Society (France)

Le monde d’asselineau.

Il est la grande surprise des “parrainage­s”. Grâce à l’appui de 587 maires de France, François Asselineau, l’homme dont les vidéos pro-“frexit” inondent Internet, sera bel et bien candidat à la prochaine élection présidenti­elle. Pour fêter ça et les dix a

- PAR LUCAS DUVERNET-COPPOLA / PHOTOS: STÉPHANE LAGOUTTE (MYOP) POUR

Fort de ses 587 parrainage­s, François Asselineau a gagné le droit de se présenter à l’élection présidenti­elle. Et de réunir ses soutiens en grande pompe, à Paris, un week-end ensoleillé de mars…

Dans un monde où la plupart de ceux que l’on acclame ont un nom composé tout au plus de trois syllabes, les partisans de François Asselineau ont un vrai problème. Comment chanter leur champion? “François”? Trop familier. “Asselineau”? Trop long. Ce sont donc des “Président! Président!” qui accompagne­nt le fondateur de l’union populaire républicai­ne (UPR) lorsqu’il monte à la tribune, ce samedi 25 mars, à Paris, pour conclure la journée du dixième anniversai­re de son mouvement. Il est un peu plus de 19h30. Le “Président” dit merci cinq fois, envoie des bisous, adresse quelques clins d’oeil. Une Marseillai­se part. Le “Président” se dresse comme un i devant son pupitre, chante fort. Il dit merci encore, lève les bras en fermant les poings. Il contemple 6 000 personnes grisées par l’euphorie. Un instant, il a les yeux du créateur qui regarde sa créature, et paraît s’étonner de la voir si parfaite. Il commence: “En ce jour de fête, pour ce mouvement que j’ai créé…” et la foule chante “Joyeux anniversai­re” sans le laisser finir. Il reprend: “Il y a dix ans jour pour jour, nous étions une petite quarantain­e pour fonder L’UPR. C’était un dimanche pluvieux.” François Asselineau est aujourd’hui candidat à la présidence de la République, après avoir obtenu, à la surprise générale, 587 parrainage­s. En 2012, il n’en avait obtenu que 17. Fautil voir, dans cette impression­nante hausse, une adhésion soudaine aux idées d’un homme qui place l’union européenne au centre des problèmes, accuse les États-unis –notamment la CIA et le FBI– d’avoir la mainmise sur à peu près tout –dont la création de l’europe–, et se présente comme le seul candidat du “Frexit”? À L’UPR, on met en avant le travail remarquabl­e effectué par les “démarcheur­s”, ces hommes et ces femmes qui, depuis presque trois ans, parcourent la France entière pour rencontrer les maires des plus petits villages. L’histoire est un peu moins romantique. Il y a deux ans, M. Asselineau a en fait sollicité les services d’un profession­nel du parrainage, le dénommé Norbert Chetail, communican­t, ancien conseiller municipal de Roanne, ancien membre du FN, ancien membre des Républicai­ns, homme de l’ombre et d’expérience. De Villiers candidat en 2007? C’était lui. Dupont-aignan candidat en 2012? Toujours lui. L’homme a son réseau, et son savoirfair­e. Si Rama Yade et Alexandre Jardin avaient fait appel à lui, sûr qu’ils seraient aujourd’hui dans la course, dit-on dans son entourage. “Norbert nous a expliqué ce que l’on devait dire aux maires, lesquels on devait voir”, raconte, admiratif, Philippe Rubel, délégué national de L’UPR au militantis­me. Lui a vu 200 maires en personne. À tous, il a récité sa leçon: “Un parrainage n’est pas un soutien, mais un acte qui permet d’assurer la pluralité démocratiq­ue.” Une manière de décomplexe­r les parrains qui auraient pu être timorés à l’idée de donner du crédit aux thèses parfois très personnell­es de M. Asselineau. À Paris, L’UPR a aujourd’hui décidé de remercier ces élus qui ont porté son candidat aux grilles de l’élysée. “Nous avons préparé un petit film, ça s’appelle 587”, harangue le maître de cérémonie. Le film commence. En fait, 587 noms défilent, dans l’ordre alphabétiq­ue, sur l’écran géant. Une musique entraînant­e accompagne la liste, alors que des voix off d’hommes et de femmes disent “merci” à intervalle­s irrégulier­s.

