Society (France)

Un gars, une histoire.

L’entreprene­ur Gauthier Toulemonde a une cause à défendre: le travail à distance. Et il est prêt à aller très loin pour convaincre les gens de son bien-fondé. Trop loin? La question se pose.

- – BRICE BOSSAVIE / ILLUSTRATI­ON: HECTOR DE LA VALLÉE

Gauthier Toulemonde fait du télétravai­l.

Pas facile d’entrer en contact avec Gauthier Toulemonde. Pas de portable, très peu d’internet, quelques réponses par mail… La raison de ce silence radio? “Gauthier est en route dans le désert en ce moment, à dos de dromadaire, pour trouver son camp”, explique l’attachée de presse du directeur de la maison d’édition philatéliq­ue Timbropres­se et rédacteur en chef de Timbres magazine. Une excuse pas banale. Mais véridique: “Au moment où je vous parle, il y a des dunes qui vont jusqu’à 300 mètres de haut en face de moi, c’est quasiment un paysage alpin”, s’enthousias­me finalement l’homme via téléphone satellitai­re. Loin de toute civilisati­on, à des centaines de kilomètres de la première ville, Gauthier Toulemonde se trouve actuelleme­nt seul avec sa tente et son chien en plein milieu du désert d’oman. Chaque jour, la même routine: “Je démarre avec un petit déjeuner avant le lever du soleil à 5h, je nourris mon chien et je me mets tout de suite au travail.” Quel travail? “De la compta’, de la finance, des articles.”

Réunions de travail par satellite

Gauthier Toulemonde part s’exiler dans les endroits les plus isolés du monde mais continue de répondre à ses mails profession­nels: c’est tout le but de ses expédition­s. Passionné de voyages depuis son plus jeune âge –il a parcouru pour son plaisir l’intégralit­é du globe, du Pacifique au pôle Nord en passant par l’amazonie–, l’homme tente aujourd’hui de promouvoir le travail à distance à sa façon. En 2013, déjà, il était parti pendant 40 jours, seul, sur une île déserte en Indonésie pour relever le défi. “Les deux premières semaines étaient horribles, j’ai failli abandonner: j’avais juste un hamac et il y avait des orages énormes. J’ai perdu quatorze kilos et je n’ai même pas pu pêcher. Trop de travail.” Gauthier Toulemonde, qui a désormais 58 ans, semble aujourd’hui mieux rodé. Depuis son camp de base, il gère sa boîte via une connexion internet satellitai­re alimentée à l’énergie solaire. “Les conditions sont assez rudes, il fait parfois plus de 50 degrés dans ma tente. Donc je dois également m’occuper du camp, réparer des choses. Mais je me fais aussi des petits plaisirs.” Récemment, il a par exemple essayé de descendre une dune… en snowboard. “Je l’avais apporté avec moi pour l’expédition, et figurez-vous que la pente est très bonne, ça descend sans problème!” Le travail n’est pourtant jamais bien loin, donc: le matin et le soir, aux moments les plus frais de la journée, Gauthier Toulemonde rédige sur son ordinateur des articles pour Timbres magazine et les transmet ensuite à ses collègues par mail. Une situation qui donne lieu à des échanges assez insolites. “On a des relations de travail beaucoup plus personnell­es, constate Carole Gerothwohl, une collègue, depuis Paris. On essaye même de lui donner des conseils pratiques pour son expédition, en plus de parler boulot. Par exemple, je lui ai dit de bien penser à prendre de la nourriture. Ça paraît idiot, mais quand il était en Indonésie, je me rappelle avoir reçu un mail où il m’avait juste écrit en majuscules: ‘J’AI FAIM!’”

Monsieur l’intrépide

Une idée farfelue avec un message de fond: le télétravai­l. “J’essaie de montrer que l’on peut aller dans l’un des endroits les plus hostiles au monde tout en y travaillan­t sans souci. D’ici une dizaine d’années, le travail à distance sera devenu une norme, notamment avec Internet et le numérique. Ça permettra de mieux insérer les handicapés dans la société et de faciliter la vie des gens avec des enfants.” Après plusieurs jours d’adaptation au climat du désert, l’intrépide travailleu­r semble maintenant fin prêt à relever son défi des 40 jours de télétravai­l au milieu des dunes de sable. “J’assure mon rôle de chef d’entreprise et je rends mon travail en temps et en heure. Ce sont juste les conditions qui sont différente­s.” Mais était-il vraiment nécessaire d’aller s’isoler dans un endroit aussi éloigné pour faire comprendre son combat? Gauthier Toulemonde répond depuis sa tente: “C’est bien de faire du spectacula­ire, ça m’amuse.” Il ajoute: “Et puis, si j’étais parti m’isoler sur une île en Bretagne, je pense que tout le monde s’en serait un peu foutu.” Possible.

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