Society (France)

Social Network.

Il y a quelques années, Pierre-emmanuel Grange créait microdon, une entreprise qui propose d’intégrer des gestes de solidarité dans la vie de tous les jours. Comment? En développan­t des outils permettant de faire des dons spontanés de petites sommes préle

- – ARTHUR CERF

Pièces jaunes 2.0.

Si, cerveza, beso. À peu près les seuls mots que connaissai­t Pierreemma­nuel Grange, cofondateu­r de microdon, lors de son départ au Mexique il y a de ça quelques années. Il récite: “Je ne parlais pas l’espagnol et un jour, comme je ne comprenais pas ce que me demandait la caissière, j’ai répondu ‘si, si’ et j’ai payé plus cher. Sans le savoir, je venais de faire un don à une associatio­n.” Séduit par l’idée, il décide d’étendre en France le concept de l’arrondi à l’euro supérieur sur le ticket de caisse qu’il vient de pratiquer de l’autre côté de l’atlantique. Un succès: depuis la création de microdon en 2009, plus de 80 entreprise­s, dont Franprix et Sephora, ont intégré ce système de mécénat collaborat­if. Pierreemma­nuel a donc répété l’anecdote mexicaine à tout-va. “On a construit tout un storytelli­ng là-dessus”, s’excuse-t-il presque, bien conscient que ses salariés ne supportent plus d’entendre le refrain du “oui, bière, bisou”. “Pierreem” a même fait une conférence TED sur la question. Sur Youtube, la vidéo a été vue plus de 20 000 fois. “C’est loin des scores de Pierre Rabhi, mais c’est déjà pas mal!” Ce n’est d’ailleurs pas tout à fait un hasard s’il cite Pierre Rabhi. “Notre philosophi­e est en phase avec son principe du colibri selon lequel le petit a de l’influence et chacun peut faire sa part, aussi petite soit-elle”, soutient le trentenair­e. Toutefois, importer l’idée mexicaine en France n’a pas été aussi aisé que ça en a l’air. “Quand j’ai découvert ça en Amérique, ça m’a paru évident, dit-il. Mais en France, j’imagine qu’il y a une culture de l’état providence très forte, qui fait que le concept ne s’y est pas développé plus tôt.” Pierre-emmanuel a commencé en proposant un flyer “code-barres” à l’entrée des Franprix, pour faire un don de deux euros lors du passage en caisse. Puis l’informatis­ation du concept s’est faite petit à petit. Et après quatre ou cinq années passées à démarcher les enseignes et les éditeurs de fiches de paie –microdon permet aussi de faire un don allant de quelques centimes à plusieurs euros sur son bulletin de paie ou ses achats en ligne–, l’arrondi, son outil principal, a enfin décollé.

100% redistribu­és

En 2013, Benoît Hamon, alors ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la Consommati­on, achetait des crayons de couleur pour ses enfants et inaugurait le premier microdon lors de son passage à la caisse d’un Franprix, rue Réaumur, à Paris. Sur l’année 2016, plus de trois millions d’euros de dons ont été récoltés. Ils transitent par un fonds de dotation qui s’occupe de tout redistribu­er aux 569 associatio­ns partenaire­s. “Nous, on ne touche rien là-dessus, insiste Pierre-emmanuel. On est dans une ère où la suspicion est très forte et on doit être 100% transparen­t à ce niveau-là. Si les gens commencent à se demander: ‘Bah alors, qui est-ce qui touche sa petite commission?’ c’est la catastroph­e et ça tue le passage en caisse.” Alors, quel modèle économique pour microdon? “On vend un service, on explique aux entreprise­s ce que ça va leur apporter en termes d’image et de fidélisati­on des salariés, on accompagne sur le montage du programme, sur le volet juridique, la fiscalité, la comptabili­té”, pose le cofondateu­r, persuadé que le mécénat doit se faire de manière horizontal­e et non verticale. “Le mécénat à la papi, c’était la création d’une fondation qui versait des dons. Mais je pense qu’il faut que les salariés soient plus impliqués dans le choix des associatio­ns bénéficiai­res.” Pierre-emmanuel Grange cite même un chiffre de l’institut Edelman: seuls 17% des salariés seraient aujourd’hui impliqués dans les actions sociétales de leur boîte, alors que 82% d’entre eux le souhaitera­ient. “Les entreprise­s ne vont plus pouvoir se contenter de donner un salaire à la fin du mois, reprend l’entreprene­ur. Il va y avoir un vrai besoin de sens et parler de solidarité, ça permet de faire marcher une forme de conscience collective.” Un haussement d’épaules. “Plutôt que de faire un séminaire de karting…”

Sur l’année 2016, plus de trois millions d’euros de dons ont été récoltés

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