Karine, 44 ans, née à Bordeaux (Gironde) Directrice de production
“Je suis revenue en France métropolitaine à 16 ans, à Mont-demarsan. C’était un peu ‘difficile’, entre guillemets, parce que je venais de passer huit ans à l’étranger, à Kinshasa et au Maroc, donc il y a eu un choc culturel en passant d’une classe de 19 enfants de diplomates à une classe de 41 élèves du Sud-ouest. Pour autant, je ne me suis pas sentie malheureuse. Je ne savais pas ce que c’était que l’hiver, c’est tout.
J’ai pris conscience que j’étais homosexuelle très jeune. Je regardais déjà les femmes quand j’avais 8 ans. Sans avoir conscience de ce que c’était, c’était clair pour moi. Et puis à l’adolescence, on comprend vite les choses. Mon coming out, je l’ai fait à 20 ans. Je ne me suis pas mis de barrières en me disant: ‘Les gens ne m’accepteront pas.’ Et je n’ai pas senti qu’on me regardait de travers. Et quand bien même ça aurait été le cas, je savais que j’étais dans un pays où j’avais quand même la loi pour moi. Il y a quand même des acquis. Je parle de ma compagne, je ne me suis pas inventé une histoire abracadabrante avec un mari imaginaire.
C’est pour ça que je ne m’attendais pas du tout à ces manifestations contre le mariage pour tous. C’est comme si on avait libéré quelque chose qui était ancré chez beaucoup de gens. Cela va de pair avec toute la politique actuelle… L’islamophobie, le racisme… Comme si les gens avaient accepté sans rien dire, sans broncher, parce que c’était le sens de l’évolution de la société. Et que d’un coup, on leur avait ouvert une porte pour exprimer un refus. Et qu’ils s’étaient engouffrés là-dedans, parce qu’ils se retenaient depuis trop longtemps. C’est un peu la perception que j’en ai. Forcément, tu te dis: ‘Tiens, mon pays se fracture.’ Une faille est en train de grandir. Mais je ne suis pas moins heureuse en France depuis que je sais que ces gens existent. Parce que ça ne vient pas perturber plus que ça ce en quoi je crois. Et que j’ai toujours la chance de vivre dans un pays où on peut être homosexuel sans être montré du doigt. Il y a eu le PACS, le mariage pour tous... Malgré tout, on progresse.”