus endurantes. Et s’aperçoiven­t que ces cercles semblent répondre à une certaine logique: ils sont tous situés au coeur de l’île. Ils rebaptisen­t l’endroit “la zone bleue”. “Jamais je n’aurais cru que ce terme allait connaître un succès planétaire”, rit Gianni Pes. Ce sera pourtant le cas. Dan Buettner, un producteur, explorateu­r et écrivain de best-sellers américain, se passionne pour leur histoire, en fait un article pour National Geographic et se propose de financer une recherche visant à recenser toutes les zones bleues de la planète. Un tour du monde plus tard, Gianni Pes et Michel Poulain en dénombrent quatre: la péninsule de Nicoya au Costa Rica, Okinawa au Japon, l’île grecque d’ikaria et bien évidemment là où tout a commencé: la Sardaigne. Mais la question, elle, reste intacte: quel peut bien être le secret de la jouvence sarde?

Le mystère du lait de chèvre

La génétique a été la première piste explorée, en raison de la particular­ité de la Sardaigne, une île restée isolée pendant des siècles, à tel point qu’elle a encore son propre idiome: le sarde, une des langues romanes les plus anciennes. Gianni Pes a étudié des centaines de variables génétiques. Sans résultat. Sa conclusion: la génétique joue certaineme­nt un rôle, mais elle n’explique pas tout. Sinon, comment interpréte­r les différence­s territoria­les à l’intérieur même de la Sardaigne? En effet, si l’ogliastra connaît des records mondiaux de longévité, l’espérance de vie dans les villes de Cagliari ou Sassari est

“C’est extraordin­aire. Même au XVIIIE siècle, alors que l’espérance de vie tournait autour de 25 ans, on a trouvé des centenaire­s” Gianni Pes, chercheur

à l’inverse inférieure à la moyenne italienne. Pes explore alors une autre hypothèse: il se concentre sur le dénivelé. De fait, les six communes sardes qui connaissen­t la longévité la plus élevée ont toutes un point commun: “Elles se trouvent en hauteur. Deux villages sont même perchés à presque 2 000 mètres d’altitude.” Or, qui dit pentes dit activité physique. “Pour un berger qui suit son bétail, marcher sur une plaine ou sur une pente à 45 degrés, ce n’est pas la même chose. Les habitants de l’ogliastra ont une masse musculaire très développée”, explique Gianni Pes. Pour le prouver, il sort une photo où on le voit faire un bras de fer avec un nonagénair­e hilare. “Il avait 96 ans. Et il m’a battu.” Située au coeur de l’ogliastra, sur les flancs du Gennargent­u, Villagrand­e Strisaili fait partie de la zone bleue. En 2014, ce village de 3 000 habitants a décroché le titre de commune “la plus vieille” du monde. Derrière sa vitrine réfrigérée, Vincenzo gratte une grande planche en bois. “Le secret d’une bonne boucherie, c’est la propreté”, assuret-il. Vincenzo a ouvert son établissem­ent il y a maintenant 65 ans. Son fils a repris la boutique l’an dernier, mais le vieil homme, bientôt 95 ans, ne dédaigne pas de réenfiler le tablier, car il en est convaincu, “l’activité physique est essentiell­e. [Il] travaille depuis [qu’il est] né”. Ou presque. Vincenzo trime depuis 1935. Il avait 12 ans quand il a commencé à faire le berger. “On me sortait du lit à 11h pour aller promener les moutons ; 11 h du soir, bien évidemment. Je passais la nuit à marcher dans les montagnes, et le matin j’allais à l’école.” À quoi s’ajoute alors la transhuman­ce: de longues journées de marche pour emmener les bêtes près de la mer, où le garçon passe six mois, loin de sa famille. Le 8 septembre 1943, lorsque l’italie signe l’armistice avec les forces alliées, il s’apprête à monter dans un train avec des Allemands. “Heureuseme­nt, un ami m’a prévenu, sinon je partais pour les camps. La guerre, c’était sale, reconnaît-il. Mais la vie de berger, c’était pire. C’était une vie de chien.” Au village, l’existence n’est pas forcément plus paisible. Les femmes, qui restent seules lorsque les hommes partent à la guerre ou pour la transhuman­ce, doivent s’occuper de tout. Iolanda, la femme de Vincenzo, pétrit dès l’aube 50 kilos de pâte à pain. “Mais avant, il fallait aller récupérer le bois! On portait une trentaine de kilos de bûches sur la tête.” Au lendemain de la guerre, Vincenzo et Iolanda ouvrent leur boucherie. “On allait chercher les animaux pendant la nuit. Puis on les tuait d’un coup de pistolet dans la tête. À 5 h, on était déjà en train de découper la viande. On faisait ça juste en bas de la maison, dans la cour. C’est un travail physique, il faut deux bonnes heures pour découper un boeuf. On était beaux et forts”, raconte Iolanda. Après 64 ans de mariage, le couple habite toujours dans l’appartemen­t à l’étage de la boucherie. Vincenzo peut ainsi aider son fils au magasin, tandis que Iolanda fait le ménage

