JUDITH AQUIEN La directrice
Ce soir-là, Judith fait encore des heures supplémentaires. Dans ses locaux déserts, elle aide Adam, un jeune Tchadien, à réviser pour ses examens de français. Il a progressé très vite. Son secret? Pendant un an, il a enregistré toutes les conversations qu’il avait avec des anonymes rencontrés dans la rue. Le soir venu, il branchait ses écouteurs à son téléphone et se repassait les dialogues en boucle pour apprendre. “C’est beau, pas vrai?” demande Judith. En 2015, la crise des réfugiés tapisse quotidiennement la presse européenne lorsque Judith Aquien rejoint une équipe de bénévoles du lycée Jean-quarré à Paris. “Les personnes nous demandaient souvent d’arrêter de penser à la bouffe, aux vêtements et de les aider à apprendre le français plutôt. Je me suis dit que c’était quelque chose de vital pour eux.” Neuf mois plus tard, l’école THOT –Transmettre un horizon à tous– voit le jour. Âgés de 17 à 55 ans, les étudiants suivent trois heures de cours de français par jour durant seize semaines. Ceux qui réussissent leurs examens ressortent avec un diplôme d’études en langue française, le DELF, reconnu internationalement. En plus d’un apprentissage de qualité du français, l’école propose des ateliers artistiques et des sorties culturelles. “C’est primordial que les réfugiés se sentent aussi à l’aise à La Chapelle que dans un théâtre”, souligne Judith. THOT a bénéficié d’un financement de la mairie de Paris. L’école a gagné “La France s’engage”, un concours organisé par l’élysée pour soutenir les projets associatifs. Mais malgré cette réussite apparente, Judith Aquien s’assombrit quand elle évoque le sort des migrants. “D’un côté, le président lui-même me tape la bise pour me féliciter. De l’autre, on a des étudiants transférés comme des sacs à patates à l’autre bout du pays, alors même qu’ils sont en formation chez nous. Il y a des dénis de solidarité incroyables”, se désole-t-elle. Récemment, Adam s’est vu refuser sa demande d’asile.