Society (France)

TOMMY FRANÇOIS Créateur d’univers

- – GRÉGOIRE BELHOSTE / PHOTO: RÉMY ARTIGES POUR SOCIETY

C’est en octobre 1996, quelque part sur la route entre Laguna Beach et Malibu, en Californie, que Tommy François s’est senti pour la toute première fois plongé dans un jeu vidéo. “Ce jour-là, j’ai réalisé que j’étais dans les décors du jeu Comanche. Autour de moi, il y avait des collines, ces dômes arrondis avec de l’herbe brûlée. Comprendre à quel point l’environnem­ent pouvait influencer un jeu, ça m’a rendu dingue.” Aujourd’hui, 20 ans plus tard, le Franco-américain de 43 ans, ancien journalist­e spécialisé dans les jeux vidéo, travaille pour Ubisoft. Son poste est unique: Tommy François crée des mondes inspirés de la réalité, dans lesquels évolueront les gamers. À ses côtés, une cinquantai­ne de spécialist­es: “D’anciens journalist­es, des réalisateu­rs, des écrivains, des monteurs vidéo, des Indiana Jones modernes comme ce normalien qui a fait le Rwanda ou l’afghanista­n”, liste François. Tous oeuvrent pour créer un “World Texture Facility”, une base de données réunissant le maximum d’informatio­ns permettant de bâtir des univers. Un travail d’orfèvre, tant le diable se niche dans les détails. Ainsi, pour produire Ghost Recon Wildlands, un “shooter militaire en monde ouvert” au coeur des trafics de drogue, Tommy François et ses hommes ont quadrillé la Bolivie durant une dizaine de jours. “On a descendu la route de la Mort, une voie de plus de 50 bornes, à flanc de falaise, où deux voitures n’ont pas la place de se croiser, déroule François avec un débit mitraillet­te. Au milieu de la route, notre fixeur bolivien s’arrête et nous montre une maison dans laquelle s’était planqué un nazi. Dans le jeu, tu peux mettre cette maison dans le scénario, en réalité augmentée par exemple. Mais ce type de détail ne s’invente pas, impossible de le trouver sur Wikipédia.” Sur place, l’équipe de neuf personnes découvre que les bus locaux proposent des bouteilles d’oxygène ou que la feuille de coca sert comme offrande aux morts. Autant de détails qui finiront dans le jeu. Et qui provoquero­nt la colère du ministre de l’intérieur bolivien, agacé de l’image donnée à son pays. “Les oeuvres créatives servent à parler de sujets de société, rétorque François. Comment des films comme Apocalypse Now ou Platoon auraient pu exister si des gouverneme­nts s’étaient offusqués?” Tommy François rêve déjà à ses prochaines destinatio­ns, si possible encore inexploité­es par les jeux vidéo. Depuis le siège d’ubisoft à Montreuil, il dresse une courte liste: “L’histoire, l’infiniment petit ou l’espace.” Rien que ça.

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