et la cuisine. Ensemble, ils s’occupent aussi du potager et de la vigne. Et mangent de la viande. “On en a toujours mangé un jour sur deux, et on continue. Pas carbonisée, comme la préfèrent les jeunes aujourd’hui, mais bien saignante. Le travail et la viande, c’est bon pour la santé.”

L’affirmatio­n semble aller à l’encontre des recommanda­tions de santé actuelles. Pourtant, les recherches de Gianni Pes confirment le credo carnivore des provinces reculées sardes. L’alimentati­on à base de viande et de produits laitiers y est l’un des facteurs clés de la longévité. Le lait de chèvre, par exemple, joue un rôle essentiel. “Nous, on trouve ça répugnant, mais dans ces régions, le matin, c’était lait de chèvre pour tout le monde. Et c’est très sain: le lait de chèvre contient des acides gras à chaîne courte qui protègent des tumeurs, de la carnitine qui augmente positiveme­nt le métabolism­e, du zinc qui renforce le système immunitair­e, du sélénium qui est antioxydan­t et enfin des casomorphi­nes, excellente­s pour le moral.” Convaincu, Gianni Pes est même allé un temps s’acheter du lait de chèvre tous les matins au supermarch­é. “Mais ce n’est pas la même chose, se désole-t-il. C’est comme pour la viande: il faut que les animaux soient élevés dans certaines conditions. Dans ces régions, tout le monde avait sa propre chèvre domestique.” À 95 ans, Susanna se souvient encore du promeneur de chèvres. “Chaque matin, il venait chercher celles du quartier. On avait tous une pièce pour la chèvre à la maison. Il les sortait, partait les promener toute la journée puis le soir, il rentrait au village. Il n’avait même pas besoin de raccompagn­er les bêtes: elles reconnaiss­aient leur foyer et rentraient toutes seules.” Pour rendre visite à la nonagénair­e, rien de plus simple: il suffit de demander “Zia Susanna”, et n’importe quel habitant de Santa Maria Novella saura indiquer le chemin. C’est un autre élément essentiel de la longévité: en Ogliastra, la maison de retraite est un concept abscons. Les aïeuls sont intégrés dans la société, et se sentent utiles. Quand ils ne travaillen­t pas, ils s’affairent à la maison ou s’occupent des enfants. Tous ont écopé du surnom

La génétique joue certaineme­nt un rôle, mais elle n’explique pas tout. Sinon, comment interpréte­r les différence­s territoria­les à l’intérieur même de la Sardaigne?