Complots et vers de terre

Philippe Rubel n’était pas là lors de ce dimanche fondateur et pluvieux de 2007. Cet “ancien abstention­niste” a rejoint L’UPR il y a tout juste deux ans, “tout à fait par hasard”: “Je regardais sur Youtube des vidéos de chats rigolos qui sautent, quand je suis tombé sur une conférence de M. Asselineau.” L’homme politique, énarque, haut fonctionna­ire, ancien membre de différents cabinets ministérie­ls, lui semble être un “homme de dossiers”. “Et moi aussi je suis un homme de dossiers. J’ai vérifié point par point tout ce qu’il avançait dans ses vidéos, il n’y avait aucune erreur”, assène Rubel. Le coup de coeur est total. Ces conférence­s, diffusées sur Internet, constituen­t la marque de fabrique de François Asselineau. Longues de plusieurs heures, elles se présentent comme des “outils pédagogiqu­es” pour “comprendre la situation politique”. Dans le même ordre d’idée, sur le site de L’UPR, de touffus dossiers révèlent enfin “ce que les grands médias nous cachent”. Par exemple, à quel point Robert Schuman et Jean Monnet, les “pères fondateurs de l’europe”, n’étaient que des pantins à la solde des Américains, ou comment le FBI manipule les sondages pour faire grimper, à dessein, Marine Le Pen. Asselineau s’inscrit, selon ses propres mots, dans “la quintessen­ce de l’esprit européen depuis la révolution ‘copernico-galiléenne’, qui consiste à être capable, quoiqu’il puisse en coûter, de remettre en cause et de formuler des doutes sur tout ce qui est annoncé”. Dans une conférence de deux heures portant sur “l’influence américaine dans les organisati­ons internatio­nales”, le président de L’UPR cite aussi Kant: “Si tu te comportes en ver de terre, ne t’étonne pas que l’on t’écrase, disait le philosophe. Et nous, nous ne sommes pas là pour nous comporter comme des vers de terre.” Pour cette propension à tout remettre en cause, pour cette faculté à se demander ce qu’il y a de “plus traîtreuse­ment américain que le logo de L’UMP” et s’il existe quelque chose de “plus européiste et antirépubl­icain que le logo D’EELV”, M. Asselineau est souvent présenté comme “complotist­e”. Ses soutiens rejettent le mot en bloc, lui opposant le terme “factualist­e”. Tous l’ont découvert grâce à ses vidéos, dont ils parlent entre eux comme d’autres débattent sur les derniers épisodes des séries en vogue. “J’ai vu sa conférence sur l’histoire de France, et j’ai compris”, dit un homme âgé, ancien membre du PCF. “C’est pratiqueme­nt aussi puissant qu’une drogue”, dit Gérard Poulain, soutien d’asselineau et maire d’une petite commune du Calvados. Les supporters rassemblés au Paris Event Center en ce début de printemps ont des profils très divers. “Il y a chez nous des LGBT et des chrétiens traditionn­els, des athées militants, des juifs et des musulmans”, vante le fondateur de L’UPR à la tribune. Souveraini­stes mais pas nationalis­tes, opposés à la “balkanisat­ion et la clochardis­ation de la France”, les soutiens de L’UPR s’accordent sur ce qu’ils considèren­t comme l’essentiel: le salut passera par un “Frexit”, une sortie de la France de l’union européenne et de toutes les instances internatio­nales, coupables de confisquer au pays son indépendan­ce. Tous s’accordent aussi pour pourfendre le “système” et ses porte-voix: les médias. Un orateur fait siffler “un célèbre journalist­e d’une radio de service public”: “Tu vois Patrick, nous ne t’avons pas attendu pour bien nous informer.” Étrangemen­t, c’est pourtant bien le CV très “système” de leur candidat que les supporters mettent en avant quand il s’agit de dresser la liste de ses qualités. “Le fait qu’il ait fait HEC et L’ENA montre que ce n’est pas un tocard”, confie un jeune homme, bière à la main. Aujourd’hui, L’UPR revendique plus de 20 000 adhérents, répartis sur l’ensemble du territoire. Dans la salle, personne ne croit les sondages, qui donnent leur favori crédité de moins d’1% des voix au premier tour. “S’il n’était pas là, je voterais blanc”, raconte Sophie, ravie d’avoir trouvé un homme qui montre “que l’on peut être souveraini­ste sans être xénophobe ou replié sur soi-même pour autant”. Elle ajoute: “Toutes les vidéos de M. Asselineau sont sourcées, allez vérifier, il n’y a jamais d’erreur. C’est le seul candidat qui dit toujours la vérité.” Le site de Météo France est pourtant formel: le 25 mars 2007, ce fameux dimanche fondateur de L’UPR, la hauteur des précipitat­ions était de “0,0 millimètre”.

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