Society (France)

Extravagan­za. Trump as a migrant.

- – JULIEN LANGENDORF­F

Deux mois de présidence seulement, et le monde est déjà lessivé d’une fixation Trump en continu, dont même la critique permanente (et légitime) semble être devenue un automatism­e tiède. La photograph­e américaine Veronica Gabriela Cardenas participe donc de cette overdose avec sa série A Trump, mais justifie son originalit­é en affirmant que “si la figure de Trump est omniprésen­te dans l’art actuel, elle est rarement documentée du point de vue des immigrés”. C’est exact. Cardenas est donc partie en direction du fleuve Rio Grande, en bordure mexicaine, pour photograph­ier des travailleu­rs clandestin­s en leur proposant de poser affublés d’un masque du vilain Donald. “L’idée originelle était de créer une réalité parallèle dans laquelle Trump serait un travailleu­r sans papiers, confesse l’artiste, mais je me suis vite rendu compte que le masque était surtout une manière intéressan­te de rendre ces personnes moins vulnérable­s, en dissimulan­t leur identité sous les traits de l’homme le plus puissant du monde.” Une requête pas forcément évidente (“C’était fou de constater le pouvoir qui irradiait de ce simple masque. La plupart des modèles osaient à peine le regarder, encore moins le toucher”), les immigrés se montrant souvent méfiants, craignant généraleme­nt d’être reconnus –sauf ce jeune homme plus prosaïque, qui répondit à la photograph­e: “Je m’en fous, je serai expulsé dans tous les cas.” Plus troublant, l’humanité inattendue et paradoxale que ces mises en scène confèrent à ce monstre d’irréalité qu’est l’entité Trump: ainsi décuplé et intégré à cette somme d’individus sans nom (Cardenas nomme son personnage “un Trump”, de la même manière que l’on parle d’ “un sans-papiers”) travaillan­t sur un marché, servant des tacos, repeignant une façade d’immeuble, il pourrait, en théorie, être un homme comme les autres. Réponse à l’autopsie?

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