de “Zio” (oncle) ou “Zia” (tante). Le dos chauffé par la cheminée, le regard tourné vers la mer que l’on aperçoit de sa terrasse, Susanna s’exprime toujours en langue sarde. Elle raconte, émue, les années 1920 et 1930. “C’était une belle période, tranquille. À midi, les cloches sonnaient, tout le monde se signait, et les hommes enlevaient leur chapeau.” Elle avait 16 ans quand l’électricit­é a illuminé le village, “un vrai miracle”. En 1940, elle voit la première voiture. “Je me demandais où était le cheval.” En 1952, elle découvre la télévision. “On m’a dit: ‘Tu vas voir dans cet écran ce qui se passe à Rome.’ C’est à partir de là que les choses ont commencé à changer.” Mais pas pour Susanna, qui continue de se lever tous les matins à l’aube pour avoir le temps de prier et boire sa tasse de lait avant d’aller à la messe. La journée, elle se promène à l’aide de son déambulate­ur. Le soir, elle récite le rosaire. “Je prie pour tout le monde, sauf pour moi. Je n’en ai pas besoin.”

Entraide et baby-foot

Parmi les différente­s zones bleues recensées dans le monde, Ikaria est l’endroit qui présente le plus de points communs avec l’ogliastra: il s’agit d’une île ; l’alimentati­on y est basée sur la viande et les produits laitiers ; la population, composée de bergers et non d’agriculteu­rs, y est pauvre et rurale ; et surtout, personne ne semble y connaître le stress. Gianni Pes a passé un mois sur cette île de la mer Égée. Ce qui l’a le plus surpris a été de voir les propriétai­res des boutiques où il faisait ses courses rester en permanence à l’extérieur du magasin, assis au soleil. “Ils me disaient: ‘Prends ce que tu veux et laisse l’argent dans le tiroir.’ Ils sont tellement désintéres­sés par les biens matériels qu’ils vivent sans stress.” En Ogliastra non plus, l’argent n’a jamais été un problème. Tout simplement parce que longtemps il n’y en a pas eu. “L’argent, c’était seulement pour trois personnes: le brigadier, le médecin et le prêtre”, témoigne Battistina. Ce dimanche, elle rend visite à sa cousine Rosa. Pour le repas dominical, elle a préparé des culurgione­s – les ravioles sardes, fourrées avec de la pomme de terre et du pecorino. En attendant midi, Battistina et ses trois cousines trempent des biscuits dans le café. Si Rosa, bientôt 102 ans, ne s’intéresse plus qu’à la lecture quotidienn­e –et sans lunettes– de la presse locale et aux aventures du héros de la BD italienne Tex Willer, ses cousines nonagénair­es potinent allègremen­t autour du feu de cheminée. Elles font les yeux ronds et s’esclaffent lorsque Battistina affirme avoir 70 ans tout en étant née en 1923, mais toutes sont d’accord sur un point: sans argent, “on était plus généreux, et on vivait plus tranquille­s”, garantit Battistina. Les portes n’étaient jamais verrouillé­es. Tout s’échangeait. Les biens, mais aussi la main-d’oeuvre. Les ouvriers qui ont construit l’appartemen­t de Rosa, par exemple, ont été

payés en meubles et nourriture. “On ne gâchait rien. Quand un pull se déchire, il ne faut pas le jeter mais le laver, le défaire et utiliser le tissu récupéré pour réaliser un édredon”, professe Battistina, avant d’évoquer les longs mois où le village n’était peuplé que de femmes, car tous les hommes partaient pour la transhuman­ce. “On s’entraidait, on dormait l’une chez l’autre en attendant le retour de nos maris.”

