Society (France)

Thérèse, 70 ans, née à Wattrelos (Nord) Retraitée

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“J’ai grandi à Wattrelos, à côté de Roubaix. J’ai eu 20 ans en mai 68. Je l’ai très mal vécu, je ne comprenais pas pourquoi on voulait sortir des sentiers battus. J’avais un cadre, je ne voyais pas pourquoi on voulait en sortir, comme ça. Il y avait des choses à demander. Je me souviens d’avoir été très heureuse quand on a eu l’autorisati­on de porter des pantalons. Mais je ne peux pas dire que c’était le rêve, finalement ce n’était pas le rêve. Tout était permis. Quand tout est permis dans une société, il y en a qui paient les pots cassés. Moi je l’avais vu, ça. J’ai identifié une période où je me sentais heureuse, vers mes 30 ans, par là. À ce moment-là, j’ai commencé à regarder la vie politique, à partager. La campagne électorale de Giscard d’estaing, on l’a vécue avec la télévision. Un grand moment. J’avais trouvé un candidat qui me convenait. Moi à l’époque, je vivais à Pau, je reconstrui­sais ma vie, loin de ma famille. J’avais divorcé de mon mari, un parachutis­te. Quand on est mal marié, il faut quelque chose pour en sortir. Giscard avait promis de passer une loi sur le divorce qui permettrai­t de divorcer à l’amiable. C’est-à-dire, pour moi, dans ma tête, sans bataille juridique, sans attaquer l’autre. On est d’accord et on divorce. Je me souviens d’avoir attendu que cette loi passe pour demander le divorce. J’ai mis longtemps à prendre ma décision car ça allait contre ma religion, je peux le dire, contre ce que me disait ma famille. D’ailleurs, ma famille m’a tourné le dos à ce moment-là. ‘On ne

divorce pas.’ Seulement, c’était invivable... C’était très dur, vraiment. J’ai été obligée de m’en sortir avec mes deux enfants, mon boulot, et sans famille, ni d’un côté ni de l’autre. Je n’étais pas sûre d’y arriver. Mais j’y suis arrivé. Et j’ai découvert la liberté. Alors on va dire que ça a compensé. La liberté, ça compense beaucoup de choses. Et puis il y a eu 35 ans de liberté derrière. J’ai fait un essai de vie commune: treize jours… Je m’en souviens bien. Ça n’a pas marché. C’est-à-dire qu’à partir du moment où il y a les enfants, refaire sa vie... On a formé une petite famille à trois, vraiment très forte. On était en autarcie, pratiqueme­nt. Mes enfants étaient les seuls fils de divorcés dans la classe au début. Et après, petit à petit, il y a eu de plus en plus de divorces. Mais leur petite enfance, ils étaient un peu, on va dire, montrés du doigt.”

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