“On a toujours mangé de la viande un jour sur deux, et on continue. Pas carbonisée, comme la préfèrent les jeunes aujourd’hui, mais bien saignante” Iolanda

Et si le secret de la longévité résidait aussi dans ces six mois d’absence, loin du foyer? C’est l’une des hypothèses avancées par Gianni Pes pour expliquer une autre donnée étonnante de l’ogliastra: ici, contrairem­ent au reste du monde, les hommes vivent plus longtemps que les femmes. “Paradoxale­ment, les femmes sont désavantag­ées. Pendant six mois, elles devaient s’occuper de tout au village, c’était une période stressante qui les a rendues plus vulnérable­s à la maladie. Tandis que pour les hommes, la transhuman­ce était une parenthèse de liberté, souvent sexuelle aussi, ils avaient des aventures.” Pendant quatre années consécutiv­es, les Melis ont décroché le titre de la famille la plus endurante au monde. En 2014, à neuf, la fratrie cumulait 837 ans et dix jours. Depuis, Consolata s’est éteinte à 107 ans, suivie de Claudina, 103 ans et Maria, 100 ans. Les autres tiennent bon. Adolfo, 93 ans, gère toujours le bar Biliardi, une véritable institutio­n à Perdasdefo­gu, petit village de montagne de l’ogliastra. C’est ici que, depuis 1958, les jeunes se réunissent pour jouer au baby-foot ou au billard pendant que les adultes refont le monde autour d’une grappa. À la belle époque, 1000 lires suffisaien­t pour faire chanter le juke-box. Ce matin, comme chaque jour, Adolfo a ouvert le rideau à 6h30. Il le fermera à 19h. “La longévité, ce n’est pas pour tout le monde. Déjà, il ne faut jamais arrêter de travailler”, prêche-t-il, en servant de l’eau de vie qu’il prépare lui-même. Tous dans la famille partagent sa fougue. Aujourd’hui par exemple, son petit frère Vitalio, 91 ans, s’occupe de la taille des oliviers. “Et puis il faut se marier tard! reprend Adolfo. Mon frère a pris femme à 50 ans, moi à 47 avec Delia. On est beaucoup à s’être mariés tard ici, à cause de la Seconde Guerre mondiale. J’ai demandé Delia en mariage dans mon café. Après huit jours, elle m’a dit oui. Après huit jours encore, je suis allé rencontrer sa famille. Et huit jours plus tard, on a publié l’annonce à l’église.” S’il retrace avec précision les événements qui ont marqué sa vie, Adolfo n’est pourtant pas encore à l’âge où l’on parle du bon temps au passé. Il y a quelques mois, il a même réalisé son plus grand souhait: voler. “J’ai toujours rêvé de faire le pilote. À 18 ans, j’ai fait ma demande, mais il fallait avoir son brevet, moi j’ai arrêté les cours en CM2.” Quand la guerre éclate, son rêve refait surface. Il se forme pour devenir armurier volant et mitrailler les ennemis de la patrie depuis la tourelle installée sur les avions. Mais il tombe malade, et ne peut pas terminer la formation. La troisième tentative sera la bonne. L’automne dernier, un réalisateu­r est venu tourner un film sur les centenaire­s de l’ogliastra. Il a proposé à Adolfo une scène en avion. “Au départ, je devais juste faire semblant de m’envoler sur un avion ultraléger. Puis, on l’a fait pour de bon. Voilà, mon rêve d’enfance, je l’ai réalisé à 93 ans.”

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Vincenzo Melis, 94 ans, dans sa boucherie de Villagrand­e Strisaili.
 ??  ?? Antonio Cabiddu, 94 ans, devant le camion qu’il conduit chaque jour depuis 65 ans.
Antonio Cabiddu, 94 ans, devant le camion qu’il conduit chaque jour depuis 65 ans.
 ??  ?? Susanna Secci, 94 ans, chez elle, à Santa Maria Navarrese.
Susanna Secci, 94 ans, chez elle, à Santa Maria Navarrese.
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Sur les hauteurs de Villagrand­e Strisaili.
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Adolfo Melléisg,e9n3dean?s??, ?à??perdasdefo­gu. Pendant quatre années consécutiv­es, les Melis ont décroché le titre de “famille la plus endurante du monde”.
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Zia Rosa, 102 ans, chez elle, à Urzulei.
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